La logique culturelle de la loi révolutionnaire - article ; n°4 ; vol.57, pg 915-933
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Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 4 - Pages 915-933
L'article examine la façon dont le concept monarchique de «justice extraordinaire» fut transformé en concept républicain de « loi révolutionnaire » après la chute de la monarchie le 10 août 1792. L'auteur démontre que même si les révolutionnaires ont emprunté à l'Ancien Régime cette idée de justice extraordinaire, c'était pour en faire un usage nouveau : au lieu de chercher à préserver un régime, ils utilisèrent une loi existante pour en créer une nouvelle. La loi révolutionnaire a, ce faisant, marqué une rupture radicale avec la conception d'Ancien Régime de la loi d'urgence. En l'absence d'une constitution qui définisse la souveraineté du peuple, les législateurs révolutionnaires entre 1792-1795 ont été confrontés au problème de la répression de l'opposition à un régime dont les paramètres avaient encore à être définis. La loi pénale offrait une piste en permettant aux députés de la Convention de définir les crimes envers la nouvelle souveraineté à travers une rhétorique en trois points : négation, abstraction et particularisation. L'article examine un ample corpus de 80 lois pénales enregistrées devant le tribunal révolutionnaire entre le 10 mars 1793 et le 12 prairial an III, pour conclure que toutes ont échoué à construire une notion stable de l'identité républicaine.
The cultural logic of revolutionary law.
This article is a study of how the monarchical concept of extraordinary justice was transformed into the republican concept of revolutionary law after the fall of the monarchy on August 10, 1792. It argues that although the revolutionaries borrowed the category of extraordinary justice from the Old Regime they put the concept to a novel use: instead of seeking to preserve an existing regime, they sought to use penal law create a new one. Revolutionary law thus marked a radical rupture from Old Regime understanding of emergency penal law. In the absence of a constitution that could give a fixed institutional definition to the sovereignty of the people, between 1792 and 1795 revolutionary legislators were faced with the problem of repressing opposition to a regime whose parameters have yet to be defined. Penal law offered a path forward by permitting the deputies of the Convention to define crimes against the new sovereign while deferring the problem of giving positive definition the sovereign itself. Revolutionary legislators achieved this through the use of three key rhetorical strategies: negation, abstraction, and particularization. The article examines the large corpus emergency penal laws registered by the revolutionary tribunal between March 10, 1793 and 12 Prairial of the Year III (approximately 80 laws) to show how these rhetorical strategies ultimately failed to produce a stable notion of republican identity.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Carla Hesse
La logique culturelle de la loi révolutionnaire
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 4, 2002. pp. 915-933.
Citer ce document / Cite this document :
Hesse Carla. La logique culturelle de la loi révolutionnaire. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 4, 2002. pp.
915-933.
doi : 10.3406/ahess.2002.280086
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_4_280086Résumé
L'article examine la façon dont le concept monarchique de «justice extraordinaire» fut transformé en
concept républicain de « loi révolutionnaire » après la chute de la monarchie le 10 août 1792. L'auteur
démontre que même si les révolutionnaires ont emprunté à l'Ancien Régime cette idée de justice
extraordinaire, c'était pour en faire un usage nouveau : au lieu de chercher à préserver un régime, ils
utilisèrent une loi existante pour en créer une nouvelle. La loi révolutionnaire a, ce faisant, marqué une
rupture radicale avec la conception d'Ancien Régime de la loi d'urgence. En l'absence d'une constitution
qui définisse la souveraineté du peuple, les législateurs révolutionnaires entre 1792-1795 ont été
confrontés au problème de la répression de l'opposition à un régime dont les paramètres avaient encore
à être définis. La loi pénale offrait une piste en permettant aux députés de la Convention de définir les
crimes envers la nouvelle souveraineté à travers une rhétorique en trois points : négation, abstraction et
particularisation. L'article examine un ample corpus de 80 lois pénales enregistrées devant le tribunal
révolutionnaire entre le 10 mars 1793 et le 12 prairial an III, pour conclure que toutes ont échoué à
construire une notion stable de l'identité républicaine.
Abstract
The cultural logic of revolutionary law.
This article is a study of how the monarchical concept of "extraordinary justice" was transformed into the
republican concept of "revolutionary law " after the fall of the monarchy on August 10, 1792. It argues
that although the revolutionaries borrowed the category of extraordinary justice from the Old Regime
they put the concept to a novel use: instead of seeking to preserve an existing regime, they sought to
use penal law create a new one. Revolutionary law thus marked a radical rupture from Old Regime
understanding of emergency penal law. In the absence of a constitution that could give a fixed
institutional definition to the sovereignty of the people, between 1792 and 1795 revolutionary legislators
were faced with the problem of repressing opposition to a regime whose parameters have yet to be
defined. Penal law offered a path forward by permitting the deputies of the Convention to define crimes
against the new sovereign while deferring the problem of giving positive definition the sovereign itself.
