L économie parallèle en Chine : une seconde nature ? - article ; n°3 ; vol.14, pg 103-151
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1983 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 103-151
China's second economy : second nature ?
A study of the second economy in a socialist country is a matter of considerable interest. Indeed, the use of this approach can throw light on the ways in which the economy really functions, as opposed to the legal or official routes which it is supposed to follow. Assessment of the extent of the divergence between the two would require a precise quantification of all the diverse forms of economic activity by which the second economy manifests itself, and this, given the lack of statistics, is not generally possible. However, such indications as can be found in the country's press afford some insight into its workings, suggesting that the activities of the second economy tend to develop in all those sectors where the official economy has proved itself incapable of organizing production and distribution in a rational and efficient manner, and that they represent the reintroduction of economic incentives into a system which is almost entirely lacking in these.
Illegal economic activity takes a great many forms, but broadly it might be classified under three main headings : illegalities committed by enterprises and by the administration, which arise from the contradictions within the system ; then come those illegal activities which, in one way or another, have to do with corruption and which, by definition, are committed by officials ; and lastly there are the « poor man's crimes ». The article examines these various aspects of illegal economic activity in China, one of the socialist countries which are least often mentioned in this context. For reasons which are partly structural and partly circumstantial (the latter having to do with an attempt at reform and reorganization of the economy) the second economy in China has nowadays become greatly extended. Falsification of accounts, the amount of goods and funds misappropriated not only by enterprises but also by officials or ordinary private individuals, the importance of the bribe, the simple straightforward pillaging of State property, all bring to mind Ilya Zemstov's classic description of such activities in the context of Soviet Azerbaïdjan. Having shown that this apparently heterogeneous assortment of practices does in fact add up to a coherent and well-articulated whole, the author goes on to ask a number of questions about the nature of the socialist system and the forces at work therein.
L'étude de l'économie parallèle dans un pays socialiste a un intérêt considérable. Par ce biais, on peut en effet aborder la question des modalités réelles du fonctionnement du système économique par rapport à ses modalités légales ou officielles. Apprécier l'importance du décalage entre les unes et les autres impliquerait que l'on puisse quantifier très précisément l'ensemble des phénomènes ressortissant à l'économie parallèle : faute de statistique, cela n'est en général pas possible. Les indications contenues dans la presse du pays permettent néanmoins de mettre à jour des mécanismes partiels montrant que les activités parallèles se développent partout où l'économie officielle se révèle incapable d'organiser la production et la distribution de façon rationnelle et efficace, et qu'elles correspondent à la réintroduction de motivations économiques dans un système qui en est presque complètement dépourvu.
La criminalité économique présente une grande diversité. On peut a priori distinguer trois formes principales, qui sont : les délits institutionnels, commis par les entreprises et l'administration, et qui sont un effet des contradictions traversant le système ; puis viennent les délits qui, d'une manière ou d'une autre, participent de la corruption, et qui, par définition, sont l'apanage des cadres ; enfin, il y a ce que l'on peut appeler les •crimes du pauvre'. L'article explore ces divers aspects de l'illégalité économique dans un des pays socialiste où il en est le moins souvent question, la Chine. Pour des raisons en partie structurelles et en partie conjoncturelles (qui tiennent à une tentative de réorganisation et de réforme de l'économie), le secteur parallèle en Chine a pris aujourd'hui une très grande extension. Les comptabilités truquées, l'importance des détournements de biens et de fonds, opérés tant par les individus — cadres ou simples particuliers — que par les entreprises, la place occupée par le pot-de-vin, le pillage pur et simple des biens de l'Etat, etc., évoquent la description classique de ces phénomènes faite par Ilja Zemtsov pour l'Azerbaïdjan soviétique. Après avoir montré que ces pratiques en apparence hétérogènes forment un ensemble cohérent et articulé, l'auteur est amené à poser un certain nombre d'interrogations sur la nature du système socialiste et des forces qui y sont à l'œuvre.
49 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Jacques ANDRIEU
L'économie parallèle en Chine : une seconde nature ?
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 14, 1983, N°3. pp. 103-151.
Citer ce document / Cite this document :
Jacques ANDRIEU. L'économie parallèle en Chine : une seconde nature ?. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest.
Volume 14, 1983, N°3. pp. 103-151.
doi : 10.3406/receo.1983.2450
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1983_num_14_3_2450Abstract
China's second economy : second nature ?
A study of the second economy in a socialist country is a matter of considerable interest. Indeed, the
use of this approach can throw light on the ways in which the economy really functions, as opposed to
the legal or official routes which it is supposed to follow. Assessment of the extent of the divergence
between the two would require a precise quantification of all the diverse forms of economic activity by
which the second economy manifests itself, and this, given the lack of statistics, is not generally
possible. However, such indications as can be found in the country's press afford some insight into its
workings, suggesting that the activities of the second economy tend to develop in all those sectors
where the official economy has proved itself incapable of organizing production and distribution in a
rational and efficient manner, and that they represent the reintroduction of economic incentives into a
system which is almost entirely lacking in these.
Illegal economic activity takes a great many forms, but broadly it might be classified under three main
headings : illegalities committed by enterprises and by the administration, which arise from the
contradictions within the system ; then come those illegal activities which, in one way or another, have
to do with corruption and which, by definition, are committed by officials ; and lastly there are the « poor
man's crimes ». The article examines these various aspects of illegal economic activity in China, one of
the socialist countries which are least often mentioned in this context. For reasons which are partly
structural and partly circumstantial (the latter having to do with an attempt at reform and reorganization
of the economy) the second economy in China has nowadays become greatly extended. Falsification of
accounts, the amount of goods and funds misappropriated not only by enterprises but also by officials or
ordinary private individuals, the importance of the bribe, the simple straightforward pillaging of State
property, all bring to mind Ilya Zemstov's classic description of such activities in the context of Soviet
Azerbaïdjan. Having shown that this apparently heterogeneous assortment of practices does in fact add
up to a coherent and well-articulated whole, the author goes on to ask a number of questions about the
nature of the socialist system and the forces at work therein.
