L œuvre des Churriguerra : la « catégorie » du masque - article ; n°3 ; vol.15, pg 466-484
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L'œuvre des Churriguerra : la « catégorie » du masque - article ; n°3 ; vol.15, pg 466-484

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1960 - Volume 15 - Numéro 3 - Pages 466-484
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hubert Damisch
L'œuvre des Churriguerra : la « catégorie » du masque
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 3, 1960. pp. 466-484.
Citer ce document / Cite this document :
Damisch Hubert. L'œuvre des Churriguerra : la « catégorie » du masque. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e
année, N. 3, 1960. pp. 466-484.
doi : 10.3406/ahess.1960.421619
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1960_num_15_3_421619des Churriguera : L'Œuvre
La « Catégorie » du masque
L'histoire a voulu que nous ne puissions considérer l'œuvre des Chur
riguera1 qu'à travers l'écran du concept générique de « churrigue-
resque ». Mais n'en est-il pas de même de tous les artistes qui ont prêté
leur nom, soit à un style ou à un mouvement esthétique dont ils
apparaissent comme les initiateurs, soit à une série d'oeuvres on
entend marquer par là l'unité profonde ? Quelle méthode moins arbitraire,
cependant, parmi toutes celles dont use l'historien de l'art, que de
définir les caractères essentiels d'une œuvre-clé (comme on dit), sa pro
blématique et sa signification historique ? La définition ainsi obtenue n'a
rien d'une construction idéale : résultat d'une analyse concrète et rigou
reuse, elle constituerait en quelque sorte un « modèle » à partir duquel il
deviendrait possible d'introduire un semblant d'ordre parmi la multipli
cité pure des œuvres.
Que de tels concepts soient souvent équivoques, à la fois suffisamment
vagues pour recouvrir les produits les plus divers et trop peu élaborés
pour donner accès à l'œuvre même de l'artiste dont ils empruntent le
nom, l'exemple du Caravagisme suffit à le prouver. Mais que dire du
qualificatif de « churrigueresque » — évocateur d'édifices d'une fantaisie
un peu lourde sur lesquels prolifère par plaques, comme une somptueuse
moisissure, un décor confus et bruissant ? Les contemporains appli
quaient déjà cette épithète à un grand nombre d'édifices bâtis en terres
1. La bibliographie sur l'œuvre des Churriguera est des plus restreintes. Cependant
il convient de citer le travail exemplaire de A. Garcia y Bellido, « Estudios del
barocco espanol : avances para una monoçrafia de los Churrigueras », Archive espanol
de Arte y Arqueologia, 1929, n° 13, p. 1-66, et 1930, n° 17, p. 135-187, qui a totalement
renouvelé les études sur les Churriguera et le problème du style « churrigueresque ».
— - Cf. également B. Be van, History of Spanish Architecture (traduction espagnole,
Barcelone, 1950). — G. Kubler, Architectura de los siglos XVII y XVIII, Madrid,
1957 (« Aïs hispaniae », t. XIV). — G. Kubleii et M. Soria, Art and Architecture in
Spain and Portugal and their american dominions, 1500-1800, Londres, 1959 ( «The
Pelican History of Art» ).
466 CHURRIGUERA
hispaniques dès la fin du xviie siècle et jusqu'au milieu du xvine. Vocable
méprisant, sinon déshonorant, qui revenait sans cesse sous la plume des
tenants du Néo-classicisme — au premier rang desquels le grand Jovel-
lanos — lorsqu'ils jugeaient, avec la plus extrême sévérité, les productions
des émules de José de Churriguera. Pourtant, une notice nécrologique
publiée en 1725 dans La Gaceta de Madrid avait qualifié celui-ci de
« Michel Ange espagnol ». Chose curieuse, quand vint, avec Caveda1, la
réaction inévitable contre « l'aveuglement et le manque de vision histo
rique »'» des écrivains de la fin du xvine siècle, la critique ne fit guère
preuve de plus de discernement. « Lorsque notre public a dit churriguer
esque, il croit avoir dit quelque chose », observait Eugenio d'Ors
au début de ce siècle. Mais lui-même s'aveuglait volontairement, qui
prétendait reconnaître en Churriguera un « artiste maudit », une « sirène
délicieuse » : tout fidèle serviteur de la raison qu'il fût, cet auteur ne
dédaignait pas d'écouter une voix lourde des débordements d'une passion
tumultueuse et d'un mauvais goût « qui se souvient du chaos primitif »*.
