L homme-hyène dans la tradition soudanaise - article ; n°2 ; vol.1, pg 89-118
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L'homme-hyène dans la tradition soudanaise - article ; n°2 ; vol.1, pg 89-118

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Description

L'Homme - Année 1961 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 89-118
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Geneviève Calame-Griaule
Z. Ligers
L'homme-hyène dans la tradition soudanaise
In: L'Homme, 1961, tome 1 n°2. pp. 89-118.
Citer ce document / Cite this document :
Calame-Griaule Geneviève, Ligers Z. L'homme-hyène dans la tradition soudanaise. In: L'Homme, 1961, tome 1 n°2. pp. 89-118.
doi : 10.3406/hom.1961.366378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1961_num_1_2_366378L'HOMME-HYÈNE DANS LA TRADITION SOUDANAISE
par
G. CALAME-GRIAULE et Z. LIGERS
L'homme-hyène, variante africaine du loup-garou, est l'objet d'une croyance
encore très vivante dans la région du Moyen-Niger et fournit le thème de nombreux
contes populaires. Nous présentons ici un ensemble de ces contes, recueillis dans
les villages riverains du Niger, au cours d'une enquête menée dans la zone située
entre Diafarabé et Akka, soit en plein habitat bozo comme l'attestent la majorité
des contes publiés, dont huit sur douze proviennent d'informateurs bozo. Mais les
populations qui vivent en contact avec les Bozo dans cette région connaissent
l'homme-hyène et possèdent une tradition à son sujet1.
La plupart des récits sont bâtis sur une opposition entre un monstre, mi-homme
mi-animal (le plus souvent hyène), qui terrorise une contrée en dévorant ses habi
tants, et un héros libérateur qui, après une lutte plus ou moins vive, met le monstre
à mort. Le conte-type comprend donc deux parties, l'une purement négative
comprenant les exploits destructeurs du héros négatif (le monstre), et la seconde
positive contant la lutte victorieuse du libérateur et le rétablissement de
l'ordre. Bien que ces deux parties soient inégalement développées dans tous les
contes, elles existent toujours, et le but de notre analyse est précisément de
montrer l'importance et la signification symbolique de ce dualisme en le repla
çant dans le contexte mythique et psychologique des populations soudanaises.
Nous verrons d'autre part nos héros s'intégrer dans l'ensemble des personnages
* M. Ligers a recueilli sur les bords du Niger quelques-uns des contes (nOB 3, 4, 5, 6, 8
et 9) qui servent de base à l'interprétation structurale ici proposée, et a ainsi fourni à cette
étude son point de départ. G. C.-G.
1. Le nom bozo de l'homme-hyène est kverenkvere (kvoïrenkvoïre ou korenkore selon les
dialectes) ; il signifie « celui qui se métamorphose ». En peul on l'appelle waylitoru (waylutoro,
veletoro) , de waylitde, « se changer ». En bambara il est ma dumba, « le mangeur d'hommes » ;
en songhay koro boro nari, « hyène mangeuse d'hommes » ; en dogon, bibile bilene, « faiseur
de métamorphoses ». Bien que l'hyène n'apparaisse que dans l'expression songhay, nous
employons le nom d' « homme-hyène » pour des raisons qui seront développées ci-dessous ;
nous nous servirons aussi parfois du mot bozo, dont la sonorité est très expressive. 90 G. CALAME-GRIAULE ET Z. LIGERS
de la littérature orale, et particulièrement des fables qui procèdent du même
dualisme, comme l'un de nous a tenté de le démontrer ailleurs2.
Nous nous sommes efforcés d'abord de classer les récits par ordre d'intérêt
croissant, en notant au fur et à mesure certains détails significatifs, pour les
regrouper ensuite avec ceux que nous a fournis l'enquête et dégager ainsi la
structure des contes de ce type.
Dans les trois premiers récits, d'inégale longueur, le narrateur prétend avoir
été le témoin de l'aventure ou la tenir d'un témoin direct ; ce fait confirme le
caractère actuel de la tradition relative à l'homme-hyène.
1. Témoignage d'un jeune Bozo d'une douzaine d'années, élève de l'école de
Youarou, sur le lac Débo.
Sa sœur se rendait en pirogue à Dirêma avec son mari. Ils naviguaient
près de la rive lorsqu'une hyène les attaqua, bien que ce fût en plein jour3.
L'homme faillit être saisi, mais il réussit à pousser la pirogue au large.
