L épistolaire ou la mutation d un genre au début du XIXe siècle - article ; n°90 ; vol.25, pg 39-49
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L'épistolaire ou la mutation d'un genre au début du XIXe siècle - article ; n°90 ; vol.25, pg 39-49

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Description

Romantisme - Année 1995 - Volume 25 - Numéro 90 - Pages 39-49
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Marie-Claire Hoock-
Demarle
L'épistolaire ou la mutation d'un genre au début du XIXe siècle
In: Romantisme, 1995, n°90. pp. 39-49.
Citer ce document / Cite this document :
Hoock-Demarle Marie-Claire. L'épistolaire ou la mutation d'un genre au début du XIXe siècle. In: Romantisme, 1995, n°90. pp.
39-49.
doi : 10.3406/roman.1995.3051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1995_num_25_90_3051Marie- Claire HOOCK-DEMARLE
L'épistolaire ou la mutation d'un genre au début du XIXe siècle
L'importance de l'épistolaire au XIXe siècle est un phénomène incontestable,
même si l'on a parfois tendance à considérer le XVIIP comme le siècle des correspon
dances, Voltaire pesant ici de tout le poids de ses volumes de lettres, activité compar
able à celle d'un Goethe en la matière l. Si le XIXe siècle est sans doute moins
dominé par la présence de quelques épistoliers particulièrement prolixes - encore que
la correspondance de George Sand ou de Flaubert permette d'en douter —, un relevé
fait pour les seuls territoires allemands au XIXe siècle ne dénombre pas moins de
quelque deux mille correspondances d'une certaine importance, émanant essentiell
ement de personnes appartenant à des degrés divers aux milieux cultivés 2. Il suffit par
ailleurs de jeter un coup d'œil, même rapide, sur les Œuvres complètes qui garnissent
les bibliothèques universitaires et autres pour constater que les lettres écrites et adres
sées à l'auteur en constituent un bon tiers et que, de surcroît, leur présence dans
l'ensemble de la publication ne paraît guère poser problème. Il existe même des écri
vains n'ayant produit que de la correspondance, Mme de Se vigne ou Rahel Varnhagen
par exemple : leur statut littéraire n'en est pas pour autant mis en cause.
Document pouvant servir à l'histoire de l'homme, de l'œuvre ou des deux à la
fois, source inégalable pour l'interprétation de textes souvent écrits parallèlement,
ébauche à l'état brut de projets ultérieurs, la correspondance est sans conteste une
forme d'écriture et les lettres sont des écrits parmi d'autres revendiquant comme les
autres - romans, pièces de théâtre, poésies - un véritable statut de genre. L'histoire du
XIXe siècle tendrait cependant à montrer que l'usage de l'épistolaire se multipliant et
se diversifiant — pour des raisons spécifiques à l'évolution de cette époque —, la ques
tion du genre de l'épistolaire devient à la fois plus complexe et plus insistante.
Présent dans le siècle plus que toute autre forme d'écriture du fait même que de
plus en plus de couches sociales en font usage, l'épistolaire continue certes à refléter
le choc des événements majeurs de l'époque, mais subit aussi plus massivement celui
des conjonctures politiques, économiques ou sociales qui lui donnent, du reste, une
autre épaisseur.
Il faut donc, pour rendre compte de la spécificité de l'épistolaire, aller largement
au-delà des correspondances d'écrivains et inclure dans ce champ des situations exis
tentielles - exil politique ou émigration pour causes économiques - ou des stratégies
de modernité dont l'épistolaire se fait le vecteur sur fond de modernisation des com
munications ou des transports.
Il faut aussi, pour comprendre le changement de nature de l'échange épistolaire,
tenter de le saisir autrement : non plus dans son aspect binaire (du type lettres de X à
1. Cinquante volumes dans la grande édition dite « Sophien-Ausgabe ». Dans l'édition courante (dite
« Hamburger Ausgabe »), 4 volumes en plus des 14 volumes d'oeuvres complètes .
2. Fritz Schlawe, Die Briefsammlungen des 19. Jhts (1815- 1915), Stuttgart, 1969.
ROMANTISME n° 90 (1995-4) 40 Marie-Claire Hoock-Demarle
Y ou correspondance entre X et Y), mais dans la multiplicité des réseaux de corre
