L architecture et son public : les églises de la Contre-Réforme - article ; n°1 ; vol.28, pg 91-108
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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1973 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 91-108
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Charpentrat
L'architecture et son public : les églises de la Contre-Réforme
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 1, 1973. pp. 91-108.
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Charpentrat Pierre. L'architecture et son public : les églises de la Contre-Réforme. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 28e année, N. 1, 1973. pp. 91-108.
doi : 10.3406/ahess.1973.293332
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1973_num_28_1_293332L'architecture et son public :
les églises de la Contre-Réforme
Ces réflexions d'un non-historien, le beau livre de Maurice Agulhon, Pénit
ents et francs-maçons de l'ancienne Provence 1, les a, non point sans doute
directement inspirées, mais stimulées et infléchies. Spécialement les chapitres
où l'auteur, débordant le cadre provençal, s'efforce, avec toutes les nuances
et la prudence requises, de délimiter une France, puis une Europe, des Pénitents.
Les frontières lui paraissent d'abord coïncider avec celles d'une « sociabilité
méditerranéenne », liée sans doute à une certaine densité urbaine, et en vertu
de laquelle les hommes s'unissent en groupes d'importance réduite, exclusifs
les uns des autres, quels que soient les objectifs du rassemblement et l'idéologie
qui l'a provoqué. C'est ainsi que les loges maçonniques, puis les clubs révolu
tionnaires, remplissent en partie les mêmes fonctions, répondent dans une
certaine mesure aux mêmes besoins, que les pieux groupements nés à la fin
du xvie siècle. Le phénomène toutefois s'observe en des pays non méditerra
néens, fort éloignés et fort différents de l'Italie, de la France méridionale et
de l'Espagne. Agulhon modifie alors ses critères et associe confréries, Contre-
Réforme et ... art baroque. Il débouche donc, après tant d'autres, sur un terrain
particulièrement mouvant et traversé de fantômes, sur le théâtre de mille
controverses sans issue. Seulement il y arrive par le bon côté — ou par l'un
des bons côtés, et c'est pourquoi sa démarche peut, même sur ce point, faciliter
la formulation d'hypothèses fécondes. Le problème qui se trouve posé, c'est
en fin de compte celui des rapports entre le baroque et une certaine structure
sociale. Notons d'emblée l'opposition la solution suggérée par l'étude des
Pénitents et celle que propose un V. L. Tapie : pour celui-ci, historien de
l'Europe centrale, le baroque naît essentiellement des civilisations seigneuriales
et terriennes ; pour le Provençal Agulhon, il est associé à l'intensité, au raffin
ement de la vie urbaine.
Généralisons les conclusions ď Agulhon. Dans certains pays au moins, et
plus particulièrement dans les villes, le catholicisme issu des mouvements à peu
près contemporains du Concile de Trente favorise des dévotions sensiblement
i. Paris, 1968. Compte rendu dans les Annales E.S.C., mars-avril 1971.
91 HISTOIRE NON ÉCRITE
marginales par rapport au culte officiel, à celui qui s'accomplit avant tout dans
le cadre paroissial. Dévotions dont chacune, peu encline à pactiser avec les
autres, se développe dans un cadre ad hoc, sous la direction de clercs, ou de
communautés de clercs, plus ou moins indépendants de la hiérarchie propre
ment dite — sous direction, le plus souvent, « régulière ».
