La formation des prix et des revenus dans l'économie sous-développée - article ; n°3 ; vol.14, pg 321-344

D.J. Delivianis

Description

Revue économique - Année 1963 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 321-344
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1963
• Nombre de lectures: 32
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

D.J. Delivanis
La formation des prix et des revenus dans l'économie sous-
développée
In: Revue économique. Volume 14, n°3, 1963. pp. 321-344.
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Delivanis D.J. La formation des prix et des revenus dans l'économie sous-développée. In: Revue économique. Volume 14, n°3,
1963. pp. 321-344.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1963_num_14_3_407556FORMATION DES PRIX ET DES REVENUS LA
DANS L'ECONOMIE SOUS-DEVELOPPEE
Dans le cadre des efforts en vue d'élargir la théorie économique,
afin qu'elle soit en état d'interpréter les phénomènes économiques, non
seulement en Europe occidentale et aux Etats-Unis, mais aussi dans les
régions sous-développées, j'entends traiter dans cet article la formation
des prix et des revenus dans l'économie sous-développée (1). Ainsi dans
une première partie, je procéderai à l'analyse des facteurs, qui exercent
une influence particulièrement forte sur la formation des prix dans l'éc
onomie sous-développée. Dans la seconde partie, je m'occuperai de la
formation des salaires dans l'économie sous-développée. Enfin, dans la
troisième partie, il sera question de la formation dans cette économie
du taux de l'intérêt, de la rente foncière et du profit. Les conclusions
seront résumées à la fin de l'article et non pas à la fin de chaque partie.
X. LES PRIX
Les théories qui soutiennent que la formation des prix dépend d'un
seul facteur ont été dépassées depuis longtemps. L'opinion dominante
admet que la formation des prix dépend de tous les facteurs auxquels
les anciennes théories attribuaient une importance exclusive. L'influence
de ces facteurs n'est ni égale ni constante. Son importance dépend dans
chaque cas concret des circonstances, du régime économique en vigueur
et du cycle. Il est naturel que dans l'économie sous-développée l'in
tensité des facteurs influençant les prix soit dominée par le fait qu'ils
s'exercent dans l'économie sous-développée avec des caractéristiques bien
1. L'Ecole pratique des Hautes Etudes m'avait fait l'honneur de m'in-
viter. sur la proposition du professeur Jean Marchai, h y faire en janvier
1962 deux exposés suivis d'une discussion. Cet article en contient l'essentiel.
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connues, exposées à mainte reprise. Les prix sont influencés, dans chaque
cas concret et dans un degré variable, par le prix qui a été déterminé
lors de la dernière transaction, par l'interdépendance horizontale et ver
ticale des prix, par l'interdépendance de l'offre, de la demande et des
prix, par le coût de production, par les éléments monopolistiques, parmi
lesquels on doit noter les possibilités de substitution et de complémenta
rité, par le pouvoir d'achat de l'unité monétaire, par les cours des
changes étrangers et par les prévisions. Il a aussi été soutenu (2) que
l'autoconsommation fait du prix, en économie sous-développée, un phé
nomène d'une importance limitée. Il ne me semble pas qu'il en soit
ainsi plus qu'ailleurs, puisque cela présuppose une agriculture diversifiée,
qui est la caractéristique d'une économie développée et non sous-déve
loppée. Mes observations, mes recherches et mon étude m'ont amené à
avancer que, dans l'économie sous-développée? la formation des prix est
surtout influencée par l'interdépendance de l'offre, de la demande et
des prix, par les éléments monopolistiques, par les cours des changes
étrangers et par les prévisions. Je me propose, dans un premier para
graphe, d'examiner l'influence de l'offre et de la demande sur les prix
et, dans un second, celle des éléments monopolistiques, ainsi que celle
des cours des changes étrangers et des prévisions.
1. La demande effectuée par les habitants d'une région sous-déve
loppée dépend d'abord de leur pouvoir d'achat et de leur propension
à consommer. Il va sans dire que le pouvoir d'achat mis à la disposition
des habitants de la région sous-développée dépend des possibilités d'em
ploi qui s'y offrent, du taux de rémunération et de l'importance de la
thésaurisation. On sait que dans une économie sous-développée il y a
toujours beaucoup de chômage, ou du moins du sous-emploi. On sait
aussi que le taux de rémunération n'y est pas élevé et que la propension
à thésauriser y est très forte, en raison de l'incertitude existant dans
l'économie sous-développée sur les possibilités d'emploi lucratif à l'avenir
et de la nécessité de soutenir plus généreusement les membres déshérités
de la famille patriarcale quand on a procédé à des investissements connus
de tout le monde, que on thésaurise secrètement.
2. Par les professeurs M. Byé et G. Leduc. ÉCONOMIE SOUS-DÉVELOPPÉE 323
Le pouvoir d'achat et la propension à consommer sont influencés
dans l'économie sous-développée tout particulièrement :
1° par la récolte et par les prix, que peuvent obtenir les producteurs,
tout en prenant note des modalités de payement à ces derniers.
La récolte est beaucoup plus importante dans une économie sous-
développée qu'ailleurs, parce que la majorité des habitants s'y
adonne à l'agriculture, parce qu'une grande partie du revenu
national en provient et que les exportations consistent sur
tout en produits agricoles;
2° par les prix, auxquels les exportations sont effectuées, puisqu'en
général l'économie sous-développée est dominée par l'étranger,
puisque le volume et les prix des produits agricoles et des matières
premières exportées par l'économie sous-développée dépendent de
l'évolution du cycle à l'étranger;
3° par les travaux de développement;
4° par la mise en exploitation de ressources naturelles qui, pour une
raison ou une autre, ne l'étaient pas auparavant;
5° par le changement du mode de vie des classes nombreuses de la
population qui désirent imiter les coutumes de la classe aisée ou
celles des habitants des régions développées en réduisant la thé
saurisation ou en essayant d'acheter à crédit;
6° par la contraction d'emprunts, soit à l'étranger, soit à la banque
d'émission ;
7° par la crainte soudaine d'une dévaluation monétaire ou d'une
détérioration de la situation politique;
8° par le degré d'imprévoyance au sujet de l'avenir, qui y est plus
élevé qu'en économie développée.
Enfin il faut prendre en considération que dans une économie sous-
développée la demande est très fortement influencée par les fluctuations
des prix. La y est très élastique, puisque les marges dont y
disposent en général les consommateurs sont très réduites. Une petite
hausse des prix suffit pour réduire substantiellement la demande. D'autre
part, cette dernière peut augmenter sur une grande échelle dès que les
prix baissent très peu, ou dès que les revenus des consommateurs évent
uels augmentent quelque peu. Ceci explique pourquoi, dans les pays
en développement, les importations des biens de consommation augment
ent en général très vite. REVUE ÉCONOMIQUE 324
L'augmentation de la demande dans l'économie sous-développée pro
voque une hausse substantielle des prix, à moins qu'il ne soit possible
d'augmenter les importations. En effet, en courte période, il n'est pas
possible, dans l'économie sous-développée, d'augmenter l'offre, parce que
les stocks ne sont pas importants, sauf au début de la phase ascendante
du cycle, parce que l'augmentation de la production agricole exige du
temps, même si il y a des terrains en friche et des laboureurs sous-
employés, et parce que des installations oisives, faciles à remettre en
route rapidement sans qu'il soit nécessaire de procéder à des travaux
coûteux, n'existent généralement pas. De plus, les frais de transport sont
gén