spondances, qui, sous des formes diverses, commencent dès le début du siècle à couv
rir un espace, l'Europe, qu'ils contribuent à définir géographiquement et surtout
culturellement.
C'est en fait autour de trois paramètres - espace élargi, temps accéléré grâce aux
techniques, et mobilité contrainte ou voulue des individus au sein de leur propre
société -, que la question du statut de l'épistolaire au XIXe siècle se repose. Sous quel
jour, en quels termes, avec quelle finalité ? Pour tenter de répondre à ces questions,
on a retenu ici trois correspondances choisies pour ce qu'elles donnent à lire sur la
diversité, la mobilité, la modernité d'un genre dont il faudra bien sûr revoir la défini
tion. Toutes datent du tout début du siècle et ont pour caractéristique de constituer des
réseaux qui s'entrecroisent dans un espace en pleine évolution et de pratiquer - pour
des raisons diverses - la transgression permanente des frontières. Toutes adoptent un
style, des formes d'expression plus appropriées à ce nouveau type d'échange interna
tional et s'adaptent plutôt bien aux nouvelles modalités d'une communication elle
aussi en pleine mutation ; elles n'ont cependant que valeur d'exemples significatifs et
une étude étendue à l'ensemble du siècle permettrait certainement d'affiner ces pre
mières analyses 3.
Si l'on s'en réfère à l'édition première de V Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné
des sciences, des arts et des métiers (1751-1780), il n'y a aucune ambiguïté : alors
que la correspondance reste encore du seul domaine du négoce 4, l'épistolaire consti
tue bel et bien un genre, le « genre épistolaire », dont la définition moderne, faite en
référence aux modèles antiques, n'est guère positive :
Lettres des modernes (Genre épistol.) [...] ; elles ne peignent que le jargon d'un temps
et d'un siècle où la fausse politesse a mis le mensonge partout [...] C'est un remplissage
d'idées futiles de société que nous appelons devoirs. Nos lettres roulent rarement sur de
grands intérêts, sur de véritables sentiments, sur des épanchements de confiance d'amis,
elles ont presque toutes une espèce de monotonie, qui commence et qui finit de même 5.
La définition est intéressante en ce sens que, tout genre qu'il soit, l'épistolaire ne
fait aucune référence à la lettre d'écrivain, et se cantonne dans une conception quasi
sociologique de l'usage et du style de la correspondance. C'est, dans la forme, une
aimable conversation à distance et, dans les faits, l'expression de la superficialité et de
l'hypocrisie d'une société dont on est tenté de croire qu'il s'agit de l'aristocratie de
cour d'alors. Définir le rôle de l'épistolaire est donc pour nos encyclopédistes une
occasion de faire une critique en règle de leur temps ; en d'autres termes, le genre
révèle, reflète et même trahit le mal social de la société d'Ancien Régime. C'est sans
doute la raison qui explique la réduction à la seule dimension nationale des lettres
modernes, l'extension internationale étant de nouveau du seul domaine des lettres de
3. Une étude englobant l'ensemble du siècle est en cours. Elle repose sur un certain nombre de corpus
de lettres échelonnés dans le siècle et représentatifs par leur diversité même des changements structurels
d'un genre en pleine mutation : M.-C. Hoock-Demarle, « L'Europe des Lettres. Étude de l'émergence de la
notion d'Europe au XIXe siècle à travers les réseaux de correspondance ».
4. « Correspondance, relation, s. f. : Commerce réciproque qu'ont ensemble deux personnes. Il se dit
en termes de commerce, de la relation qu'un marchand entretient avec un autre marchand, un banquier avec
un autre banquier [...] On dit de l'un et l'autre qu'ils ont de grandes correspondances quand ils ont affaire
avec quantité d'autres négocians ou banquiers » {Encyclopédie, art. « Correspondance », éd. en fac-similé,
Stuttgart, 1966 , vol. IV, p. 274).
5. Encyclopédie, éd. cit., t. IV, p. 413 , art. « Lettres des modernes ». mutation d'un genre au début du XIXe siècle 41 La
commerce : « Quant à nos Lettres de correspondance dans les pays étrangers, elles ne

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