L évolution de la notion du temps et les horlogers à l époque coloniale au Chili - article ; n°1 ; vol.21, pg 141-158
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L'évolution de la notion du temps et les horlogers à l'époque coloniale au Chili - article ; n°1 ; vol.21, pg 141-158

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 141-158
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eugenio Pereira Salas
P.-X. Despilho.
L'évolution de la notion du temps et les horlogers à l'époque
coloniale au Chili
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 1, 1966. pp. 141-158.
Citer ce document / Cite this document :
Salas Eugenio Pereira, Despilho. P.-X. L'évolution de la notion du temps et les horlogers à l'époque coloniale au Chili. In:
Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 1, 1966. pp. 141-158.
doi : 10.3406/ahess.1966.421357
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_1_421357RÉTROSPECTIVE COLONIALE
L'Évolution de la notion du temps
et les horlogers à l'époque coloniale
au Chili
Pour les historiens contemporains, la fin du Moyen Age marque un
« tournant dans l'évolution de la notion humaine du temps » г. Cette
évolution intime et silencieuse, ce subtil changement de psychologie
sociale, s'expriment concrètement dans ce que Jacques Le Goff a appelé
les deux types de temps, « le temps de l'Église et le temps du marchand » *.
Le premier, « le temps de l'Église », prolonge une tradition agricole
millénaire, à laquelle les coutumes et les lois mosaïques avaient donné
une forme rituelle et une tonalité religieuse. Dans cette tradition le tra
vail et l'activité de l'homme se mesuraient en fonction de repères sidé
raux, le lever et le coucher du soleil, douze heures de durée variable selon
les saisons, scandées à l'époque romaine par l'éclat épique des trompettes,
et à l'époque médiévale par la majestueuse solennité liturgique des
cloches, vigies de la foi et de l'espérance en ces temps de rudesse. La
liturgie catholique donne de cette pratique rituelle une explication en
disant que « l'Église, voulant sanctifier par la prière publique toutes les
heures du jour et de la nuit a suivi l'usage des Romains et des hébreux
dans la régie du temps » 8.
Les heures canoniques étaient : matines (minuit), laudes (trois heures
du matin), tierce (neuf heures du matin), sexte (midi), vêpres (six
du soir), complies du soir» 4.
Dès la fin du Moyen Age ce découpage du temps, temps éternel et
invariable de Dieu, où toutes les minutes doivent être sanctifiées, se voit
1. Philippe Wolff, « Le temps et sa mesure au Moyen Age », Annales E.S.C.,
XVII, novembre-décembre 1962, pp. 1141-1145.
2. Jacques Le Goff, «Au Moyen Age : Temps de l'Église et temps du marchand »,
Annales E.S.C., mai-juin 1960, pp. 417-433.
3. P. Fernando Maccono : Brève Tratado de Santa Liturgia. Barcelone, 1941.
4. V. Maccono, op. cit., pp. 170-171 : Nous lisons, en effet, dans les Actes des
Apôtres que l'Esprit Saint descendit sur les Apôtres, à l'heure de tierce, alors qu'ils
entraient en prières, que Pierre, à l'heure de sexte se retira au haut de la maison pour
prier ; que Pierre et Jean vont au temple à l'heure de none pour la prière ; que Paul
et Silas, au cachot, chantaient à minuit les louanges du Seigneur. »
141 ANNALES
opposé une conception nouvelle, qui a été nommée « le temps du mar
chand ». Cette notion se libérant en partie des traditions agraires,
tributaires des phénomènes météorologiques et du cycle des saison^,
traduit une nouvelle manière de sentir et d'exprimer l'écoulement des
heures. Cette laïcisation du temps, pour employer les termes de Le Goff,
conduit à peser jusqu'au carat le prix des heures irréversibles (le temps
c'est de l'argent), et traduit l'un des aspects psychologiques du nouveau
type d'homme qu'est le bourgeois, dont on doit un admirable portrait
à Werner Sombard.
La modification des structures économiques et sociales entraînait des
exigences nouvelles quant aux méthodes de computation du temps et
par bonheur les progrès de la technique permirent de répondre de manière
satisfaisante aux besoins d'exactitude qui commençaient à se faire sent
ir. Au temps œcuménique, liturgique et monacal de l'Église se super
posa le civil, municipal, rythmé par les sonneries musicales des
tours de guets, des campanilles et des beffrois, temps bourgeois mesuré
par l'ingénieuse machinerie des horloges publiques.
