L'organisation séquentielle des ressources linguistiques dans l'élaboration collective des descriptions - article ; n°1 ; vol.89, pg 9-36

Lorenza Mondada

Description

Langage et société - Année 1999 - Volume 89 - Numéro 1 - Pages 9-36
MONDADA Lorenza - Sequential organization of linguistic resources in joint elaboration of descriptions.
This paper concerns the ways that speakers jointly construct their descriptions of facts, events and objects. Analyzing them means studying speech-turns and the specific exploitation of linguistic resources (what we call Grammar-for-interaction). Descriptive activity takes shape especially through the joint construction of statements, which allows one to reflect on the way the turns and the turn constructional units are organized as units arising from the interactional achievements of the speakers. Several observable cases in point are described, as well as their effects in terms of how the exchange is organized, concentration, help, more or less shared knowledge, agreement and disagreement, or co-belonging of speakers.
Cet article s'intéresse aux procédures par lesquelles les locuteurs élaborent collectivement des descriptions de faits, événements, objets. Leur analyse se fonde sur l'organisation des tours de parole et sur son exploitation spécifique des ressources linguistiques (ce que nous appelons la grammaire-pour-l'interaction). L'activité descriptive prend notamment forme à travers la construction collective d'énoncés, qui permet de réfléchir à la façon dont les tours et les unités de construction de tours s'organisent comme des entités émergeant de l'accomplissement interactionnel des participants. Plusieurs configurations observables sont décrites, ainsi que leurs effets en termes d'organisation de la participation, de l'attention, de l'aide, du savoir plus ou moins partagé, de l'accord ou du désaccord, de la co-appartenance des locuteurs.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: LANGAGE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 30
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Lorenza Mondada
L'organisation séquentielle des ressources linguistiques dans
l'élaboration collective des descriptions
In: Langage et société, n°89, 1999. Ethnométhodologie et analyse conversationnelle. pp. 9-36.
Abstract
MONDADA Lorenza - Sequential organization of linguistic resources in joint elaboration of descriptions.
This paper concerns the ways that speakers jointly construct their descriptions of facts, events and objects. Analyzing them
means studying speech-turns and the specific exploitation of linguistic resources (what we call "Grammar-for-interaction").
Descriptive activity takes shape especially through the joint construction of statements, which allows one to reflect on the way the
turns and the "turn constructional units" are organized as units arising from the interactional achievements of the speakers.
Several observable cases in point are described, as well as their effects in terms of how the exchange is organized,
concentration, help, more or less shared knowledge, agreement and disagreement, or co-belonging of speakers.
Résumé
Cet article s'intéresse aux procédures par lesquelles les locuteurs élaborent collectivement des descriptions de faits,
événements, objets. Leur analyse se fonde sur l'organisation des tours de parole et sur son exploitation spécifique des
ressources linguistiques (ce que nous appelons la "grammaire-pour-l'interaction"). L'activité descriptive prend notamment forme à
travers la construction collective d'énoncés, qui permet de réfléchir à la façon dont les tours et les unités de construction de tours
s'organisent comme des entités émergeant de l'accomplissement interactionnel des participants. Plusieurs configurations
observables sont décrites, ainsi que leurs effets en termes d'organisation de la participation, de l'attention, de l'aide, du savoir
plus ou moins partagé, de l'accord ou du désaccord, de la co-appartenance des locuteurs.
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Mondada Lorenza. L'organisation séquentielle des ressources linguistiques dans l'élaboration collective des descriptions. In:
Langage et société, n°89, 1999. Ethnométhodologie et analyse conversationnelle. pp. 9-36.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1999_num_89_1_2882L'organisation séquentielle
des ressources linguistiques
dans l'élaboration collective des descriptions
Lorenza Mondada
Romanisches Seminar
Université de Bâle
I- INTRODUCTION
Le fait que la conversation ne procède pas de façon chaotique,
désordonnée, au hasard des projets individuels, mais qu'elle se
caractérise au contraire par son caractère ordonné, soulève la ques
tion de savoir comment celui-ci est assuré par les participants - alors
même que ces derniers ne se concertent pas explicitement pour l'in
staurer et le maintenir. L'analyse conversationnelle développe depuis
plus de vingt ans des analyses détaillées des procédures par les
quelles cet ordre est accompli collectivement. Ses travaux se pen
chent ainsi sur les modalités par lesquelles les participants coor
