«L Arianité » : paradis perdu de Gobineau - article ; n°37 ; vol.12, pg 65-80
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Description

Romantisme - Année 1982 - Volume 12 - Numéro 37 - Pages 65-80
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sylvie André
«L'Arianité » : paradis perdu de Gobineau
In: Romantisme, 1982, n°37. pp. 65-80.
Citer ce document / Cite this document :
André Sylvie. «L'Arianité » : paradis perdu de Gobineau. In: Romantisme, 1982, n°37. pp. 65-80.
doi : 10.3406/roman.1982.4556
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1982_num_12_37_4556ANDRE Sylvie
« L'Arianité » : paradis perdu de Gobineau
L'Arianité, si l'on peut s'autoriser ce néologisme pour désigner
l'essence du monde arian, telle qu'elle apparaît chez Gobineau à la
lecture de L'Essai sur l'inégalité des races humaines (1) présente tous
les caractères, tous les aspects d'une fiction compensatoire que Marthe
Robert décrit dans son ouvrage Roman des origines et origines du
roman comme la recherche romantique par excellence : celle d'un
« Paradis perdu ». La préface d'Hubert Juin pour l'édition Belfond ne
s'intitule-t-elle pas aussi « Un grand poète romantique » ? Cet éclai
rage, pour un livre si décrié mais aussi si méconnu, permettra peut-
être d'estomper un peu les contours grimaçants de la caricature qui
tient lieu d'existence posthume à Arthur de Gobineau.
« Tous les romantiques communient dans ce culte de l'enfance
prise en soi [...] temps d'avant la chute où êtres, choses et bêtes bai
gnent encore dans le paradis de l'indistinct » (2). C'est en effet une
grandiose vision de l'enfance que le monde arian, celle non de l'human
ité mais de la société humaine. Enfance de légende, protégée de
l'histoire, plus exactement des historiens, par la plus formidable barrière
rocheuse de la création, la société ariane « vivait en silence, préparant
les destinées humaines et grandissant pour la gloire de la planète, dans
une partie de notre globe qui, depuis est devenue bien obscure » (3).
Le mélange racial, en venant souiller cette humanité idéale, la fera
choir dans l'enfer de la réalité. L'expression « Paradis de l'indistinct »
pose un problème tant le rapprochement des deux notions paraît
a priori peu gobinien. Cependant une autre formule équivalente pour
Marthe Robert, permet de rattacher le rêve arian à la rêverie romantique
d'un paradis perdu : « l'unité primordiale ». Le roman, le conte, la
fiction ont pour but de la ressusciter au-delà d'une rupture inadmissible
entre le moi et le monde, qui précipite tout être humain dans la relati
vité et la différence ; de « l'euphorie narcissique » où vit
le jeune enfant avant que « l'épée tranchante de l'expérience ne l'oblige
à distinguer entre soi et autrui, entre l'amour de soi et l'amour de
tous qui est dans la nature du Paradis » (4). L'unité du corps social
est partout présente dans le monde arian primordial d'A. de Gobineau,
elle y remplit parfaitement son but : sécuriser, rassurer. La « nature
(1) Une édition critique due à Jean Boissel doit paraître incessamment dans
Gobineau, Oeuvres, « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard, 1. 1.
(2) M. Robert, Roman des origines..., Grasset, 1977, p. 111.
(3) Essai sur l'Inégalité races humaines, Belfond, 1 967, p. 2 1 7.
