L évolution du statut de la femme dans la République démocratique du Vietnam - article ; n°42 ; vol.11, pg 493-526
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Description

Tiers-Monde - Année 1970 - Volume 11 - Numéro 42 - Pages 493-526
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Georges Boudarel
L'évolution du statut de la femme dans la République
démocratique du Vietnam
In: Tiers-Monde. 1970, tome 11 n°42-43. Le Vietnam entre la guerre et la paix. pp. 493-526.
Citer ce document / Cite this document :
Boudarel Georges. L'évolution du statut de la femme dans la République démocratique du Vietnam. In: Tiers-Monde. 1970,
tome 11 n°42-43. Le Vietnam entre la guerre et la paix. pp. 493-526.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1970_num_11_42_1714L'ÉVOLUTION DU STATUT DE LA FEMME
DANS LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE
DU VIETNAM
par Georges Boudarel*
LES ANCIENS CODES ET LA COUTUME
Le statut de la femme vietnamienne dans la famille a été successivement
défini par les recueils de lois des diverses dynasties qui ont régné sur le pays
après le recouvrement de l'indépendance au xe siècle : les Ly, les Tran, les
Le et les Nguyen. Les seuls dont on possède encore le texte intégral sont
les deux derniers. Au moment de la conquête française au xixe siècle le code
en vigueur était celui de Gia long, le premier souverain Nguyen : simple copie
de celui de la dynastie chinoise des Xing (Ts'ing), il marquait un recul sensible
par rapport à la législation précédente.
La législation des Le dont les assises furent posées par Hong duc en 1474
s'écartait fréquemment des homologues chinois qui l'avaient inspirée. Compte
tenu de la tradition nationale, certaines dispositions avaient été omises, d'autres
créées de toutes pièces. Ces innovations qui allaient dans le sens d'un adou
cissement de la rigueur des sanctions faisaient preuve d'un réel libéralisme
vis-à-vis de la femme et en particulier de la mère de famille.
Les paragraphes consacrés au mariage s'ouvraient sur cette prescription :
« Les maris qui délaisseront leur femme et resteront cinq mois sans aller
personnellement les voir seront déchus de leurs droits sur leurs femmes. »
Selon Deloustal, cet article « tout à fait remarquable », est « particulier à la
législation des Le » et « tout à fait d'accord avec les mœurs annamites qui
accordent à la femme une place presque égale au mari» (1). Les sanctions pré
vues à cette époque ne visaient que l'adultère et non la fornication elle-même,
à la différence du code des Tang ou de celui de Gia long. Les peines appli
cables dans le premier cas étaient toujours plus légères pour la femme que
* Chargé de Recherches au C.N.R.S., Paris.
(1) Deloustal, La justice dans l'ancien Annam, trad, et commentaire du code des Le,
Bull, de l'Ecole française d'Extrême-Orient (B.E.F.E.O.), 1910, p. 362. Licb trieu bien cbuong
loai M, tap III, Hanoi, 1961, p. 121.
493 TIERS MONDE
pour l'homme qui pouvait être condamné à mort alors que sa partenaire
n'était passible que de l'exil (i). En cas de séduction d'une fille nubile non
mariée, aucune sanction n'était prévue contre cette dernière. L'abandon
du domicile conjugal entraînait pour l'épouse une condamnation à la « se
rvitude comme esclave dans les cuisines » ou, si elle s'était remariée durant
sa fugue, à « l'esclavage les bâtiments affectés au décortiquage du riz » (z).
Si dures qu'elles fussent, ces peines l'étaient beaucoup moins que celles édictées
ultérieurement par Minh mang en 1827 : strangulation immédiate pour la
mère de famille adultère et son amant, avec sursis pour l'épouse
sans enfant (3).
Cette législation s'inspirait d'une tradition très ancienne qui accordait
à la femme un rôle de premier plan dans la famille, voire parfois dans la litt
érature et la vie sociale. Sans remonter jusqu'à l'exemple célèbre des deux
reines Trung qui combattirent l'invasion chinoise au début de notre ère,
on peut citer sous les Tay-son, Bui Thi Xuan qui remplaça son mari dans
l'armée pour combattre Gia long. Vers la même époque, les poèmes de
Ho Xuan Huong exprimaient par leurs images à double sens une volonté
d'émancipation féminine qui faisait fi de tous les tabous. Sur la fin de la
conquête française, Co Tam et Ba Can sont restées célèbres pour leur action
au sein des mouvements de résistance de Phan Dinh Phung et Hoang Hoa
Tham, la première comme agent de liaison, la seconde comme partisan.
