La disparition du paysan anglais - article ; n°4 ; vol.20, pg 649-663
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1965 - Volume 20 - Numéro 4 - Pages 649-663
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

H. John Habakkuk
La disparition du paysan anglais
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 4, 1965. pp. 649-663.
Citer ce document / Cite this document :
Habakkuk H. John. La disparition du paysan anglais. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 4, 1965. pp.
649-663.
doi : 10.3406/ahess.1965.421812
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1965_num_20_4_421812ÉTUDES
La disparition du paysan anglais
Depuis quand et pourquoi le paysan anglais a-t-il disparu ? Partout
en Europe, il y a eu lutte entre le domaine seigneurial propre et la
propriété paysanne. Mais, tandis qu'en France ou dans l'Allemagne de
l'Ouest les paysans finirent par absorber le domaine, en Angleterre, le
domaine s'agrandit et absorba les parcelles paysannes. D'où vient cette
différence ? La question s'impose à tout Anglais chaque fois qu'il vient
sur le continent. Dans les pays de l'Europe continentale le paysan est
encore, ou peu s'en faut, le pilier de l'agriculture. En Angleterre, même
s'il arrive qu'il survive dans les confins celtiques, le paysan, l'homme qui
cultive une terre sur laquelle il a quelque droit de propriété, a pratique
ment disparu. Seuls existent les propriétaires (landlords), les fermiers
(tenantfarmers) , qui prennent les terres à bail mais n'ont aucun droit
de propriété, enfin les ouvriers agricoles indigents.
C'est aussi une question que s'est souvent posée une longue lignée
d'érudits, en Angleterre et sur le continent, de Marx à Hammond et
Tawney, en passant par Hasbach, Gonner et Johnson. Mais ces auteurs
l'ont abordée sous l'angle de la défaite du paysan. Je l'aborderai
pour ma part sous de la victoire du seigneur, grand propriétaire
terrien, et je m'attacherai principalement à la période postérieure à 1500.
Par commodité, je scinderai la question en deux. Pourquoi le domaine
en Angleterre est-il resté intact et séparé de la propriété du paysan ?
Telle est la première question. Et voici la seconde : étant donné que le
domaine est resté distinct, de quelle façon s'est-il agrandi aux dépens
des paysans ?
A l'est de l'Elbe, le domaine resta distinct parce que les seigneurs
l'exploitaient directement_par-lientremise-de-leurs-intendants— En-Angle--
terre aussi, un grand nombre de seigneurs avaient, au xine siècle, cultivé
leurs domaines directement. Mais au xive et xve siècles, durant la longue
période de stabilité ou de déclin des prix, ils prirent l'habitude de louer à
bail leurs domaines. Les propriétaires terriens devinrent donc des ren-
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Annales (20« année, juillet-août 1965, n° 4) 1 ANNALES
tiers. Il est vrai que, lorsque les prix et les revenus agricoles se mirent
à monter, au xvie siècle, l'exploitation directe des terres reprit quelque
peu x. Plusieurs propriétaires terriens des midlands — les Spencer, les
Fitzwilliams, les Ishams, les Brudenells — vivaient, au xvie siècle, des
revenus de l'élevage des moutons dont ils s'occupaient eux-mêmes 2.
Mais le retour à la culture directe du domaine n'intéressa généralement
que les régions d'élevage de moutons, et, même dans ces régions, ce
mouvement fut temporaire ; au moment de la chute brutale des prix,
lors de la crise commerciale de 1620, les propriétaires terriens de ces
régions louèrent à bail leurs domaines. Et, dans l'ensemble de l'Angle
terre, les propriétaires terriens étaient déjà rentiers en 1500. En Anglet
erre, à la différence des régions à l'est de l'Elbe, la cession à bail des
domaines avait déjà pris trop d'ampleur en 1500 pour que la hausse
des prix agricoles au cours du xvie siècle la fasse revenir en arrière.
Nous ne pouvons donc pas dire qu'en Angleterre le domaine soit resté
distinct parce que le seigneur le cultivait lui-même. Alors, quelle est
l'explication de ce phénomène ?
