L Europe en quête de Shakespeare - article ; n°1 ; vol.23, pg 144-172
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1968 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 144-172
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Guy Boquet
L'Europe en quête de Shakespeare
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 23e année, N. 1, 1968. pp. 144-172.
Citer ce document / Cite this document :
Boquet Guy. L'Europe en quête de Shakespeare. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 23e année, N. 1, 1968. pp.
144-172.
doi : 10.3406/ahess.1968.421893
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1968_num_23_1_421893MISE A U POINT
L'EUROPE EN QUÊTE DE SHAKESPEARE
Au qui « bout voyaient Être d'un ou en ne siècle, Shakespeare pas être Phypercritique », pour un acteur Shakespeare, antistratfordienne inculte ce presque n'est plus illettré, se meurt. la question. un Ceux usu
rier sordide, un ivrogne à en mourir, un sédentaire incapable de con
naître les cours italiennes ou françaises ont sans doute précisé tel ou
tel aspect de l'environnement de l'homme ou de l'œuvre : ils n'ont
guère convaincu qu'eux-mêmes. Un Shakespeare aristocrate proche
du pouvoir ? Mais au procès d'Essex et de ses complices, qui à la veille
de leur soulèvement avaient commandé aux comédiens du Globe une
reprise de Richard II dans l'espoir de donner par la scène de la déposi
tion un avertissement à Elizabeth, sinon de préparer les esprits à son
détrônement, Bacon, Oxford et Derby figuraient parmi les accusateurs,
ce qui supposerait une bonne dose de machiavélisme. Si Rutland était
au banc des émeutiers, sa sottise parut telle aux juges qu'ils le tinrent
pour irresponsable. « II est curieux de constater que ce tragique procès
ait groupé tous les faux Shakespeare x et permette, à lui seul, de réduire
à néant les quatre thèses antistratfordiennes » 2. L'attribution de
l'œuvre aux auteurs contemporains, de Marlowe (mort en 1593, d'où
une fuite imaginée en Italie !) à Kyd ou Sydney, n'est pas plus convain
cante. On se demande parfois, quand on voit attribuer Don Quichotte à
Bacon, pourquoi nul n'a songé à des œuvres perdues de Lope de Vega,
traduites par les jésuites 3.
La dernière biographie, celle de A. L. Rowse 4, est aussi une analyse
de l'œuvre en fonction de son contexte politique, social et culturel par
1. Disons les principaux.
2. Clara Longworth-Chambrun, Shakespeare retrouvé, Pion, 1947.
3. J. B. Fort fait le point de la question antistratfordienne dans son article, « Le
Mystère Shakespeare », in Études anglaises, n° spécial, octobre 1964.
4. A. L. Rowse, William Shakespeare, Pion, 1964, 503 p., meilleur que Peter
Quennel, et son temps, Fayard, 1964, 380 p., honnête ouvrage de vulga-
144 L'EUROPE EN QUÊTE DE SHAKESPEARE
un spécialiste de l'Angleterre d'Elizabeth x. D'une plume alerte, Rowse
rappelle les chances favorisant les débuts de la carrière de Shakespeare :
sa naissance en 1564 au cœur de l'Angleterre rurale, dans un Warw
ickshire partagé entre labours, prairies et forêts, d'où une familiar
ité avec la nature qui manque à ses rivaux, fils de la ville ; l'aisance
de son père gantier et mégissier, travaillant les peaux de daim, de mou
ton et de chèvre (aidant parfois le boucher voisin à abattre les bêtes),
propriétaire de terrains et notable local parvenant à être bailli de
Stratford de 1568 à 1576 ; son séjour vraisemblable à la Grammar
School gratuite, pourvue par les Tudor de gradués d'Oxford ou de
Cambridge, d'où une connaissance directe des comiques latins et
d'Ovide, fort à la mode chez les poètes d'alors ; une formation angli
cane attestée par une familiarité assez grande avec la Genèse, les
Psaumes et saint Matthieu ; des contacts locaux avec le théâtre, soit à
Coventry où subsistait la tradition des mystères médiévaux, soit à
Kenilworth où Leicester donna en 1575 de grandioses fêtes sur l'eau
en l'honneur de la reine. Shakespeare a dû travailler d'abord avec son
père, mais son mariage en 1582 avec Anne Hathaway 2 l'obligea sans
doute à être « maître d'école à la campagne » (selon Aubrey qui le
tenait de l'acteur William Beeston), sans que l'on ait pu identifier
l'école où il aurait enseigné. Fluchère n'en est pas très sûr car Shakes
peare ne semble pas avoir eu « un diplôme d'université ou une licence
de l'autorité ecclésiastique ».
