L affirmation de la bourgeoisie péruvienne comme acteur politique dans les années quatre-vingt - article ; n°124 ; vol.31, pg 899-920
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L'affirmation de la bourgeoisie péruvienne comme acteur politique dans les années quatre-vingt - article ; n°124 ; vol.31, pg 899-920

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Tiers-Monde - Année 1990 - Volume 31 - Numéro 124 - Pages 899-920
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 17
Langue Français
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Extrait

Francisco Durand
L'affirmation de la bourgeoisie péruvienne comme acteur
politique dans les années quatre-vingt
In: Tiers-Monde. 1990, tome 31 n°124. pp. 899-920.
Citer ce document / Cite this document :
Durand Francisco. L'affirmation de la bourgeoisie péruvienne comme acteur politique dans les années quatre-vingt. In: Tiers-
Monde. 1990, tome 31 n°124. pp. 899-920.
doi : 10.3406/tiers.1990.3962
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1990_num_31_124_3962L'AFFIRMATION
DE LA BOURGEOISIE
PÉRUVIENNE
COMME ACTEUR POLITIQUE
DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT
par Francisco Durand*
C'est au début du xxe siècle qu'apparaissent les premiers industriels au
Pérou. Mais ce n'est que bien plus tard qu'ils se sont affirmés, tant au plan
économique, organisational que politique, comme noyau originel d'une bour
geoisie nationale moderne. Dans les années soixante, alors que le pays tentait
d'enclencher un processus d'industrialisation, l'oligarchie terrienne et export
atrice traditionnelle était encore aux postes de commande. Et ce n'est qu'en 1968,
lors de la révolution du général Juan Velasco, qu'un ensemble de réformes
détruisit les bases du pouvoir de cette vieille oligarchie et contribua au dévelop
pement d'une nouvelle bourgeoisie. Si des chercheurs comme John Weeks1
voient dans cette bourgeoisie la force motrice de cette révolution anti
oligarchique, son rôle a pourtant été bien modeste : elle s'est alors bornée à
appuyer la réforme agraire et les nationalisations d'entreprises étrangères, mais
n'a pas exercé de véritable contrôle sur la situation politique et n'a pas eu
beaucoup d'influence sur les militaires au pouvoir8. Avec le gouvernement
nationaliste-populiste d'Alan Garcia (élu en 1985, après dix années de politiques
libérales-exportatrices) s'est à nouveau posée la question du rôle politique de
cette nouvelle bourgeoisie. Aujourd'hui, et à la différence de 1968, détient-elle
véritablement le pouvoir?
Pour certains la réponse est affirmative8. Pour d'autres, elle serait plutôt
un allié politique temporaire qui, ayant trouvé dans ce gouvernement une oppor-
* Chercheur au desco, Lima. Cet article est traduit de l'espagnol par Michèle Petit.
1. John Weeks, Limits to Capitalist Development : the Industrialization of Peru, 1950-1980,
Boulder, Colorado, Westview Press, 1985.
2. Voir Francisco Durand, La Decada Frustrada, los Industriales y el Poder, 1970-1980,
Lima, desco, 1982.
3. Le Parti unifié mariateguiste a affirmé qu'il s'agissait d'un « gouvernement de bourgeoisie
nationale ».
Revue Tiers Monde, t. XXXI, n° 124, Octobre-Décembre 1990 Francisco Durand 900
tunité propice à son développement, serait finalement passé dans l'opposition
en 1987, quand le président Garcia a tenté d'étatiser la banque privée, nouvelle
base du pouvoir économique de la bourgeoisie péruvienne. Toutefois, à la diff
érence de 1968 et en dépit d'appréciations divergentes sur ses capacités d'influence,
cette nouvelle bourgeoisie fait preuve depuis 1985 d'une réelle affirmation politique.
En Amérique latine, la question de l'affirmation politique de la bourgeoisie
est fondamentalement liée à deux assertions : sa faiblesse économique4, dès
lors qu'elle n'est pas l'agent principal, ni unique, de l'accumulation du capital,
l'Etat et le capital étranger étant d'importants acteurs économiques; ses oscil
lations et ses positions équivoques en tant qu'acteur organisé, dès lors qu'elle
s'adapte aux changements politiques, plutôt qu'elle ne les influence de façon
décisive6.
En ce qui me concerne, je pense que si la faiblesse économique de la bourg
eoisie nationale est à prendre en compte dans l'analyse, elle n'implique pas
nécessairement une incapacité à s'affirmer sur le plan politique. Pour bien
