L expérience de la couverture médicale universelle : que peut-on apprendre sur la segmentation dans les politiques sociales ? (Commentaire) - article ; n°4 ; vol.23, pg 111-120
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L'expérience de la couverture médicale universelle : que peut-on apprendre sur la segmentation dans les politiques sociales ? (Commentaire) - article ; n°4 ; vol.23, pg 111-120

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Sciences sociales et santé - Année 2005 - Volume 23 - Numéro 4 - Pages 111-120
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Michel Grignon
L'expérience de la couverture médicale universelle : que peut-on
apprendre sur la segmentation dans les politiques sociales ?
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 23, n°4, 2005. pp. 111-120.
Citer ce document / Cite this document :
Grignon Michel. L'expérience de la couverture médicale universelle : que peut-on apprendre sur la segmentation dans les
politiques sociales ? (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 23, n°4, 2005. pp. 111-120.
doi : 10.3406/sosan.2005.1668
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_2005_num_23_4_1668Sciences Sociales et Santé, Vol. 23, n° 4, décembre 2005
L'expérience de la couverture
médicale universelle : que peut-on
apprendre sur la segmentation
dans les politique sociales ?
Commentaire
Michel Grignon
L'article de Caroline Desprès analyse le dispositif de couverture
maladie universelle instauré en 1999-2000 en France. Selon cet article, le
dispositif consacrerait (ou participerait d') un tournant dans la politique
sociale en France, vers plus de discrimination positive et moins d'égalité
de droit. En outre, toujours selon Caroline Desprès, le dispositif ne réus
sirait pas, contrairement à son ambition initiale, à résoudre le problème
de l'accès aux soins en France. L 'introduction de V article affirme enfin
que ces deux aspects sont liés. Même « s'il ne s'agit pas de prendre parti
pour l'un ou l'autre de ces modèles » (égalité ou discrimination positive),
il s'agit bien d'étudier ce que la discrimination positive, appliquée à la
couverture maladie, a « produit pour les bénéficiaires », et donc de juger
l'arbre à ses fruits. La discrimination positive, dont on comprend assez
* Michel Grignon, économiste de la santé, Département d' Économie et Programme de
Gérontologie, Université Mac Master, Hamilton, KTH232, McMaster University,
1280 Main Street West, L8S 4M4, Ontario, Canada ; e-mail :
grignon @ mcmas ter.ca MICHEL GRIGNON 112
vite dans la suite du texte qu 'elle est dangereuse sur le plan des principes
(1), ne peut non plus être sauvée par ses résultats car elle ne permet pas
de véritable accès aux soins pour les pauvres. Plus profondément, c'est
parce que la couverture médicale universelle (CMU) et la CMU complé
mentaire (CMUc) ont consacré la logique de discrimination positive
qu 'elles ont compromis le véritable accès aux soins de leurs bénéficiaires.
Une fois identifié comme bénéficiaire de la CMU, le patient voit les soins
qu 'il reçoit comme une charité et non comme un droit (ou un investiss
ement) et le médecin le perçoit comme une menace plus que comme un
patient.
L'article s'articule en deux grandes parties. Une interprétation des
textes et mécanismes fondant les CMU dans la loi de 1999 permet de mont
rer qu'elles relèvent de la discrimination positive. L'analyse de trente-
huit entretiens approfondis avec des bénéficiaires de la CMUc sert de
base à la démonstration du lien entre stigmatisation et difficulté d'accès
aux soins. Cette peut à son tour se diviser en deux parties
(chères à V économiste) : ce qui ressort de la demande (le bénéficiaire
stigmatisé n'ose pas accéder aux soins) et ce qui ressort de V offre (le
médecin préfère ne pas traiter le patient).
Je vais organiser mon commentaire en trois parties. Je proposerai
ma propre interprétation de la loi, au regard de ce problème de stigmati
sation- segmentation. Je rappellerai ensuite ce qu'on sait sur l'accès aux
soins et ce que cela dit à propos de la stigmatisation (ou plutôt ce que les
études sur les effets de la stigmatisation devraient prendre en compte).
J'aborderai ensuite la province beaucoup moins défrichée du refus de
soins, sur laquelle les approches qualitatives (monographiques) auraient
tant à nous apprendre.
