L expertise cognitive au jeu d échecs : quoi de neuf depuis De Groot (1946) ? - article ; n°4 ; vol.104, pg 771-793
24 pages
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L'expertise cognitive au jeu d'échecs : quoi de neuf depuis De Groot (1946) ? - article ; n°4 ; vol.104, pg 771-793

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Description

L'année psychologique - Année 2004 - Volume 104 - Numéro 4 - Pages 771-793
Résumé
II y a plus de trente ans, de Groot (1946 ; 1965), puis Chase et Simon (1973), montraient que, contrairement à une idée reçue, les experts au jeu d'échecs ne possèdent pas de capacités mnésiques ou calculatoires supérieures à celles des novices, mais que c'est la nature et l'organisation de leurs connaissances qui leur confèrent une supériorité. Cet article propose un bilan des travaux qui, depuis ces recherches princeps, ont étudié la « drosophile de la psychologie » : l'expertise au jeu d'échecs. Après avoir rappelé les recherches de De Groot et de Chase et Simon, et le modèle théorique de l'expertise que Chase et Simon ont proposé en termes de « chunks », nous présentons les limites de ce modèle et les développements empiriques et théoriques proposés récemment, qui mettent l'accent sur les structures de représentation des connaissances en mémoire à long terme.
Mots clés : expertise au jeu d'échecs, organisation des connaissances.
Summary : Cognitive expertise in the game of chess : What's new since de Groot (1946) ?
More than thirty years ago, de Groot (1946, 1965) then Chase and Simon (1973) showed that contrary to commonly held views chess experts do not have superior memory capacities, nor superior calculation ability, compared to novices. In fact, the nature and organization of knowledge differentiate experts and novices. This paper provides a critical review of work conduced since these landmark studies on the « drosophilia of psychology », namely chess expertise. After a reminder of de Groot and Chase and Simon's research and Chase and Simon's theoretical model of expertise in terms of « chunks », we consider the limits of this model and recent empirical and theoretical developments. These developments emphasize the structure of knowledge representation in long term memory.
Key words : chess expertise, knowledge organization.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 115
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Didierjean
V. Ferrari
Evelyne Cauzinille-Marmèche
L'expertise cognitive au jeu d'échecs : quoi de neuf depuis De
Groot (1946) ?
In: L'année psychologique. 2004 vol. 104, n°4. pp. 771-793.
Résumé
II y a plus de trente ans, de Groot (1946 ; 1965), puis Chase et Simon (1973), montraient que, contrairement à une idée reçue,
les experts au jeu d'échecs ne possèdent pas de capacités mnésiques ou calculatoires supérieures à celles des novices, mais
que c'est la nature et l'organisation de leurs connaissances qui leur confèrent une supériorité. Cet article propose un bilan des
travaux qui, depuis ces recherches princeps, ont étudié la « drosophile de la psychologie » : l'expertise au jeu d'échecs. Après
avoir rappelé les recherches de De Groot et de Chase et Simon, et le modèle théorique de que Chase et Simon ont
proposé en termes de « chunks », nous présentons les limites de ce et les développements empiriques et théoriques
proposés récemment, qui mettent l'accent sur les structures de représentation des connaissances en mémoire à long terme.
Mots clés : expertise au jeu d'échecs, organisation des connaissances.
Abstract
Summary : Cognitive expertise in the game of chess : What's new since de Groot (1946) ?
More than thirty years ago, de Groot (1946, 1965) then Chase and Simon (1973) showed that contrary to commonly held views
chess experts do not have superior memory capacities, nor superior calculation ability, compared to novices. In fact, the nature
and organization of knowledge differentiate experts and novices. This paper provides a critical review of work conduced since
these landmark studies on the « drosophilia of psychology », namely chess expertise. After a reminder of de Groot and Chase
and Simon's research and Chase and Simon's theoretical model of expertise in terms of « chunks », we consider the limits of this
model and recent empirical and theoretical developments. These developments emphasize the structure of knowledge
representation in long term memory.
Key words : chess expertise, knowledge organization.
Citer ce document / Cite this document :
Didierjean André, Ferrari V., Cauzinille-Marmèche Evelyne. L'expertise cognitive au jeu d'échecs : quoi de neuf depuis De Groot
(1946) ?. In: L'année psychologique. 2004 vol. 104, n°4. pp. 771-793.
doi : 10.3406/psy.2004.29689
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_2004_num_104_4_29689L'année psychologique, 2004, 104, 771-793
REVUE CRITIQUE
Laboratoire de Psychologie Cognitive
CNRS et Université de Provence1*
L'EXPERTISE COGNITIVE AU JEU D'ECHECS :
QUOI DE NEUF DEPUIS DE GROOT (1946) ?
André DlDIERJEAN*, Vincent FERRARI»
et Evelyne MARMÈCHE*
SUMMARY : Cognitive expertise in the game of chess : What's new since de
Groot (1946) ?
More than thirty years ago, de Groot (1946, 1965) then Chase and Simon
