L enseignement de l esthétique - article ; n°1 ; vol.14, pg 110-124
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L'enseignement de l'esthétique - article ; n°1 ; vol.14, pg 110-124

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Description

L'année psychologique - Année 1907 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 110-124
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1907
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

P. Souriau
L'enseignement de l'esthétique
In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 110-124.
Citer ce document / Cite this document :
Souriau P. L'enseignement de l'esthétique. In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 110-124.
doi : 10.3406/psy.1907.3739
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1907_num_14_1_3739Ill
L'ENSEIGNEMENT DE L'ESTHÉTIQUE
L'esthétique n'a pas dans notre enseignement officiel la
place qu'elle devrait avoir. On aurait vite fait le compte des
chaires magistrales qui lui sont spécialement affectées en
France. Il n'y en a pas une. Pas une au Collège de France, ni
à la Sorbonne, ni dans une seule de nos Universités. Quelquef
ois le mot apparaît sous la rubrique « Esthétique et histoire
de l'art ». Mais on voit bien qu'à lui seul il ne tiendrait pas
l'affiche; il semblerait trop maigre matière à enseignement.
Aussi a-t-on soin de lui ajouter comme appoint toute l'histoire
de l'art, rien que cela. Le résultat est facile à prévoir. L'érudi
tion est envahissante. L'élément historique aura bien vite
évincé l'autre. En fait ces cours n'ont à peu près rien de
commun avec l'esthétique. Ils sont très intéressants en eux-
mêmes et faits pour la plupart par des historiens qui ont un
sens délicat des choses de l'art, mais il n'en sort aucune théorie;
ils n'apportent aucune contribution à la science du beau. Ils ne
laisseraient même pas soupçonner qu'il y en ait une. En
somme, l'enseignement esthétique n'apparaît dans nos
Facultés qu'accessoirement, quand il plaît à quelques pro
fesseurs de donner à ce sujet une série de conférences; mais
il n'y a pas ce caractère de spécialisation sans lequel un
enseignement vraiment supérieur est impossible; il n'y est
pas officiellement organisé.
On s'attendrait au moins à ce que l'esthétique fût représentée
dans nos grandes écoles d'art. Elle semblerait devoir faire
nécessairement partie de la culture intellectuelle d'un peintre,
d'un sculpteur, d'un architecte, d'un musicien. On ne s'en est
pas avisé. Ici encore on ne trouvera, pour tout ce complément
d'instruction indispensable à l'artiste en dehors de son éduca
tion technique, que des cours d'histoire de l'art. Que dans
une école des. Beaux-Arts il n'y ait pas un enseignement spé- P. SOURIAU. — L'ENSEIGNEMENT DE L'ESTHÉTIQUE ill
cial de l'esthétique, et que personne ne réclame, ce serait un
fait tout à fait surprenant, si l'on ne savait quelle défiance
inspirent d'ordinaire à l'artiste les théoriciens du beau. Le
maître a bien ses goûts propres, ses idées personnelles, ses
convictions esthétiques, qu'il s'efforce d'inculquer à ses élèves.
Mais parlez-lui d'une théorie du beau, scientifiquement établie,
aboutissant à des lois précises, il s'insurgera contre cette pré
tention delà science à intervenir dans les questions d'art et de
goût. Au fond la plupart des artistes se font de l'esthétique
une idée bien simple et bien nette : c'est qu'elle n'existe pas.
Tel étant l'état général de l'opinion, il n'y a pas lieu d'être
étonné que cette science ait dans notre enseignement secon
daire une part très mince. Elle n'en est pas tout à fait absente.
Nous trouvons au programme de la classe de philosophie
(Décret et Arrêté du 31 mai 1902), à la suite du détail des
questions de psychologie, les mots suivants : « Notions som
maires d'esthétique. Notions sommaires sur le beau et sur
l'art. »
Le mot sommaire y est deux fois. Peut-être n'était-il pas
indispensable d'attirer spécialement l'attention des professeurs
sur la nécessité de ne pas pousser trop avant cette étude.
Tous savent de reste qu'ils doivent traiter dans de justes pro