Rowse n'a pu éclaircir dans quelles conditions Shakespeare est parti
pour Londres où on le retrouve en 1592, auteur-acteur assez connu être la cible de l'attaque venimeuse d'un confrère, Greene. Il y
trouve toutefois des conditions idéales : les comédiens, naguère consi
dérés comme vagabonds, ont depuis 1572 un statut qui les autorise à
former des compagnies au service des grands dignitaires ; des théâtres
permanents se construisent sur les deux rives de la Tamise ; les formes
du théâtre élizabéthain sont déjà créées par des hommes qui laissent
vite le champ libre à Shakespeare : Lyly, créateur de la comédie roma
nesque précieuse, cesse d'écrire en 1590 après l'interdiction de la troupe
pour laquelle il travaillait ; les deux créateurs du drame historique avec
Tamerlan et la Tragédie Espagnole, Marlowe, sans doute agent secret
risation, utile pour le lecteur français pas toujours familier avec les structures et les
événements de l'époque élizabéthaine.
1. A. L. Rowsb, The England of Elizabeth, the structure of society ; Macmillan,
1950.
2. Henri Fluchère, dont les essais critiques dans le Shakespeare de la Pléiade
(1959) forment une somme shakespearienne sans égale hors du monde anglo-saxon,
précise que la naissance à court terme de Suzanna « ne prouve en rien que le mariage
ait dû être célébré hâtivement, car à cette époque, on pouvait contracter
devant témoins et passer plus tard à l'église ».
146
Annales (23e année, janvier-février 1968, n° 1) 10 ANNALES
d'où peut-être sa mort dans une rixe provoquée (?) en 1593, et Tho
mas Kyd, disparu l'année suivante, tous deux suspects d'athéisme
comme les familiers de Raleigh à la Taverne de la Sirène x, inspiraient
au pouvoir des inquiétudes, contrairement à Shakespeare aux idées très
conservatrices .
Rowse par contre semble bien avoir résolu les problèmes d'identi
fication posés par les Sonnets. Le jeune homme blond est le protecteur
de Shakespeare, Henry Wriothesley, comte de Southampton, objet
d'un amour aussi passionné que platonique, comme le montre assez
crûment le vingtième sonnet. Mr. W. H. « seul propriétaire des sonnets »,
paraît être sir William Harvey devenu en 1598 le troisième mari de
Lady Southampton, la mère du jeune comte, favorable aux conseils
de mariage donnés par Shakespeare à son fils, dont on retrouve l'écho
dans les premiers sonnets. Le poète rival des sonnets 79 et suivants
pourrait être Marlowe : le sonnet 86 fait allusion à son Faust. Tout ceci
semble assez convaincant, même si Rowse n'a pas réussi à déceler
l'identité de la Dame brune, la maîtresse de Shakespeare qui séduisit
Southampton. Quoiqu'il en soit, l'entrée de dans la clien
tèle d'Essex grâce à la protection du jeune comte lui permit de faire
obtenir à son père des armoiries vingt ans sollicitées sans succès et sur
tout une gratification qui lui facilita l'achat de parts de la Compagnie
du Lord Chambellan, lord Hunsdon, pour laquelle il ne cessa de tra
vailler aux côtés de Burbage et du clown Kemp. Passant d'abord d'un
théâtre de Londres à un autre, le Cygne, le seul dont il nous reste
une image, la troupe fit édifier en 1599, près du Jardin aux Ours, le
théâtre du Globe, dont Shakespeare possédait le dixième des parts ;
elle devait y accueillir les premières œuvres de Ben Jonson. Mais l'échec
de la rébellion d'Essex en 1601 priva Shakespeare de protecteur, puisque
Southampton fut finalement condamné à l'incarcération à vie. Tout
efois l'avènement de Jacques Ier retourna la situation : féru de théâtre
dont il avait été privé dans sa puritaine Ecosse, le nouveau souverain
fit de la troupe du Chambellan la compagnie du Roi (Kings' Men),
avec licence de jouer dans toute ville ou université sans autorisation
préalabl

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