L'être étrange était entré dans l'eau jusqu'aux genoux ; il était en tous
points semblable à une hyène, mais parlait d'une voix nasillarde et leur
reprochait de l'abandonner.
Dans ce récit l'opposition est simplifiée au maximum et il n'y a pas de lutte
proprement dite ; certains éléments sont pourtant à remarquer : le personnage
féminin qui accompagne le « héros » ; le fait que le couple échappe au monstre
grâce à l'eau, dans laquelle on présume que celui-ci ne peut pénétrer plus avant ;
enfin l'aspect même du personnage monstrueux, hyène parlant comme un homme,
mais d'une voix nasillarde.
2. Témoignage d'un Dogon adulte de la région de Sanga, d'après le récit d'un
vieux Bozo4 (l'événement relaté serait contemporain).
Un Bozo, qui avait beaucoup d'enfants, vivait dans le village de Sofara.
Comme il était trop pauvre pour nourrir sa nombreuse famille, il se chan
geait en hyène la nuit pour se procurer du gibier. S'il ne rencontrait aucun
animal, il s'attaquait même à l'homme. Se trouvant trop vieux pour conti
nuer ce métier, il transforma son fils en hyène et l'envoya à sa place. Malheu
reusement il mourut pendant une absence de ce fils sans lui avoir appris la
formule qu'il fallait prononcer pour retrouver sa forme humaine. Le fils
est donc resté hyène et a été chassé du village. Mais, comme il revenait
2. G. Calame-Griaule, « Ésotérisme et fabulation au Soudan », Bulletin de l'Institut
Français d'Afrique Noire, t. XVI, sér. B, n° 3-4, juil.-oct. 1934.
3. L'homme-hyène se manifeste généralement de nuit, comme on le verra plus loin.
4. Les Dogon et les Bozo sont étroitement unis par la parenté appelée communément
« à plaisanterie », et qu'il semble plus juste, après M. Griaule, de nommer « alliance cathartique »
{cf. Africa, vol. XVIII, oct. 1948). On remarquera que cette histoire est donnée comme bozo ;
nous verrons cependant plus loin ce qu'elle semble avoir de typiquement dogon (cf. ci-dessous,
p. 108, n. 24). dans la tradition soudanaise 91 l'homme-hyène
toujours hurler aux alentours et déterrer les morts dans le cimetière, les
habitants du village se sont mis à lui donner régulièrement de la nourriture,
et depuis il ne touche plus aux morts.
On ne trouve pas dans ce texte de héros à proprement parler ; l'opposition est
construite entre les habitants du village, représentant la société humaine, et un
être qui, par la faute de son père, a perdu sa condition d'homme, la regrette et
nuit aux hommes ; ceux-ci instituent une sorte de culte pour le neutraliser. Notons
aussi le caractère « magique » de la métamorphose, qui a lieu à l'aide d'une formule.
3. Témoignage du chef du fleuve bozo de Koa5.
Des Peul se rendirent chez un guérisseur bozo et lui demandèrent des
recettes pour empêcher les bêtes féroces de ravager leurs troupeaux. Le
guérisseur leur donna ce qu'ils voulurent, et pendant le mois suivant les
bergers ne perdirent aucun animal ; c'était justement ce même guérisseur
qui se changeait en lion ou en hyène pour dévorer leurs bœufs. En récom
pense les bergers lui promirent trois bœufs bien gras, mais ils ne tinrent
pas leur promesse et partirent précipitamment sans prendre congé de lui.
Le Bozo les suivit sous sa forme humaine. Mais il ne pouvait traverser le
fleuve ; car pour les êtres de son espèce il y a un interdit sur la traversée
de l'eau : ils ne savent pas nager, et, de plus, leurs pouvoirs perdent toute
efficacité dans l'eau. Il alla donc trouver notre informateur, qui se trouvait
alors à Sofara, et lui demanda de lui faire traverser le fleuve en pirogue ;
entre temps les Peul avaient pris une bonne avance. Le chef du fleuve
commença par refuser, cet homme qui parlait du nez et qui avait des dents
rouges et limées en pointe ne lui inspirant pas confiance.
« Pourquoi ne veux-tu pas me passer ?
— Parce que tu es un kverenkvere.
— C'est faux, je ne suis pas ce que tu dis. Parlons d'autre chose.
— Pourtant il y a beaucoup de mouches qui te suivent, autour de ta
bouche, sur ta tête, partout.
— Quel bavard ! Traverse-moi tout de suite, et je te donnerai ce que
tu voudras. »
Le chef consentit alors ; d'autres Bozo auraient voulu le passer,

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