(1973) showed that contrary to commonly held views chess experts do not have
superior memory capacities, nor superior calculation ability, compared to
novices. In fact, the nature and organization of knowledge differentiate experts
and novices. This paper provides a critical review of work conduced since these
landmark studies on the « drosophilia of psychology », namely chess expertise.
After a reminder of de Groot and Chase and Simon's research and Chase and
Simon's theoretical model of expertise in terms of« chunks », we consider the
limits of this model and recent empirical and theoretical developments. These
developments emphasize the structure of knowledge representation in long term
memory.
Key words : chess expertise, knowledge organization.
Un Grand Maître aux échecs peut jouer en simultané de nombreuses
parties et les gagner. Il peut jouer des parties « en aveugle » (sans voir les
échiquiers) ou battre des ordinateurs dont la puissance de calcul excède très
largement les capacités humaines. En quoi le système cognitif d'un expert
au jeu d'échecs diffère-t-il de celui d'un novice ? Très tôt, la psychologie a
cherché à explorer la mémoire des experts au jeu d'échecs (cf. Binet, Psy-
1. Correspondance : A. Didierjean, Laboratoire de Psychologie Cognitive,
CNRS et Université de Provence, 29, av. R. Schuman, 13621 Aix-en-Provence.
Email : andre@up.univ-mrs.fr. 772 André Didierjean, Vincent Ferrari et Evelyne Marmèche
chologie des grands calculateurs et joueurs d'échecs, en 1894), mais ce domaine
de recherche a connu un tournant avec l'ouvrage de De Groot (1946, 1965)
puis la recherche de Chase et Simon (1973). La tâche que ces auteurs ont
mise au point et l'interprétation qu'ils ont faite de leurs résultats ont eu
une influence majeure sur les travaux sur la mémoire experte. Pour
reprendre une formule de Cooke, Atlas, Lane et Berger (1993) : « Si le jeu
d'échecs est, comme le propose Charness (1989), "la drosophile de la psy
chologie" (p. 184), alors le paradigme de mémorisation mis au point par de
Groot (1965) et popularisé par Chase et Simon (1973) en est le "micros
cope". » Ces auteurs ont montré que, contrairement à une idée reçue, ce
n'est pas tant la capacité à calculer de nombreux coups à l'avance qui diffé
rencie l'expert du novice, mais la capacité à « percevoir » très vite les zones
de l'échiquier importantes et les coups pertinents. Les connaissances de
l'expert auraient ainsi une double fonction : permettre d'encoder très rap
idement la configuration observée, et donner du sens à cette configuration
en centrant la réflexion sur les meilleurs coups à jouer. Comme l'avance de
Groot (1946, 1965) : « Un maître (au jeu d'échecs) ne cherche pas le bon
coup, il le voit ». Près de quarante ans après ces recherches, où en est-on
dans la compréhension des capacités cognitives des experts au jeu
d'échecs ? Après avoir rappelé les travaux de De Groot et de Chase et
Simon, nous présenterons les limites de la théorie que ces derniers ont pro
posée et les avancées récentes dans ce domaine de recherche.
1. LES RECHERCHES PRINCEPS DE DE GROOT (1946, 1965)
ET DE CHASE ET SIMON (1973)
De Groot publie en 1965 la traduction en anglais d'un ouvrage qu'il a
écrit en 1946. Cet ouvrage relate, entre autres, une série d'études sur des
experts au jeu d'échecs. De Groot fait remarquer que s'il existe de nom
breux ouvrages sur les échecs, très peu s'intéressent aux mécanismes men
taux que mettent en œuvre les joueurs d'échecs. Dans cet ouvrage, il pré
sente l'analyse de verbalisations d'experts à qui l'on demande d'analyser
des configurations de jeu d'échecs en « pensant à voix haute », ainsi qu'une
expérience de mémoire chez des experts au jeu d'échecs. Sur la base de ces
deux études, des propositions sont faites quant à la nature des connaissanc
es expertes. Cet ouvrage ouvre la voie à une approche expérimentale des
mécanismes mentaux mis en jeu dans l'expertise.
Pour comprendre les mécanismes mentaux mis en œuvre par les
experts au jeu d'échecs, de Groot analyse en détail les verbalisations
d'experts auxquels il demande de « penser à voix haute » face à des confi
gurations à analyser pour y trouver le meilleur coup à jouer. L'analyse des
verbalisations le conduit tout d'abord à observer différentes phases dans
l'exploration de la position : 1 / Tout d'abord une première phase dite
« statique » dans laquelle le joueur détecte les traits les plus importants de L'expertise cognitive au jeu d'échecs 773
la position et des relations fonctionnelles entre les pièces. L'objectif de cette
phase est de définir de quelle catégorie relève la position et de repérer cer
tains traits caractéristiques spécifiques de la position. 2 / Succède à la pre
mière phase qui se déroule en quelques secondes une phase dite « dyna
mique ». L'objectif est d'analyser les possibilités d'action, sans cependant à
ce stade formuler de solutions. 3 / Enfin, dans une dernière phase dite
« evaluative », les conséquences des différentes possibilités d'action sont
tour à tour évaluées. Cette phase débouche sur la sélection de quelques
plans d'actions qui sont évalués en profondeur. À noter cependant qu'il
peut y avoir des aller-retours entre les phases deux et trois.
Ces travaux sur les verbalisations amèn

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