La francophonie : définitions et usages - article ; n°1 ; vol.62, pg 93-102
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Quaderni - Année 2006 - Volume 62 - Numéro 1 - Pages 93-102
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 165
Langue Français

Extrait

François Provenzano
La "francophonie" : définitions et usages
In: Quaderni. N. 62, Hiver 2006-2007. pp. 93-102.
Citer ce document / Cite this document :
Provenzano François. La "francophonie" : définitions et usages. In: Quaderni. N. 62, Hiver 2006-2007. pp. 93-102.
doi : 10.3406/quad.2006.1707
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_2006_num_62_1_1707Politique
Le mot « francophonie » est l'une de ces entités
la abstraites censées actualiser et valider, par leur
présence même dans le lexique d'une langue,
"francophonie" : l'unité et la cohérence d'un ensemble de personn
es. En tant que tel, ce mot commence à acquérir
une épaisseur référentielle dès lors qu'il est pris
définitions en charge par une historiographie. Celle, offi
cielle, de la francophonie dote son objet, comme
il se doit, d'un pionnier vieux de plus d'un siècle :
et usages le géographe Onésime Reclus, « inventeur de la
francophonie » selon Xavier Deniau1.
Cependant, ce n'est pas avant les années 1960
que le terme acquiert une certaine résonance dans François
l'espace public. En novembre 1962, précisément,
Provenzano la revue Esprit consacre un numéro spécial au
« Français, langue vivante »2. Des personnalités
du monde culturel et politique, parmi lesquelles FN.R.S.
le Président-poète sénégalais Leopold Sédar Sen-
Université de Liège
ghor, y livrent un plaidoyer ardent en défense de
la langue de Voltaire et y évaluent les possibilités
d'actions communes pour assurer le maintien et la
croissance du prestige international du français.
Dans les années 1980, le projet francophone
trouve sa traduction politique explicite : en 1986,
à Paris, a lieu la première Conférence des chefs
d'État et de Gouvernement ayant en commun
l'usage du français. La francophonie devient une
organisation institutionnelle vouée à des alliances
diplomatiques tandis que le mot se dote d'une
majuscule qui assoit l'évidence de son réfèrent
et le situe au-delà de toutes les viles nécessités
de la res publico.
En parallèle, et récemment de manière particuli
èrement accrue, la francophonie étend sa surface
d'inscription à d'autres secteurs du monde social :
l'université (développement massif des « études
QUADERNI N°62 - HIVER 2006-2007 LA "FRANCOPHONIE" «93 francophones »), la littérature (dernier Salon du universités américaines sont devenues le bastion
livre consacré aux « littératures francophones ») d'une francophonie conquérante » (Le Monde
ou encore le sport3. L'actuelle médiatisation de des livres, 17 mars 2006), tandis quV en Asie
l'« Année Senghor » atteste également de ces [...] il faut faire vite car le socle francophone
ouvertures francophones auprès d'un public décroît chaque année »5.
élargi.
Cette urgence de « prendre pied » ne s'énonce
Dès lors, il n'est guère étonnant que, dans son que dans les termes euphoriques de l'enrichiss
acception usuelle, le sens le plus littéral du ement mutuel et, surtout, du respect de la diversité.
« S'enrichir de nos différences pour converger terme (désignant la communauté des locuteurs
du français et les relations privilégiées censées vers l 'universel », slogandisent les affiches de
les rassembler) soit inséparable d'un sens en con- l'année Senghor, tandis que, dans ses « principes
notant l'aspect volontariste et programmatique : fondamentaux », la Francophonie majuscule
« Mouvement en faveur de la langue française », annonce « contribuer] au dialogue des cultures,
renseigne le Petit Robert comme deuxième signi facteur de relations pacifiques entre les commun
fication du mot. Autrement dit, le sens commun autés et les composantes de la société »6. Cet
valide le double registre - objectif et prospectif idéal d'universalité, paradoxalement à la fois
