L émergence d un marché du travail domestique au Yémen : une étude sur Sana a - article ; n°170 ; vol.43, pg 327-351
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L'émergence d'un marché du travail domestique au Yémen : une étude sur Sana'a - article ; n°170 ; vol.43, pg 327-351

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Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 170 - Pages 327-351
Blandine Destremau — The emergence of the domestic labour market in Yemen : a study of Sana' a.
The emergence of a domestic labour market is recent in Yemen. It results from the transformation of life-styles of the middle and upper social groups and from growing disparities. It is fuelled by the presence of thousands of women from East Africa and Asia. Legal loopholes allow the foreign domestic workers to develop strategies that combine professional and geographical mobility. For the impoverished Yemeni women who have no other choice, domestic labour tends to constitute a « poverty trap ».
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Blandine Destremau
L'émergence d'un marché du travail domestique au Yémen : une
étude sur Sana'a
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°170. pp. 327-351.
Abstract
Blandine Destremau — The emergence of the domestic labour market in Yemen : a study of Sana' a.
The emergence of a domestic labour market is recent in Yemen. It results from the transformation of life-styles of the middle and
upper social groups and from growing disparities. It is fuelled by the presence of thousands of women from East Africa and Asia.
Legal loopholes allow the foreign domestic workers to develop strategies that combine professional and geographical mobility.
For the impoverished Yemeni women who have no other choice, domestic labour tends to constitute a « poverty trap ».
Citer ce document / Cite this document :
Destremau Blandine. L'émergence d'un marché du travail domestique au Yémen : une étude sur Sana'a. In: Tiers-Monde. 2002,
tome 43 n°170. pp. 327-351.
doi : 10.3406/tiers.2002.1597
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_170_1597L'ÉMERGENCE D'UN MARCHÉ
DU TRAVAIL DOMESTIQUE AU YÉMEN :
UNE ÉTUDE SUR SANA'A
par Blandine Destremau*
L'émergence d'un marché du travail domestique est récente au
Yémen. Elle procède de la transformation des modes de vie des couches
moyennes et supérieures, et de l'accroissement des inégalités. Elle est al
imentée par la présence dans le pays de milliers de femmes originaires
d'Afrique de l'Est et d'Asie, attirées par le développement de ce marché.
Les failles du cadre légal et des réglementations permettent aux
employées domestiques étrangères de déployer des stratégies qui articu
lent mobilités professionnelle et géographique. Pour les femmes yémé-
nites appauvries qui se résolvent à s'employer dans le service domestique,
cette forme de travail tend à constituer une « trappe de pauvreté ».
Fondé sur une étude conduite à Sana'a, la capitale, cet article ana
lyse l'émergence d'un marché du travail domestique au Yémen1, alors
que, jusqu'aux années 1960, le système de stratification sociale pour-
* CNRS, urbama.
1. Cet article se fonde sur une cinquantaine de questionnaires distribués à des employeurs, sur des
entretiens approfondis avec des employés domestiques, avec des employés des administrations publiques
concernées, d'ONG et d'organisations internationales, ainsi que sur de nombreuses discussions informelles
avec divers informateurs, menées pendant l'année 2000-2001. Ces informations sont étoffées d'une familiar
ité « informelle » avec de nombreuses dimensions du travail domestique, construite notamment par de
fréquentes occasions d'observation participante. En revanche, mon propre statut à Sana'a, celui d'une
expatriée employant une travailleuse domestique, a certainement affecté la nature de mes relations avec
les employeurs, les employés, et avec la question en général. Peu de statistiques existent, ce qui explique
que cet article donne peu d'informations quantitatives. Il est difficile d'évaluer la validité de ces analyses
en termes de représentativité : elles portent plutôt sur des fonctionnements, des logiques, des déterminat
ions. À ma connaissance, aucune autre étude ne porte sur l'emploi domestique au Yémen.
Outre tous ceux qui ont montré un intérêt pour ce travail et collaboré avec moi, je souhaite remerc
ier particulièrement Abdurahman el Moassib, Abdel Majid el Fahd et Jamal el Adimi, Dr al Janadi,
Zeynab Hayir Mouse.