portions toutes les parties de leur programme. Pourquoi
s'étendraient-ils sur l'esthétique, plus que sur l'association des
idées ou sur la sympathie? Et s'ils le faisaient, serait-ce un si
grand mal? On a craint sans doute les subtiles analyses de
concepts, les cheveux coupés en quatre, peut-être aussi le ver
biage et les développements purement littéraires, comme si
c'étaient là pour l'esthéticien des tentations irrésistibles. Dans
tous les cas, en faisant ainsi une petite place à part à l'esthé
tique, on semble inviter les professeurs de philosophie à la
considérer comme un hors-d'œuvre, comme une question
accessoire dont ils n'ont besoin de dire que quelques mots en
passant. Selon toute vraisemblance, la plupart n'en font pas
plus. C'est dommage.
En y réfléchissant, en effet, on reconnaîtra que l'esthétique
pourrait fournir matière à un enseignement solide, sérieux,
nourri de faits et d'idées, d'un caractère vraiment philoso
phique et d'une haute valeur éducative. Si le professeur par
tageait à son égard le préjugé courant; s'il n'y trouvait pas de
quoi occuper sans remplissage plus d'une ou deux leçons, cela
prouverait seulement qu'il n'est pas bien au courant de la MÉMOIRES ORIGINAUX 112
question. Passons en revue, en essayant de les sérier, quelques-
uns des problèmes qu'ont abordés les esthéticiens modernes,
nous nous assurerons qu'ils comportent des solutions pré
cises, et que l'esthétique est vraiment une science déjà cons
tituée en partie, en possession de ses méthodes, digne par
conséquent d'être enseignée et étudiée.
Comme il est plus facile de restreindre un programme que
de l'élargir, nous commencerons par supposer que le maître a
devant lui assez de temps pour développer cet enseignement
ainsi qu'il conviendrait. Voici donc un aperçu de ce que pourr
ait être un cours d'esthétique, approprié à l'enseignement
secondaire, et conduit avec quelque méthode.
Le cours pourrait être divisé en deux parties. L'esthétique
est en partie expérimentale, en partie rationnelle. Comme
science expérimentale, elle ne pose que des questions de fait.
Elle se demande quelle est la nature de nos sentiments esthé
tiques, et dans quelles conditions ils se produisent. A ce titre,
elle rentre dans la psychologie, dont elle est un des chapitres
les plus curieux ; elle offre à la sagacité des observateurs un
champ indéfini, où il y a encore bien des découvertes à faire.
Comme science rationnelle, elle pose des questions de droit.
Elle se demande s'il y a des objets vraiment beaux, et plus
dignes que d'autres d'être admirés. Elle détermine les valeurs
esthétiques, donne des règles de critique, essaie de nous pro
poser un idéal de beauté.
Il y a tout avantage à commencer l'étude de l'esthétique par
sa partie expérimentale. Nous donnerons ainsi à nos futurs
raisonnements une base solide; et surtout nous prendrons des
habitudes de précision, que nous risquerions de perdre dans
des spéculations prématurées. La curiosité de l'élève sera
immédiatement attirée et soutenue par des expériences de
cours, auxquelles il devra prendre autant que possible une
part active. Il tirera plus de profit de la plus simple observa
tion qu'il aura faite par lui-même que des savantes disser
tations sur des faits qui ne lui seraient pas présents. Il sera
bon, pour plus de commodité, que ces leçons se fassent dans
l'amphithéâtre de physique, où le professeur aura les instr
uments voulus à sa disposition, et pourra se faire aider d'un
préparateur. Un appareil à projections est à peu près indi
spensable dans toute la suite du cours.
Les objets que nous nous plaisons à contempler déterminent
en nous des émotions esthétiques en agissant sur les sens, sur SOURIAU. — L'ENSEIGNEMENT DE L'ESTHETIQUE 113 P.
l'intelligence et sur le cœur. Nous étudierons ces diverses
actions Tune après l'autre, ce qui nous fournira pour nos
premières leçons un plan un peu artificiel sans doute, comme
tous les plans, mais clair et progressif.
L'action exercée sur les sens est la plus simple. Nous avons
affaire ici aux impressions esthétiques élémentaires. Nous

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