Les Pénitents sont devenus, le romantisme aidant — et Agulhon illustre
le processus avec sa précision habituelle — des personnages hautement symbol
iques. Mais leur multiplication ne témoigne pas à elle seule de cette parcellisa
tion du public chrétien qui constitua à la fin du xvie et au xvne siècle un
facteur d'émulation, d'approfondissement et de progrès, et dont ne subsistaient
plus guère, vers 1750, que les conséquences négatives. D'autres confréries
eurent des activités moins spectaculaires. Lorsque certains évêques commenc
èrent, dès la fin du xvne siècle, à considérer avec circonspection les initiatives
des Pénitents, leur politique consista d'ailleurs à susciter d'autres groupements,
plus homogènes socialement et plus dociles, en particulier les congrégations
professionnelles. Nous rencontrons ces « clubs » zélés mais raisonnables jusqu'en
Bavière où, comme en Provence, les Jésuites les encadrent solidement. Rele
vaient également de la Compagnie les congrégations mariales dont la première
naquit à Rome en 1563, et qui étaient près de 1 500 un siècle plus tard. Quant
aux Mendiants, ils enrôlèrent les laïcs dans leurs tiers-ordres — et, en des
régions comme le Minas Gérais, d'où les pouvoirs publics avaient exclu les
moines eux-mêmes, ces sociétés comptèrent parmi les principaux animateurs
de la vie religieuse et exercèrent un éclatant mécénat. De petits groupes inorga
nisés de fidèles des deux sexes, enfin, préférèrent au relatif anonymat paroiss
ial l'intimité feutrée des chapelles conventuelles, l'atmosphère recueillie de
leurs offices, l'assiduité de directions de conscience mieux individualisées.
Le pèlerinage subit de son côté une évolution significative. Il continue
assurément, par définition, à provoquer des rassemblements d'une exceptionn
elle ampleur. Mais il se particularise à sa manière. Les pèlerinages locaux
l'emportent sur les grandes migrations internationales du Moyen Age. Sur
chaque site de quelque importance naît au temps de la Contre-Réforme une
confrérie ou une congrégation : le pèlerin « moderne » s'agrège à un groupe
bénéficiaire de grâces particulières plutôt qu'il ne se lance héroïquement, pour
conquérir ces grâces, sur les routes de l'aventure. Il se sépare d'une certaine
manière de la communauté traditionnelle, mais ce n'est plus pour s'arroger
l'étrange liberté des chemins de Jérusalem ou de Compostelle, que redoutent
maintenant, non seulement l'Église, mais les gouvernements, c'est pour
contracter une nouvelle appartenance, plus contraignante en fait que l'ancienne.
Il s'enferme, désormais, plus qu'il ne s'échappe.
Au sein du monde clérical, se font jour les mêmes tendances à la subdivision,
à la sélection, à la spécialisation. La fondation des célèbres Instituts du
xvie siècle — Somasques, Théatins et Jésuites — en est la première manifestat
ion. Plus tard — et dès l'époque de l'Oratoire, né comme on sait de la confrérie
largement laïque animée par Philippe Néri — les prêtres séculiers eux-mêmes
se groupent, se « classent » sans sortir du monde. Il leur arrivera de former des
congrégations, notamment au Portugal et au Brésil. Les séminaristes, enfants
du Concile de Trente, constituent peu à peu une catégorie avec ses besoins et
ses problèmes spécifiques. A l'intérieur d'un ordre qui croît en dimensions et
en puissance, comme celui des Jésuites, des groupes tendent à s'individualiser,
tel le noviciat.
92 CHARPENTRAT ÉGLISES DE LA CONTRE-RÉFORME P.
Faits bien connus en eux-mêmes, mais auxquels on ne rattache pas toujours
l'ensemble de leurs conséquences architecturales.
Le fractionnement de l'élite catholique a toutes chances de susciter des
concurrences fécondes. Chaque société tient à posséder son propre lieu de
réunion, à faire célébrer le culte pour elle seule. Cette aspiration résulte de sa
définition même et il lui suffira souvent de la réaliser pour se sentir justifiée.
Elle s'efforcera en général de construire mieux que les autres — à défaut, de
camoufler plus habilement que les autres, au moyen de l'ornementation, une
structure jugée banale. Un rapport de nature particulière s'établit en tout cas
entre le maître d'ouvrage et la construction, ou le réaménagement intérieur,
dont il a pris l'initiative et dont il fait une affaire personnelle. Le bâtiment
devient témoignage, garant de relations spéciales avec le Ciel. Contraste absolu
avec la construction paroissiale, souvent commandée de l'extérieur, et que les
responsables officiels — décimateurs, bureaux diocésains — régissent

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