Cet article est extrait d'une communication orale intitulée « The Emergence of a Domestic Labour
Market in Yemen : a case study on Sana'a », présentée au colloque Domestic Service and Mobility :
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 170, avril-juin 2002 328 Blandine Destremau
voyait aux besoins en services domestiques en dehors du marché. Ce
développement se situe dans le cadre de la domination croissante des
mécanismes de marché et de la monétarisation des transactions depuis
les années 1970J conduisant notamment à la naissance d'un marché du
travail, largement porté par la migration (Destremau, 1989). Il est
concomitant de l'approfondissement des inégalités sociales et économiq
ues, en termes de revenu, de patrimoine, mais aussi d'éducation,
d'accès aux services de santé, de modes de vie, etc.1
Je montrerai comment se constitue une demande urbaine de tra
vail domestique, satisfaite par une offre qui provient pour l'essentiel
de l'immigration, bien que des femmes yéménites s'intègrent progres
sivement à ce marché. Alors que le cadre réglementaire vise plutôt à
contrôler qu'à protéger les employées domestiques étrangères, l'on
verra dans quelles conditions un bon nombre d'entre elles parvien
nent à mettre en œuvre des stratégies de mobilité géographique et
professionnelle.
1. STRATIFICATION SOCIALE ET SERVICES DOMESTIQUES:
L'HÉRITAGE DU PASSÉ
La société yéménite pré-révolutionnaire était fortement hiérar
chisée2. Les membres des tribus, pour la plupart paysans et éleveurs,
constituaient le gros de la population. Les Sâdas, l'aristocratie rel
igieuse, et les Quda', les juges, qui étaient les plus éduqués et occu
paient nombre de positions officielles, représentaient les strates supér
ieures. Le reste de la société était composé de groupes différents selon
leurs fonctions et leurs statuts, entre lesquels la mobilité était difficile,
sinon impossible. Au sein de leurs communautés d'appartenance, les
groupes de statut inférieur étaient, en vertu du droit coutumier, proté
gés par les paysans d'appartenance tribale.
Labour, Livelihoods and Lifestyles in Asia and the Middle East, organisé par CLARA (Changing Labour
Relations in Asia, programme du HAS, International Institute of Asia Studies et du IISG, International
Institute of Social History) et I'isim (Institute for the Study of Islam in the Modern World) d'Amsterdam,
Amsterdam, février 2001.
1. Ces remarques s'appliquent moins à Pex-Sud-Yémen, dans lequel le protectorat britannique et le
régime socialiste avaient déjà provoqué des transformations importantes, qu'au Nord, sur lequel porte ce
travail.
2. Comme dans le reste de l'article, je parle ici de Pex-Nord-Yémen, dont Sana'a était la capitale. Ce
système social, analysé dans de nombreux travaux, sera simplement évoqué ici. L'émergence d'un marché du travail domestique au Yémen 329
1 . 1. Les groupes de service : esclaves et akhdâm
Jusqu'aux années 1960, deux groupes étaient, par statut, consacrés
aux services aux personnes, mais selon des modalités différentes : les
esclaves et les akhdâm. Essentiellement amenés d'Afrique et vendus sur
les marchés régionaux, les esclaves étaient peu nombreux et générale
ment pas utilisés pour la production économique, sauf parfois dans la
plaine côtière. Des hommes, pour la plupart, propriété de familles
dominantes de Г aristocratie, proches de l'Imam, remplissaient des
tâches domestiques spécifiques et vivaient dans l'enceinte de la maison
des maîtres. L'esclavage a existé au Yémen, sous cette forme assez
marginale, jusqu'au début des années 1960.
Probablement issus de l'invasion éthiopienne du Yémen au
VIe siècle, les akhdâm sont des personnes libres formant une sorte de
caste. Généralement considérés comme malpropres et ne respectant
pas les rituels et canons musulmans, ils reçoivent peu de considération
et occupent la place la plus basse dans la société. Leur nom signifie
« servants », bien qu'ils ne soient pas assignés au service domestique
car considérés comme trop sales et impurs pour pénétrer dans les mai
sons : ils étaient des servants de la société dans son ensemble. Les
modes d'affiliation, tout comme le degré de liberté ou d'allégeance
existant entre eux et les autres membres de la communauté ont été très
peu étudiés. En zone rurale, ils devaient remplir des tâches ingrates,
comme l'entretien des canaux d'irrigation, des barrages et des murs de
terrasse. Dans les villes et les villages, ils étaient chargés des travaux
les plus impurs : creuser les fosses septiques,

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