(1 ) La CMU de base serait en fait de l'assistance déguisée, « inscrivant plus de seg
mentation » et la CMU complémentaire cible « une partie de la population, dans une
vision duelle de la société, inclus/exclus, ce qui n'est pas sans conséquence » car cela
« constitue une catégorie sociale, les bénéficiaires de la CMU complémentaire », ce
qui « produit une stigmatisation » et « une segmentation » de la société. L'introduction
conclut alors sur un effet « doublement pervers » du couplage CMU de base et CMU
complémentaire . POLITIQUES SOCIALES ET SEGMENTATION 1 1 3
La couverture médicale universelle, loi de stigmatisation ?
En premier lieu, il semble que la seule CMU susceptible de stigmat
iser et de segmenter soit la CMUc. La CMU de base, de son côté, se
contente de rappeler l'universalité de la couverture maladie de base et,
surtout, de rendre cette universalité effective. Alors que, avant 1999, les
divers organismes sociaux cherchaient le régime juridique (statutaire)
duquel relevait l'assuré potentiel, depuis l'instauration de la CMU de
base, le premier guichet auquel arrive le demandeur est toujours le bon
(sous réserve des conditions de résidence régulière sur le territoire),
quitte ensuite à rechercher l'organisme payeur. En ce sens, la CMU de
base ne se distingue en rien de l'assurance maladie de base dont dispose
n'importe quel assuré social. La CMUc inscrit en revanche son bénéfi
ciaire dans un dispositif spécifique , ouvrant des droits différents de ceux
du reste de la population. H y a bien segmentation, au même titre que le
fait d'habiter dans un logement HLM sépare du reste des habitants logés
dans le parc privé.
Non seulement la CMUc segmente, mais encore cette segmentation
repose bel et bien sur un principe d'équité comme il est dit dans l'article
de Caroline Desprès. On peut même énoncer le principe suivant. Si un
individu doit consacrer à l'achat d'une couverture complémentaire mala
die plus d'une certaine part de son budget (par exemple, 5 %), il est
confronté à deux options peu souhaitables : soit il renonce à cet achat,
soit il met en danger l'équilibre de son budget. Le principe d'équité
recommande alors de transférer à cet individu un montant financier le
dédommageant partiellement de son achat afin de maintenir le coefficient
budgétaire de la complémentaire sous le seuil des 5 %. Un tel principe n'a
rien de nouveau. Il est mis en œuvre régulièrement par l'aide sociale
(tarifications des cantines scolaires, des crèches municipales) et par les
aides à la consommation en général (par exemple, l'aide au logement).
On peut même, si on le souhaite, rattacher ce principe au principe
d'égalité : tout individu a droit d'accéder à la complémentaire sans mett
re en danger ses autres consommations (2). En revanche, un tel principe
(2) Dans les faits, la loi de 1999 ne respecte pas totalement ce principe : l'existence
d'un seuil de ressources au-delà duquel on ne bénéficie plus d'aucun transfert laisse
certains individus avec une dépense d'accès à la complémentaire supérieure à 5 % du
budget. On pourrait facilement, à coût budgétaire nul, faire en sorte que la CMUc
respecte strictement ce principe d'équité en instaurant un paiement partiel de la prime
à la charge de l'assuré et croissant avec son revenu (Grignon, 2003, 2004). MICHEL GRIGNON 114
n'a rien de commun avec la discrimination positive. Il ne s'agit pas de
réserver des places en nombre fini aux membres d'une minorité, mais sim
plement d'effectuer un transfert financier entre individus égaux en droits.
Cependant, même si la CMUc n'est pas une discrimination positive,
on peut légitimement se poser deux questions : ne stigmatise-t-elle pas ses
bénéficiaires, et aurait-on pu faire autrement ?
La CMUc, prestation d'aide sociale fondée sur l'égalité, peut-elle
stigmatiser ? Sous sa forme actuelle, la CMUc ne peut stigmatiser que
dans un sens restreint. Personne ne sait, sauf l'assuré et ses soignants, s'il
est bénéficiaire. En ce sens, la CMUc diffère de l'accès aux HLM. La sti
gmatisation peut donc passer par le bénéficiaire lui-même (le fait d'accé
der aux soins par une prestation d'aide sociale rend cette consommation
moins légitime à ses propres yeux), et par les médecins qu'il va consulter.
O

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