- selon lequel se formule la francophonie, mais le point de convergence des efforts et le grand
sans spécialement éviter le syncrétisme entre ces dénominateur commun de réalités foncièrement
deux définitions. divergentes, cet irénisme selon lequel les manif
estations culturelles sont appréhendées indépe
Ainsi, la francophonie s'énonce à la fois comme ndamment des configurations socio-économiques
une donnée sociologiquement repérable, mais qui les sous-tendent, coïncide avec une mystique
qui porte en elle la nécessité de son auto-promot de la langue française. Sur une norme chimérique
ion et de sa propagation à large échelle : «r [...] et idéalisée sont indexées des valeurs de clarté et
la Francophonie, pour continuer d'être une d'élégance, bref tout un « charisme7 », qui jus
réalité, s 'attache à défendre des valeurs et une tifierait les attitudes de vénération et de défense
culture nées sur le sol de la langue française, accompagnant les discours sur la francophonie :
mais qui méritent vraiment d'être mondialisées : « La Francophonie veille au renforcement du
les droits de l 'Homme, la liberté, l 'égalité et la français comme outil de communication et vec
fraternité >/.Dès lors, pour imposer à la fois teur culturel et, par extension, comme langue de
la naturalité de ses contenus et l'évidence de communication internationale, d'enseignement et
leur rayonnement, la francophonie se conçoit de support à un dynamisme intellectuel, scienti
aisément selon la métaphore spatiale, qui figure fique et culturel novateur »".
l'origine proprement française, hexagonale du
rayonnement (« des valeurs et une culture nées Dans le discours social, la francophonie serait
sur le sol de la langue française ») et autorise ainsi synonyme d'une mondialisation « gentille »,
toutes sortes de conquêtes extérieures : « Les puisque culturellement motivée, la main gantée
94» LA "FRANCOPHONIE" QUADERNI N°62 - HIVER 2006-2007 velours fin de la langue française et brodée du France sont comme le bourgeonnement heureux, du
fil de son universalité qui écrit « communion » à dans les années 1960, d'un dialogue des cultures
la place de « domination » et « partage » en bif qui permet de tourner le dos confortablement à la
fant « exploitation ». Comme bien culturel exhi période coloniale qui précède. Or lorsqu'on exa
bant au mieux ce prétexte linguistique qui permet mine, dans la chronologie fine, le développement
l'euphémisation des rapports de domination éco des ces littératures, il apparaît clairement que « le
nomique et politique, la littérature constitue un lien entre francophonie et décolonisation est [...]
volet important de l'entreprise francophone. La intenable »10. Retracer la genèse et les mutations
voix de la francophonie articule ainsi également du projet francophone est ainsi sans doute le
un propos sur les « littératures francophones » meilleur moyen de mettre à distance la façade
lyrico-humaniste - où sont alignés pêle-mêle qui corrobore l'humanisme béat dans lequel elle
trouve sa principale justification. Xavier Deniau Senghor, Malraux, Rivarol, Chirac, Kundera, De
Gaulle et Duteil11 - derrière laquelle clignote la nous invite à « écout[er] des poètes comme Saint-
John Perse chantant son enfance aux Iles dans francophonie institutionnelle d'aujourd'hui.
ses premiers recueils poétiques, puis s 'ouvrant à
Comme nous l'avons dit, il est de tradition de la France métropolitaine ; écoutons aussi Aimé
Césaire, chantre de la négritude certes, mais dans faire remonter les origines de la francophonie
quel merveilleux français ! »9 . aux années 1880 et au personnage d'Onésime
Reclus. C'est en effet ce géographe français qui
Cette conjonction, en une même personnalité, aurait, le premier, forgé le mot « francophonie »,
d'un classicisme littéraire (qui peut n'être bien sûr dans ses ouvrages de géopolitique sur la France et
qu'affaire de représentation : Césaire n'approuver ses colonies. Reclus est typiquement la figure du
ait certainement pas le « merveilleux français » pionnier r

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