L'enseignement et l'inégalité sociale au Mexique - article ; n°49 ; vol.13, pg 17-40

David Barkin

Description

Tiers-Monde - Année 1972 - Volume 13 - Numéro 49 - Pages 17-40
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1972
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

David Barkin
L'enseignement et l'inégalité sociale au Mexique
In: Tiers-Monde. 1972, tome 13 n°49. pp. 17-40.
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Barkin David. L'enseignement et l'inégalité sociale au Mexique. In: Tiers-Monde. 1972, tome 13 n°49. pp. 17-40.
doi : 10.3406/tiers.1972.1835
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1972_num_13_49_1835L'ENSEIGNEMENT
ET L'INÉGALITÉ SOCIALE
AU MEXIQUE :
POINT DE VUE D'UN ÉCONOMISTE
par David Barkin*
L'opinion la plus couramment répandue sur les relations entre
l'expansion de l'enseignement et la croissance économique a influé sur
le choix des thèmes étudiés et des méthodes employées. Les universit
aires, comme le grand public, croient le plus souvent que :
1. Les investissements, dans le domaine de l'éducation, rapportent
autant ou même plus que les investissements de capitaux et donc entraî
nent des taux de croissance économique plus élevés.
2. Un plus haut niveau d'enseignement prépare un individu à des
métiers mieux rémunérés et ainsi lui permet de profiter de possibilités
économiques plus grandes et de surmonter le handicap hérité de sa
place dans la hiérarchie socio-économique.
3. Et, plus seront nombreux ceux qui jouissent d'un haut niveau de
formation, plus les disparités entre les revenus seront réduites dans
l'ensemble de la société du fait de la mobilité de plus en plus grande dont
peuvent bénéficier les classes sociales les plus défavorisées. L'ense
ignement, en outre, est important pour la croissance économique parce
* L'auteur est professeur associé de science économique à Herbert H. Lehman College
de l'Université de New York. Cet article a été écrit pendant qu'il était chercheur associé au
Colegio de Mexico, et subventionné par le Joint Committee of Latin American Studies du
Social Science Research Council et de PAmerican Council of Learned Societies. Il tient à
exprimer sa reconnaissance à Gerardo Bueno, Donald Keesing et ses collègues du Colegio
de Mexico pour leurs nombreuses critiques sur des versions antérieures de cette étude; il
conserve cependant l'entière responsabilité du présent article.
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qu'H aide à la fois les individus à s'insérer dans la société et à affronter
les exigences de l'industrie moderne (i).
Les tenants de cette conception générale soutiennent qu'avec l'expan
sion et l'amélioration de l'enseignement les frontières entre les classes
vont s'effacer progressivement et la démocratisation s'accélérer. Cet
article examine si cette thèse se vérifie dans le cas du Mexique.
Dans le Mexique contemporain il apparaît que ceux qui possèdent
un degré d'éducation plus élevé ont aussi des salaires plus élevés et que
les disparités de revenu sont moins importantes à l'intérieur des groupes
ayant de hauts salaires qu'à l'intérieur des groupes de niveau scolaire
faible ou nul. Cependant malgré l'expansion rapide de la scolarisation
dans les vingt dernières années — accroissement de n % à 20 % de
l'ensemble de la population malgré la forte croissance démographique
(3>5 %) — d'importantes inégalités persistent entre les classes sociales
et même se développent. Les données disponibles suggèrent que le type
de développement de l'éducation aggrave le problème, plutôt qu'il ne le
diminue.
Au Mexique, comme dans d'autres pays, divers facteurs dus à la
géographie, à la profession ou au salaire limitent l'accès à l'enseignement
des membres des classes défavorisées (2). En outre, les possibilités
économiques limitées offertes à la population scolarisée comparative
ment à son accroissement sont un élément du problème. La durée des
études est devenue de plus en plus un élément de discrimination sur le
marché du travail, puisqu'on exige de la main-d'œuvre qu'on recrute
des niveaux de formation de plus en plus élevés. Ainsi l'instruction en soi
n'est pas le moyen qui permet automatiquement à quelqu'un de s'élever
dans la hiérarchie économique et sociale. Ceux qui ont fait des études
plus longues s'assurent de meilleures situations et s'élèvent; ceux dont
les études ont été moins longues n'arrivent généralement pas à obtenir
un emploi dans le secteur moderne et demeurent écrasés au bas de
l'échelle sociale. De ce point de vue on peut dire que le système scolaire,
(1) Ces idées sont souvent exprimées dans les publications existantes. Elles ont été
résumées par Hollister (1970) et longuement exposées par Lipset (1966).
(2) Voir Anderson (1961) pour les statistiques sur le cas du Mexique. D'autres articles
dans la même collection et chez Girard (1967 et 1968) fournissent des exemples sur les
rapports entre l'égalité et la scolarisation dans d'autres pays, tirés d'ouvrages de sociologie.
Pour les travaux d'économistes, voir Mincer (1970), Hollister (1970) et Hansen et
Weisbrod (1969).
18 ENSEIGNEMENT ET INÉGALITÉ SOCIALE
quoique en expansion, n'arrive pas à réduire les inégalités sociales et
économiques. Au contraire il peut même les accentuer.
Cet article traite de la manière dont le système scolaire mexicain
accroît l'inégalité en offrant simultanément des chances inégales d'accès
aux établissements d'enseignement et des moyens renforcés de sélection
pour le recrutement en vue des situations les mieux rémunérées. L'aug
mentation limitée du nombre de nouveaux emplois dans les secteurs
modernes les mieux rétribués se combinant avec les usages pratiqués dans
l'enseignement, accentue en dernier ressort les disparités de revenus.
Il en résulte que les chances d'une promotion sociale et économique
importante demeurent très limitées pour les membres des classes
défavorisées.
i. L'accès a l'enseignement au Mexique
A) Vue générale
L'enseignement au Mexique s'est rapidement développé au cours
des vingt dernières années. Le nombre des élèves qui entrent à l'école
primaire est passé de 2 666 300 en 1950 à 8 085 300 en 1970. Il s'est
donc accru de 230 %. Des augmentations encore plus spectaculaires ont
été observées dans les autres degrés de l'enseignement : 1 000 % dans le
secondaire et 720 % dans le supérieur. Cette expansion a été plus forte
que la croissance démographique et a eu pour conséquence que le besoin
virtuel de scolarisation a été bien mieux satisfait sur le plan matériel.
66 % environ des enfants de 6 à 14 ans sont allés à l'école primaire en 1970
(Centro de Estudios Educativos du Mexique, 1972).
Le progrès des effectifs scolarisés indique aussi l'augmentation de
rendement du système d'enseignement. Une plus grande proportion des
enfants entrés dans la première classe continuent leurs études dans les
classes supérieures; actueUement 25 % de ceux qui sont entrés à l'école
sont capables de terminer leurs classes primaires (1). La rétention diminue
aux niveaux supérieurs. Pour la génération qui atteindra l'âge d'entrer à
l'Université en 1969, on a constaté qu'en 1964 seulement 58 % de ceux
ayant terminé leur sixième classe entraient dans la première année du
premier cycle du secondaire, que de ces derniers à peine les deux tiers
(1) L'emploi des chifíres officiels pour calculer les taux de scolarisation suscite de nomb
reux problèmes qui sont examinés en détail par le Centro de Estudios Educativos de Mexico.
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