Dans le langage courant, bien des expressions témoignent de l'autorité de
l'épouse. N'est-elle pas le noi tuong, le « général de l'intérieur » ? Sans parler
des mégères et viragos qui ont droit au titre redouté de « lionnes de Ha dong ».
Si, en matière vestimentaire, la Vietnamienne porte souvent le pantalon
comme son mari, ce n'est pas toujours uniquement au sens propre du mot.
« La femme commande, dit un proverbe, le mari doit obéir; la femme appelle,
le mari doit répondre : Oui, madame, votre serviteur est ici présent » (4).
Ce fonds original proprement vietnamien a été toutefois en grande partie
aboli par le rigorisme confucéen dont se réclamaient les lettrés et dont le
code Gia long est l'expression la plus caractérisée. Bien que cette influence
se soit fait sentir beaucoup plus fortement dans les couches supérieures de
la hiérarchie sociale de l'ancienne société, elle a marqué profondément tous
les milieux. Sans vouloir entrer dans les débats d'interprétation du confu
cianisme et sans nier ses aspects progressistes sur le plan philosophique et
politique, force est de constater que sur le problème féminin il adopta dès
l'origine des positions rétrogrades très marquées. Quand Etiemble entend
(1) Id., B.E.F.E.O., 1911, p. 25-26. Licb trieu bien chuong loai chi, p. 137.
(2) Id., 1910, p. 369. Ucb trieu..., p. 122.
(3)191 1, p. 26. Lich p. 137.
(4) Trad, de Thach Xuyen, Indochine Sud-Est asiatique, juill. 1952.
494 DOCUMENTATION
mettre en relief — et non sans raison — les intentions « révolutionnaires »
de maître Kong, il se voit toutefois obligé de reconnaître que la doctrine
achoppe sur la question de la femme. « Evoque-t-on le bonheur parfait,
écrit-il, elle en est exclue, ou absente. En tant que mère, elle a droit au respect,
à toute l'assistance que requiert la piété filiale. Pour le reste, qu'elle se tienne
à son rôle d'épouse... Le Maître déclare que les gens vulgaires et les femmes
sont les plus malaisés à gouverner : « Traitez-les familièrement, ils vous
manqueront; tenez-les à distance, ils vous haïront »... Ce qui confirme le
statut de la femme à l'époque des Printemps et des automnes, statut qui fera
d'elle durant des siècles un humain diminué » (i). Cet ostracisme est dans la
logique d'un système qui part d'une cosmogonie inspirée par l'opposition
des sexes dans la société primitive pour assimiler finalement le principe
mâle (duong) à la lumière et à l'activité et le principe femelle (am) aux ténèbres
et à la passivité. Si « l'homme est noble; la femme, vile » (nam ton, nu ty),
rien d'étonnant à ce qu'on « respecte l'homme et méprise la femme » (trong
nam, khinh nu). Toute sa vie durant, celle-ci devra se soumettre aux trois
obéissances (tam tong) : au père avant le mariage, puis au mari et enfin au
fils en cas de veuvage; elle respectera les quatre vertus : travaux ménagers,
maintien, langage, conduite. L'extrême sévérité confucéenne engendre la
pruderie et condamne en fait la femme à la chasteté en dehors du mariage.
La veuve perd tous ses droits dès lors qu'elle entend se remarier. Un geste
déplacé est assimilé à un viol et l'on citait autrefois en exemple la vertu
farouche de la veuve du préfet de Thuy Duong qui se donna la mort en public
en se coupant le sein parce qu'elle s'estimait déshonorée : le maire du village
qui tentait de la séduire y avait mis la main (2).
Ce rigorisme s'exprima beaucoup plus fortement dans le code Gia long
que dans celui des Le ainsi que nous avons pu le constater à propos de l'adul
tère. La loi de Nguyen accordait les droits les plus larges au mari, y compris
celui de frapper sa conjointe, une sanction ne pouvant intervenir que s'il
lui faisait « une fracture des os ». L'homme était autorisé à prendre autant
d'

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