comprendre la situation actuelle, il faut élaborer une « carte » de la structure du
pouvoir, identifier les moyens dont dispose la bourgeoisie nationale dans ses
rapports aux autres agents économiques, les intérêts qui séparent les différentes
fractions qui la composent et leurs ressources politiques propres. La distinction
entre groupes de pouvoir économique puissants (dont les intérêts sont très
diversifiés) et autres composantes de la bourgeoisie le poids économique
est limité et les intérêts concentrés dans des branches d'activité déterminées) a
une importance particulière6. Et si l'étude de l'alliance avec le gouvernement de
Garcia fournit le scénario pour comprendre l'affirmation de la bourgeoisie
péruvienne, il faut d'abord analyser comment s'organisent ses différentes compos
antes pour intervenir comme acteurs politiques. Tant au plan économique
qu'organisationnel et politique, il faut prendre en compte le processus spéci
fique de formation de la bourgeoisie nationale7, et non partir du postulat que ce
développement serait déjà chose faite — ou qu'il ne pourrait s'effectuer, du
4. La question de la faiblesse économique de la bourgeoisie nationale (parfois qualifiée de
« rachitique » ou ď « embryonnaire »...) est fréquente dans la littérature marxiste sur le sujet,
depuis qu'ont commencé les discussions sur les pays coloniaux et semi-coloniaux qui ont débuté
lors de la IIIe Internationale (Fernando Claudin, La crisis del movimento comunista. De la
Komintern al Kominform, Barcelona, Ruedo Ibérico, 1970, p. 221-222). Des prises de position
plus récentes peuvent être trouvées dans Guillermo O'Donnell, Burguesia local, Capital trans
national y Aparato estatal : Notas para su estudio, Mexico, ilet, dee/d/22, 1978, et Agustin
Cueva, Las democracias restringidas de America latina, Quito, Editorial Planeta, 1988.
5. Sur « l'ambivalence » ou « l'hésitation » comme expression de sa faible action politique, on
a beaucoup écrit, et particulièrement Mao, Las clases sociales en la sociedad china y la Revol
ution china y el Partido comunista chino, Pékin, Ediciones en Lenguas Extranjeras, 1972,
1. 1 et II ; Norbert Lechner, La crisis delEstado en America latina, Caracas, El Cid Editor, 1977,
et Ernest Mandel, Clases sociales y la crisis del politico en America latina, Mexico, Siglo xxi,
1977, p. 357-358, sont revenus sur le sujet.
6. Cette distinction est explicitée plus loin.
7. Sur la question théorique de la formation des classes comme acteurs politiques, voir
Adam Przeworski, The Process of Class Formation from Karl Kautsky's. The Class Struggle to
Recent Controversies, in Politics and Society, 7, n° 4, 1977, p. 342-401. L'affirmation de la bourgeoisie péruvienne 901
fait de la faiblesse économique intrinsèque de cette bourgeoisie ou de l'influence
déterminante du capital étranger et des forces externes.
Paradoxalement, cette capacité d'action politique se révèle moins dans
l'alliance avec Garda, que dans l'aptitude de la bourgeoisie à empêcher l'état
isation de la banque privée. C'est alors que la complexité des médiations entre le
pouvoir économique des élites locales et l'Etat apparaît clairement, et que se
relativise leur faiblesse économique, puisqu'elles agissent sur le plan politique
de façon effective. C'est aussi à partir de ce moment qu'elles tentent de redéfinir
leur propre relation avec le pouvoir politique, en cherchant à dépasser le pragmat
isme et l'opportunisme.
LA STRUCTURE DU POUVOIR DANS LE PÉROU POST-OLIGARCHIQUE
Avant la révolution anti-oligarchique de Velasco en 1968, la bourgeoisie
était divisée en plusieurs groupes : le bloc hégémonique, constitué autour de
l'oligarchie terrienne-exportatrice, alliée aux producteurs miniers et aux hacen-
deros traditionnels de la sierra (les « caciques »)8; les industriels, les entre
preneurs du bâtiment et les commerçants liés au marché interne, qui consti
tuaient un groupe en émergence mais toujours en position subordonnée. Si le
développement industriel des années soixante avait affecté son pouvoir, l'ol
igarchie jouait toujours un rôle dominant sur le plan économique local. Mais
le capital étranger, allié traditionnel de l'oligarchie et des exportateurs nationaux,
s'était diversifié dans l'industrie et la banque, en s'appuyant alors beaucoup
plus sur des entreprises liées au d

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