Résumé
L'étude de l'économie parallèle dans un pays socialiste a un intérêt considérable. Par ce biais, on peut
en effet aborder la question des modalités réelles du fonctionnement du système économique par
rapport à ses modalités légales ou officielles. Apprécier l'importance du décalage entre les unes et les
autres impliquerait que l'on puisse quantifier très précisément l'ensemble des phénomènes
ressortissant à l'économie parallèle : faute de statistique, cela n'est en général pas possible. Les
indications contenues dans la presse du pays permettent néanmoins de mettre à jour des mécanismes
partiels montrant que les activités parallèles se développent partout où l'économie officielle se révèle
incapable d'organiser la production et la distribution de façon rationnelle et efficace, et qu'elles
correspondent à la réintroduction de motivations économiques dans un système qui en est presque
complètement dépourvu.
La criminalité économique présente une grande diversité. On peut a priori distinguer trois formes
principales, qui sont : les délits institutionnels, commis par les entreprises et l'administration, et qui sont
un effet des contradictions traversant le système ; puis viennent les délits qui, d'une manière ou d'une
autre, participent de la corruption, et qui, par définition, sont l'apanage des cadres ; enfin, il y a ce que
l'on peut appeler les •crimes du pauvre'. L'article explore ces divers aspects de l'illégalité économique
dans un des pays socialiste où il en est le moins souvent question, la Chine. Pour des raisons en partie
structurelles et en partie conjoncturelles (qui tiennent à une tentative de réorganisation et de réforme de
l'économie), le secteur parallèle en Chine a pris aujourd'hui une très grande extension. Les
comptabilités truquées, l'importance des détournements de biens et de fonds, opérés tant par les
individus — cadres ou simples particuliers — que par les entreprises, la place occupée par le pot-de-
vin, le pillage pur et simple des biens de l'Etat, etc., évoquent la description classique de ces
phénomènes faite par Ilja Zemtsov pour l'Azerbaïdjan soviétique. Après avoir montré que ces pratiques
en apparence hétérogènes forment un ensemble cohérent et articulé, l'auteur est amené à poser un
certain nombre d'interrogations sur la nature du système socialiste et des forces qui y sont à l'œuvre.parallèle en Chine L'économie
une seconde nature ?
Wojtek ZAFANOLLI
I. Position du problème
Comment peut-on, dans la Chine populaire d'aujourd'hui, fonder une
société fictive et, pendant un an et demi, se livrer en toute impunité à des
transactions illégales avec des ministères, des instituts scientifiques, des
départements administratifs, des entreprises d'Etat et des unités de l'Armée
de Libération, réalisant ainsi un chiffre d'affaires de plus de trois millions
de yuan1 ? C'est cette question-devinette que l'on serait tenté de poser
après avoir lu les nombreux comptes rendus de la presse chinoise à propos
du scandale de la « Compagnie Beihuan de services aux entreprises »2.
La réponse est simple et elle est donnée par les journaux chinois eux-mêmes :
à part être doué d'un solide sens des affaires, il faut faire partie de ce qu'il
est convenu d'appeler à Pékin « les enfants de cadres supérieurs » (gaogan
zidi).
Quand, en juin 1980, Zhong Jialun, le futur directeur de «Beihuan»,
et Ren Qingsheng, son vice-directeur, décidèrent de se lancer dans les
affaires et de fonder une société de services, ils ne disposaient d'aucun
équipement ni d'aucun fonds. Mais ils avaient un capital beaucoup plus
précieux : l'un était le fils du ministre des Postes et Télécommunications,
Zhong Fuxiang, et l'autre, celui d'un vice-ministre du Commerce, Ren
Quansheng. Ne pouvant espérer obtenir l'inscription légale de leur entre
prise, ils eurent recours à une vice-directrice de l'Association des coopérat
ives d'un quartier (qu) de Pékin qui, aussitôt, les prit sous sa protection
et leur fournit l'accès à un compte bancaire ainsi qu'un sceau, l'équivalent
chinois du papier à en-tête. Peu après, la compagnie était installée dans
un luxueux pavillon, possédait un parc de plusieurs automobiles, avait
huit appareils de téléphone à sa disposition et employait 62 personnes.
(1) Un yuan vaut à peu près trois francs. Mais pour avoir un ordre d'équivalence plus
exact, il faut savoir que le salaire moyen en Chine est de 60 yuan.
(2) Voir : Renmin ribao (Quotidien du peuple, ci-après RMRB), MIAlîl ; Beijing
ribao (Quotidien de Pékin, ci-après BJRB), 23/4/82 ; RMRB, 9/6/82 ; Minzhu yu fazhi
(Démocratie et système légal), 6/82 ; Zhengming (Rivalisons), 5/82 et 8/82.
103 Wojtek Zafanolli
L'activité économique de la compagnie reposait pour l'essentiel sur
les incohérences de l'allocation centralisée de certains produits-clés, les
lourdeurs de la distribution par les canaux légaux et la pénurie généralisée
de nombreux biens. Dans les contrats de fourniture de marchandises,
passés le plus souvent avec des départements commerciaux de l'Etat, la
compagnie s'engageait, moyennant paiement par avance, à livrer des denrées
rares, telles que du bois, des automobiles, des postes de télévision, ou bien
elle se chargeait d'écouler des stocks excessifs dans les entreprises. Pour
les honorer, elle s'employait, d'une façon tout à fait conforme à la logique
commerciale, à mettre à jour et à susciter des

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