Des recherches récentes x montrent que le Moyen Age utilisa surtout
des horloges à eau, I 'horologium chrétien, issues des curieuses inven
tions alexandrines et arabes. A vrai dire ces horloges n'étaient pas nomb
reuses. Usher n'en énumère qu'une vingtaine pour l'Europe occiden
tale entre 1286 et 1336. Leur importance alla néanmoins en s'affirmant.
Lorsqu'en 1331, une horloge fut installée dans la tour du Palais Visconti,
à Milan, les chroniqueurs soulignent « elle distingue les heures les unes
des autres, ce qui est de grande utilité pour les hommes de toutes condi
tions » 2.
Le xive siècle voit l'horloge mécanique remplacer progressivement
l'horloge hydraulique, et Usher de déclarer que la mise en place de la
célèbre machine de Vyck au Palais de Justice de Paris marqua non seu
lement une étape dans les progrès de la construction, mais surtout
« l'adoption définitive des méthodes modernes d'enregistrement du
temps ». Certes dans la vie civile les heures liturgiques rivalisaient encore
avec les heures mécaniques, mais le décompte en heures égales devenait
de plus en plus populaire au cours du xive siècle ; à tel point qu'en France
Charles V ordonna aux églises de sonner les heures 3.
Oswald Spengler écrit avec le ton prophétique qui le caractérise :
« En Occident, ce sont les Allemands qui inventèrent les horloges mécan
iques, effrayants symboles du temps qui s'écoule, dont les coups qui
1. Voir Ernst von Bassermann- Jordan et Haas von Bertele. Montres, pen
dules et horloges, trad. R. Walter, P.V.F., 1964.
2. Abbot Payson Usher, A History of Mechanical Inventions. Boston, 1595,
p. 208.
3. Usher, p. 208.
142 TEMPS ET HORLOGERS
retentissent, sonores, au-dessus de l'Europe, sont sans doute l'expres
sion la plus grandiose du sentiment historique de l'Univers, » x
Cette dualité dans la notion temporelle, avec ce qu'elle a de profon
dément significatif atteint l'Amérique à l'époque de la Découverte et de
la Conquête, époque qui correspond dans l'ordre intellectuel et scienti
fique à Péclosion de la Renaissance. Si, dès 1500, toutes les cités impor
tantes d'Europe possédaient déjà des horloges publiques, les villes amér
icaines connaissent avant d'en arriver là des aventures pittoresques et
aussi quelques tracas. A Lima, où siégeait le Vice-Roi, les citadins durent
mener une lutte vigoureuse, de 1549 à 1578, avant d'en posséder une.
Cette horloge avait été importée d'Espagne, en exécution de l'acte du
Cabildo de Lima, daté du 8 octobre 1549 ; mais elle ne fut achetée qu'en
1555 et payée — la somme était importante — deux mille deux cent
vingt pesos d'or. « Enfin, note le plaisant chroniqueur de l'époque, Juan
Bromley, l'horloge de la cité, malgré son rythme le plus souvent en retard
sur le mouvement régulier du soleil et son existence précaire, régla son
allure isochrone et sonna en un jour mémorable de janvier 1559, lorsqu'un
forgeron espagnol à l'esprit ingénieux, Benito Hernandez, eut l'idée de
graisser les fers et les courroies, de remonter les roues, d'ajuster les vis
et grâce à deux tubes de bronze, provenant de canons hors de service,
de réparer sa cloche sonore. » 8
Tandis que les sympathiques limègnes, habitants d'une « cité sans
horloge ou aux horloges indifférentes ou peu soumises au temps et à
l'heure », comme l'écrit plaisamment Juan Bromley, luttaient pour leur
heure civile, les habitants du Nuevo Estremo aspiraient eux aussi à
l'heure municipale. Le problème technique n'était pas insurmontable ;
les horloges primitives, à ce que dit Usher, étaient fabriquées sur l'en
clume, suivant la technique des maîtres artisans qui forgeaient les clous,
les vis et les engrenages. Cependant, près de trente-six ans s'écoulèrent
depuis la fondation de la cité avant que ses habitants se préoccupent
de cette affaire. Le 26 septembre 1578, le Chapitre, réuni à Santiago, en
1. Oswald Spengler, Le Déclin de VOccident (trad. M. Tazerout,

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