(4) M. ouvr. cité, p. 112. 66 Sylvie André
blanche » (5), exempte de toute souillure, incapable d'errer car elle
est du domaine de l'instinct, guide totalement et absolument chaque
individu. Cette loi inscrite dans les gènes des Arians leur prescrit un
idéal personnel, religieux, moral, social hors de toute atteinte et affran
chi de toute hésitation. C'est cette « arianité », essence de l'homme,
qui pourrait constituer « l'unité primordiale » dont parle Marthe
Robert. Le Paradis est bien celui de la jouissance d'une certitude
et d'une sécurité sans mélange, où le Moi humain ne peut douter
évoluer dans le monde de la Vérité entière, et où il ne peut rencontrer
que l'identique et le même, avec cependant des degrés. Les nations
historiques quoique déjà mêlées donnent une idée de cette société
idéale, constituée de « pairs » (6) :
« Le résultat de cette concordance parfaite, intime, du génie ethnique
d'un homme supérieur avec celui de la race qu'il guide se manifeste par
ceci, que, si le peuple est encore dans l'âge héroïque, le chef se confond plus
tard, pour les annalistes, avec la population, ou bien la population avec le
chef [...] Puis, lorsque la lumière de l'histoire, devenue trop intense, empêche
de telles confusions, on a toujours bien de la peine à distinguer, dans les
actions et les succès d'un souverain eminent, ce qui constitue son œuvre
personnelle de ce qui appartient à l'intelligence de sa nation. (7) »
L'Arian, « euphorie narcissique » oblige, est demi-dieu ou dieu
pour les autres races, éblouies par ses mérites : « on les divinisa, on
les plaça au-dessus de la créature humaine, on s'avoua plus petits
qu'eux » (8). Mais il n'est pas loin de se croire lui-même d'essence
divine, tant la frontière est mince entre l'existence et l'essence dans
ce monde premier : « ceux-ci [...] croient pouvoir, en certains cas,
et au prix de certains exploits guerriers ou moraux, s'élever aux lieu
et place d'où les dieux les contemplent, les encouragent et les redout
ent. (9) » A cet égard l'exemple de l'ascendance mythique des Arians
Hellènes est extrêmement significatif : « Encore à peu près intacts
de tous mélanges ce sont les Titans. La régularité de la filiation ne
laisse rien à désirer. (10) » L'unité primordiale n'est pas jugée sati
sfaisante et nous arrivons enfin à la source, à la pure Origine, seule
capable d'alimenter « l'euphorie narcissique » : Dieu. « Les Titans,
fils d'Ouranos, le dieu originel des Arians, étaient bien incontesta
blement eux-mêmes, on le voit, les Arians. (11) » Rêve de certitude,
de sécurité parfaite, l'Arianité est aussi celui d'une toute puissance,
vision d'un enfant qui se refuse à accepter la réalité, sa relativité, la
faiblesse de l'homme et son destin de doute perpétuel :
(5) Essai, p. 222.
{в) p. 480, note 1.
(1) Essai, p. 673-74.
(8)p. 472.
(9) Essai, p. 333.
(10)p. 471.
(Il) Essai, p. 472. € L 'Arianité » : paradis perdu de Gobineau 6 7
« être enfant, redevenir enfant, c'est annuler la séparation irréversible
causée par la pensée rationnelle, c'est retrouver la pureté, l'harmonie, la
vraie connaissance qu'interdit par la suite la science morcelée [...] la nature
maternelle [...] le délivre du fardeau de la conscience en lui communiquant
directement la science des origines dont le savoir intellectuel n'a jamais la
clé [...] l'Eden romantique ignore donc la sexualité (12). »
Dans le pays mythique et originel où les hommes réalisent sans
peine une essence qu'ils connaissent parfaitement, les rapports entre
les sexes ont la transparence et la pureté d'un univers sans péché :
« С 'est l'Uttara-Kourou de la tradition brahmanique, région située suivant
elle, à l'extrême nord, où régnait la liberté la plus absolue pour les hommes
et pour les femmes, liberté réglée cependant par la sagesse, car là habitaient
les Rischis, les saints de l'ancien temps (13). »
L'unique point sur lequel la race blanche selon Gobineau, diffère
qualitativement des races noires et jaunes est l'absence totale de sen
sualité. « Le blanc est beaucoup moins doué que le noir et que le jaune
sous le rapport sensuel. (14) » Lorsqu'on lit l'Essai, c'est bien là
que semble résider la supériorité indéniable de la race élue, avec son
corollaire obligatoire : un sens moral supérieur qui met à l'abri de
toute tentation :
« L'Arian est donc supérieur aux autres hommes, principalement dans
la mesure de son intelligence et de son énergie, et c'est par ces deux facultés
que, lorsqu'il parvient à vaincre ses passions et ses besoins matériels, il lui
est également donné d'arriver à une moralité infiniment plus haute (15). »
Blancs et jaunes sont des « peuples utilitaires, autrement dit,

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