Au vrai, tout se passait comme si l'élargissement du goût et de la vision
historique avait permis de réhabiliter l'une des grandes figures de l'art
espagnol, sans pour autant remettre fondamentalement en question
l'image qu'avait donnée de son œuvre la littérature néo-classique.
Cependant, dans YEloge qu'il prononça de Ventura Rodriguez, Jovel-
lanos avait déjà observé avec sa pénétration coutumière qu'on parlait à
tort de la « manière (manera) churrigueresque », José de Churriguera
(1665-1725) ayant été, selon lui, « le moins insensé sans doute... de ces
artistes qui portèrent leur art à ce point extrême de corruption où doivent
atteindre les calamités publiques pour que du mal surgisse le remède » 4.
Mais le concept de « churrigueresque » pesait à ce point sur le jugement
des critiques et des historiens que — sans prendre garde à cet avertiss
ement — ■ ils attribuèrent longtemps au seul José quantité d'ouvrages
traditionnellement qualifiés de churrigueresques, ou qui paraissaient
répondre à la définition reçue de cette « manière » 5. Il fallut attendre les
travaux de A. Garcia y Bellido, pour qu'au prix d'une étude approfondie
des sources fût restituée à cet artiste sa figure véritable. Non sans dom
mage pour lui d'ailleurs : tandis que son œuvre se rétrécissait singulière
ment, les autres membres de sa famille — et d'abord ses deux frères
cadets, Joaquin (1074-1724) et surtout Alberto (1676-1750), le plus
1. J. Caveda, Ensayo historico sobre los diverses gêner os de arquitectura empleadoa
en Espcma desde la domination romana hasta nucstros dias, Madrid, 1848.
2. Gakcia y Bellido, op. cit., p. 1-2.
3. E. d'Oiis, Du Baroque, traduction française, Paris, 1935, p. 19-22.
4. Gaspard Melehor de Jovellanos, « Elogio de D. Ventura Rodriguez, arquitecto
mayor de esta corte » (1788), in Obr as, B.A.E., t. XLYI, p. 369-388; texte capital pour
l'interprétation de l'art espagnol au xvii0 siècle, et auquel nous nous référerons con
stamment dans ces pages.
5. Ce que fait encore le Marquis de Lozoya dans son Historici de! Arte Hispanico,
t. IV, Barcelone, 1947.
467 ANNALES
grand sans doute des Churriguera — surgissaient de l'ombre où les avait
relégués la critique néo-classique. De fait, au premier regard, et mis à
part les retables de bois sculpté et doré et quelques portes ou fenêtres au
décor relativement fouillé, ce ne sont pas le palais Goyeneche, calle de
Alcala, à Madrid, ou l'austère village de Nuevo Baztán, tracé au cordeau
dans la campagne madrilène (à quoi se réduit à peu près l'œuvre de
José) qui nous inciteraient à réviser le jugement de Jovellanos. Réalisa
tions modestes, disons-le, et sans originalité, au surplus fort peu exubé
rantes ou « borrominesques » (comme on disait aussi). Nous voici loin du
« Michel- Ange espagnol », célébré par la Gaceta...
Destin paradoxal, donc, que celui de José de Churriguera : par une
ironie dont elle est coutumière, l'Histoire aurait-elle voulu que la célébrité
vînt à un artiste de second ordre d'avoir donné son nom à un style bientôt
abhorré, que ses propres œuvres, cependant, n'annonçaient en rien ? C'est
sans doute de crainte de céder à la confusion que les historiens de l'art
s'efforcent aujourd'hui à distinguer entre les créations dites churrigue-
resques et celles des Churrigueras eux-mêmes 1. Qui plus est, ils s'attachent,
de façon systématique à ne point user d'une notion aussi équivoque 2,
l'œuvre des Churriguera leur apparaissant alors :
— soit comme une manifestation provinciale d'une forme d'art qui
n'était pas sans antécédents,
— soit, dans le cas des réalisations de José lui-même, comme le
prologue « austère » d'un style « baroque » qui ne devait s'épanouir que
plus tard,
— soit enfin, pour ce qui est des dernières créations d'Alberto,
comme reflétant l'évolution contemporaine de l'art européen vers le
&#

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