donnent leur agir conversationnel, grâce à la mise en œuvre de
procédures systématiques et méthodiques. Celles-ci ne structurent
pas seulement le déroulement de la conversation en train de se faire,
mais elles sont en outre déployées, voire exhibées, de façon à être
reconnaissables par chacun1, conférant une intelligibilité à l'interac
tion, indispensable pour que les interlocuteurs puissent ajuster leurs
1. Cette possibilité d'intervenir de manière ordonnée, sensée et identifiable par les
partenaires constitue ce que Garfinkel (1967) appelle la descriptibilité (accountabil
ity) des cours d'action.
© Langage et société n° 89 - septembre 1999 10 LORENZA MONDADA
conduites, se coordonner entre eux et enchaîner de façon adéquate
d'un tour à l'autre (Sacks et Schegloff, 1973).
Dans ce cadre, qui fonde le recours à une analyse détaillée de l'ordre
conversationnel et de la façon dont il est produit par l'exploitation de
ce que nous appellerons la "grammaire-pour-l'interaction" (cf. 2.),
nous allons nous pencher dans cet article2 sur les modalités pratiques
par lesquelles les interlocuteurs interprètent et produisent à la fois des
contributions ordonnées à la conversation. Nous le ferons en nous
intéressant à une activité interactionnelle particulière, la construction
collective de descriptions - descriptions d'événements, rapports sur
des états de faits, versions du monde. Cette activité peut se réaliser à
travers une organisation séquentielle particulière de l'alternance des
locuteurs, qui nous permet de réfléchir à la façon dont les tours et les
unités de construction des tours s'organisent comme des entités tem
porelles et contingentes émergeant de l'accomplissement interaction-
nel des participants. L'analyse que nous allons en proposer se base sur
le modèle des tours de parole (2.) pour explorer les modes de collabo
ration descriptive entre les participants (3.), caractérisés notamment
par le fait qu'ils peuvent s'orienter aussi bien vers des positions d'ac
cord ou de désaccord (4.). Notre analyse nous conduira à caractériser
un certain nombre de procédures (5.), permettant de montrer que les
formes linguistiques s'agencent d'une façon adéquate aux fins pra
tiques de l'interaction et que l'organisation sociale, régissant l'action
collective tout comme la cognition située et distribuée, est fortement
liée à l'exploitation de certaines propriétés de la grammaire (6.).
2 - ORGANISATION DES TOURS DE PAROLE
ET "GRAMMAIRE-POUR-L'INTERACTION"
Le dispositif des tours de parole constitue l'organisation de base de la
conversation et de l'interaction en général. Il répond à la question
pratique de savoir comment les participants réalisent de façon locale
2. Les réflexions développées ici doivent beaucoup aux discussions stimulantes que
j'ai eues durant un séminaire de recherche co-organisé avec Bruno Bonu, Marc
Relieu et Michel Barthélémy durant l'année 1997-1998. Je les remercie vivement
pour cette collaboration fructueuse. COLLECTIVE DES DESCRIPTIONS 1 1 L'ÉLABORATION
et conjointe la coordination de leurs conduites, sans qu'y intervien
nent des règles exogènes. Cette coordination est la condition sine qua
non de nombreuses activités socialement organisées et notamment
de la distribution et de l'alternance de la parole parmi les participants,
régulée de façon à ce qu'une seule personne parle à la fois, par une
minimisation à la fois des silences et des chevauchements entre une
intervention et l'autre.
Le modèle de l'alternance des tours de parole formulé initialement
par Sacks, Schegloff et Jefferson en 1974 reste de ce point de vue une
référence centrale, enrichie par les discussions qu'il a soulevées
récemment parmi les conversationnalistes les plus sensibles à une
problématique linguistique (voir Ochs, Thompson, Schegloff, 1996).
Le modèle initial articule deux dimensions : la première concerne les
techniques d'allocation de la parole; la seconde décrit l'identification
des lieux de transition possible de la parole (transition-relevance places,
TRP). C'est cette deuxième dimension qui intéresse particulièrement
l'articulation entre grammaire et interaction, car elle permet de poser
la question de la façon dont les locuteurs s'orientent vers l'organisa
tion du tour en unités - les unités de construction du tour (turn
constructional units, TCU). En effet, afin de pouvoir procéder à la prise,
au passage ou au maintien de la parole, les interlocuteurs (les énon-
ciateurs comme les énonciataires) scrutent le déroulement du tour afin
d'identifier/ de produire de façon reconnaissable des points de com-
plétude possible. Ils effectuent ainsi une analyse en temps réel d'une
entité qui, de façon reflexive, est produite en étant sensible à ses inter
prétations, et qui prend forme au fil de son émergence temporelle et
séquentielle, en étant réalisée par les activités conjointes de son pro
ducteur et de son récepteur.
Le caractère reconnaissable de la complétude du tour, ainsi que
de la fin comme du début des unités de construction du tour, relève
d'une multiplicité de dimensions