Revolutionary legislators achieved this through the use of three key rhetorical strategies: negation,
abstraction, and particularization. The article examines the large corpus emergency penal laws
registered by the revolutionary tribunal between March 10, 1793 and 12 Prairial of the Year III
(approximately 80 laws) to show how these rhetorical strategies ultimately failed to produce a stable
notion of republican identity.La logique culturelle
de la loi révolutionnaire
Caria H esse
II n'est pas de document qui témoigne de manière plus frappante de la crise
politique à laquelle les révolutionnaires français durent faire face après la mort du
roi que le Gode pénal de 1791 dont un exemplaire fut officiellement enregistré
par le greffier du Tribunal révolutionnaire de Paris en mars 1793. Imprimé après
sa promulgation le 6 octobre 1791, le code était orné d'une page de titre figurant
une série de cinq camées représentant la fleur de lys et le profil de Louis XVI. En
dessous, l'invocation initiale portait :
Louis, par la grâce de Dieu & par la Loi constitutionnelle de l'État, Roi des
Français.
A tous présans & à venir ; Salut.
L'Assemblée Nationale a décrété, «5c Nous voulons & ordonnons ce qui suit :
En l'enregistrant, le préposé au greffe anonyme de 1793 prit sa plume et,
d'une série de traits rayonnants, il noircit soigneusement les images royales dans
les camées; il biffa également les premières lignes (cf. fig. 1). L'utilisation de
lignes rayonnantes dans cette action iconoclaste n'est peut-être pas indifférente,
dans la mesure où le roi n'était plus désormais au cœur de la souveraineté, la
notion d'un souverain central pouvant être définie symboliquement comme le
point d'intersection des rayons. En effet, il s'agissait de l'image même d'une
souveraineté démocratique, telle que l'abbé Sieyès l'avait proposée dans son
pamphlet, «Qu'est-ce que le Tiers État?», en 1789: une sphère dotée d'une
Annales HSS, juillet-août 2002, n°4, pp. 915-933. .
CARLA HESSE
Figure 1 - Code pénal. Paris, Imprimerie nationale, 1791
LOI.
"CODE Donnée à Paris, le PÉNAL. 6 Octobre 170 1.
L'Assemblée Nationale a décrété, & Nous
vouions • r & * ordonnons ». 1 i:,.... ce qui'fiiit • : • !
Décret ds l'Aj,szmb lée Nation àlm,
du ajf Septembre xjrjfr.
Illustration non autorisée à la diffusion
CODE PENAL.
V R E.M I|RE PARTI E.
Des Condamnations.
%ti тЖз1 PREMIER.
De/ petites m généra/.
A В TI С Ь E F A 'E M I E R.
ШшфШШ ptini» тЛ ftrtrni prononcé f s contre les^accvfés trouvé
, с* par íe jmi, font Is peine de mort, ks fers ; la rctiuiion
Paris, Archives nationales de France
916 LA LOI RÉVOLUTIONNAIRE
infinité de lignes rayonnantes émanant du centre, chaque point représentant un
citoyen, lui-même equidistant du centre souverain de la loi1.
Ce recentrage sur la souveraineté accompli par le greffier laissait cependant
en suspens la question de l'identité du «souverain». En effet, son texte corrigé
laissait sans réfèrent grammatical l'expression : « Nous voulons et ordonnons. »
Entre la chute de la monarchie le 10 août 1792 et la promulgation de la constitution
de l'an III en 1795, la loi pénale révolutionnaire fonctionna sans référence fixe au
souverain, sous le signe de la négation. Plus important encore est le fait qu'aucun
nouveau code pénal ne fut promulgué jusqu'après la déclaration de l'Empire
napoléonien en 1804. Ce corpus «décapité» de lois pénales fut représenté, de
manière allégorique et sans doute inconsciente, dans le frontispice d'un livre pro
révolutionnaire sur les effets du bon travail accompli par la guillotine pendant
l'an II (fig. 2)z. Au-dessus de l'allégorie de la Justice, est représentée une étrange
scène d'exécution où se trouvent sept cadavres décapités, mais six têtes seulement
à terre derrière les corps. La gravure joue sur une ambiguïté nodale des lois de la
Terreur : sommes-nous confrontés à une tête manquante ou plutôt à un corps de
trop ? Est-ce la représentation d'un manque, celui d'une tête souveraine, ou d'un
excès de fragmentation du corpus ?
Comment la loi révolutionnaire a-t-elle redéfini la traîtrise et la conspiration
après la chute de la monarchie ? Dans quels termes l'atteinte à l'entité politique
pouvait-elle être décrite, après que le corps du roi eut cessé de servir comme
synecdoque de l'organisation interne de celle-ci ? « Qu'enfin le règne des lois puisse
s'établir sur un sol purgé de toutes les émanations cadavéreuses de la tyrannie »,
lança le député Pierre Phillipeaux3, le jour où la Convention nationale institua un
Tribunal révolutionnaire à Paris, spécifiquement chargé de juger tous les actes
de trahison ou de conspiration contre la République nouvellement établie. Mais
comment la loi pouvait-elle régner quand aucune constitution n'était encore en
place, et s'établir comme souveraine dans une entité politique encore démunie de
toute définition précise de ses délimitations légales ou territoriales, et ravagée par
la violence intérieure comme extérieure ? C'était précisément à cette question
que la loi révolutionnaire devait répondre.
1 - Voir Antoine DE Baecque, « T

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