Lorsque, au xve siècle, les seigneurs cédèrent à bail leurs domaines,
ils les louèrent parfois par petites parcelles aux paysans 3. Ce fut là sou
vent la première démarche évidente. Si cette méthode de location s'était
généralisée, le domaine se serait émietté, et la ligne de démarcation entre
le domaine et la tenure des paysans se serait, à la longue, estompée ; le aurait finalement disparu.
Mais il y eut un autre procédé de location. Le domaine pouvait être
loué à d'importants fermiers capitalistes, qui tiraient la majeure partie
de leurs revenus de la culture du domaine, et non de leurs tenures propres *.
Pour les seigneurs (landlords), cette méthode était, à tous points de vue,
préférable. Le fermier capitaliste avait un capital plus important que le
paysan, et il n'était pas tenté — comme l'était le paysan — d'accorder
plus de soins à sa propre ferme, aux dépens de la terre qu'il louait au
seigneur. On voit donc clairement pourquoi le seigneur préférait céder
à bail son domaine à un petit nombre de fermiers capitalistes plutôt
qu'à un grand nombre de paysans. On peut alors se demander : d'où
venaient ces fermiers capitalistes ? Comment les seigneurs trouvaient-ils
des fermiers ayant un capital suffisant pour prendre le bail d'une partie
substantielle du domaine ? Ma réponse sera faite en termes généraux.
Et la première explication que je suggérerai est l'importance relative-
1. A Discourse of the Common Weal, éd. E. Lamond (Cambridge, 1893), p. 81 ;
William Harbison, Description of Britain (éd. F. J. Furnivall, 1877), p. 243.
2. M. E. Finch, The Weath of Five Northamptonshire Fainches (Northamptons
hire Record Society, 1956), pp. 31, 73, 114.
3. R. H. Tawney and E. E. Power, Tudor Economic Documents (London, 1924),
I, 57, 62 ; A. E. Bland, P. A. Brown and R. H. Tawney, English Economic History,
Select Documents (London, 1914), p. 258. R.T.
4. Bland, Brown and Tawney, op. cit., pp. 245-246.
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ment grande du commerce dans l'économie anglaise — à la fois du com
merce intérieur et du commerce extérieur. Grâce à la possibilité du
transport par voie d'eau — bien moins coûteux que le transport par
terre — , à l'absence de droits de péage intérieurs, à la situation privi
légiée de l'Angleterre — qui produisait pour l'exportation aussi bien la
laine que le drap — , grâce, enfin, à l'expansion de Londres, le commerce
joua dans l'économie anglaise un rôle relativement important pour
l'époque. Les facilités du commerce accentuèrent, au sein de la commun
auté paysanne, les inégalités qui tendent toujours à s'y produire. Il y
eut un accroissement du nombre des familles paysannes aisées, et il
fallut subvenir aux besoins des fils cadets de ces familles. Et c'est à ce
point qu'intervient ma seconde explication : je veux parler des coutumes
relatives aux héritages. Lorsque la coutume voulait qu'un seul fils recueill
ît l'héritage, il fallait pourvoir les autres fils en dehors de la tenure famil
iale. Quelques-uns s'engagèrent dans le commerce ou les professions
libérales, mais il y en eut aussi qui vinrent grossir le nombre des fermiers
capitalistes. Il n'en va pas de même dans les régions ď « héritage divi
sible » (partible inheritance) , où les fils de paysans reçoivent tous une part
du patrimoine familial.
Pour les deux raisons que nous venons d'exposer, on remarquait
déjà, en Angleterre, au début du xvie siècle, une classe de fermiers capi
talistes. La hausse des revenus agricoles au cours du xvie siècle leur per
mit d'augmenter leur capital et de louer de plus grandes fermes. La
littérature du xvie siècle en Angleterre abonde en doléances sur « l'acc
aparement des tenures », et bien que cela désigne, parfois, l'absorption
des tenures des paysans par le domaine, le plus souvent il faut l'entendre
d'un accroissement de la ferme au sein du domaine lui-même — accrois
sement qui se fit par empiétements successifs. Car les fermiers à gros
capital pouvaient payer les meilleurs loyers au seigneur ; c'étaient eux
qui le mieux résister aux mauvaises saisons sans s'endetter.
Aussi le seigneur préférait-il les fermiers aisés et augmentait-il l'im
portance de leurs fermes en y joignant les petites tenures devenues
vacantes.
Notre première question reçoit donc

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