La maison bari et son territoire - article ; n°1 ; vol.61, pg 31-44
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Description

Journal de la Société des Américanistes - Année 1972 - Volume 61 - Numéro 1 - Pages 31-44
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Solange Pinton
La maison bari et son territoire
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 61, 1972. pp. 31-44.
Citer ce document / Cite this document :
Pinton Solange. La maison bari et son territoire. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 61, 1972. pp. 31-44.
doi : 10.3406/jsa.1972.2113
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1972_num_61_1_2113MAISON BARI ET SON TERRITOIRE LA
par Solange PINTON
Le territoire des Bari s'étend de part et d'autre de la frontière entre le Vene
zuela et la Colombie, le long des contreforts de la sierra Perija. En 1964, au
moment des premiers contacts avec les blancs, vingt-cinq à trente maisons
collectives se dispersaient sur une superficie d'environ 1 500 km2. Étant donné
le mode de vie pluri-résidentiel' des groupes Bari, l'ensemble de ces maisons
n'était pas occupé en permanence tout au long de l'année. Une maison en
moyenne abritait de quarante à quatre-vingts personnes, même si la maison
se prêtait parfois à des regroupements beaucoup plus importants (une
que nous avons recensée réunissait environ cent cinquante individus). Si bien
que l'on peut évaluer à 1 500 Bari le total de la population en 1964.
Ce chiffre est tombé à moins de la moitié en quelques années. Aux maisons
traditionnelles ont succédé des centres missionnaires : la mission catholique
du haut Catatumbo, le centre d'obédience protestante sous tutelle d'une com
pagnie pétrolière américaine (La Colpet) sur le Rio de Ого, les quatre points
de regroupement capucins en territoire vénézuélien. Deux maisons collectives
subsistent, tout en restant sous le contrôle capucin. Un groupe est hébergé
dans les locaux de la compagnie pétrolière Shell, un autre travaille pour
un jeune colon. En 1968, trois groupes seulement se maintenaient à l'écart
de toute influence missionnaire, malgré des travaux d'approche réitérés. Leur
accès difficile, au cœur de la sierra Peiija en zone déjà montagneuse, les avait
jusqu'alors heureusement préservés.
La maison traditionnelle était généralement construite sur une eminence,
à l'écart des grands fleuves, mais à proximité d'un cours d'eau dont elle emprunt
ait le nom. Son orientation, le plus souvent d'Est en Ouest, souffrait des except
ions, soit que le terrain contraigne à une autre disposition, soit qu'il n'y eût
pas d'obligation stricte à l'observation de cette règle. Nous ne reviendrons
pas sur le déroulement de la construction proprement dite ou sur certain prin
cipe de l'organisation déjà évoqué ailleurs 1 — mais nous préciserons plutôt
1. S. Pinton, Les Bari (Motilones), Journal de la Société des Américanistes, LIV-2, 247-
333, Paris, 1965.
R. Jaulin, La maison bari, Journal de la Société des Américanistes, LV-1 et 2, Paris, 1966. SOCIÉTÉ DES AMÉBTCANISTES 32
certains aspects de l'organisation qui ne nous étaient pas clairement apparus
lors de notie premier séjour.
Le mode d'appropriation du territoire pratiqué par les Bari relève d'abord
des contraintes imposées par le milieu, et d'une très longue et fine adaptation
à un environnement donné. Il est certain que le renouvellement fréquent des
terres de culture de manioc (environ tous les quatre ou cinq ans) et par suite
le renouvellement des maisons, est lié à une chute de la rentabilité du sol après
quelques années d'exploitation et à la prolifération d'insectes dans les champs.
Les familles sont ainsi amenées à pratiquer une sorte de jachère à l'intérieur
du secteur qu'elles exploitent, car le système revient à défricher des sols repris
par la forêt après avoir été plantés quelques décennies ou années auparavant.
De la même manière, l'adoption par des groupes de familles d'un double,
parfois d'un triple habitat, c'est-à-dire de l'utilisation successive (six mois
dans l'une, six mois dans l'autre) mais conjointe de deux maisons collectives
et des champs de culture qui les avoisinent, répond également à une meilleure
exploitation du milieu. Cette attitude, différente de la précédente, rejoint le
type d'insertion pratiqué par le nomade. En fragmentant le temps de séjour
dans un lieu donné, on donne aux diverses espèces animales et végétales le temps
de se renouveler et on protège ainsi le milieu d'un appauvrissement rapide,
tout en se ménageant des possibilités de séjours plus nombreuses.
Cette double attitude, abandon des terres et leur mise en jachère d'une part,
et séjour abrégé dans un lieu donné d'autre part, s'apparente à la fois à la sagesse
du paysan, soucieux de conserver la fertilité du sol, et de celle du nomade attent
if à maintenir l'équilibre d'une faune et d'une flore sauvages dont il tire sa
subsistance.
Cependant le maintien de la fertilité du milieu environnant et la solution
donnée au problème de survie ne suffisent pas à rendre compte du mode de vie
adopté par les Bari, notamment du choix d'un habitat sous forme de grandes
maisons collectives et de la fréquence de renouvellement de ces grandes maisons.
Comme nous le verrons, le caractère collectif de l'habitat se réfère à la dimension
sociologique et cosmique de l'univers bari et la solution collective est indépen
dante du contexte où elle se développe, même si, fonctionnellement et techni
quement, la maison est une parfaite réponse au milieu. De la même manière,
la fréquence de renouvellement de ces constructions, même si à première vue
elle semble liée au des cultures, recouvre une signification beau
coup plus large. En effet, lorsque Akaïragdo et le groupe de familles qui l'entou
raient décidèrent de construire Ashkundikaïra, cette nouvelle maison n'était
guère distante de l'ancienne de plus d'une heure de marche et la « Maison Cour
bée » sur le haut-Rio de Oro, que nous avons vu s'édifier, allait succéder à une
maison qu'on abandonnait, parce qu'en soit-disant mauvais état, et dont elle
n'était séparée que par un étroit vallon, une demi-heure de marche à peine.
Dans ces deux exemples, le gain en temp? de déplacement semble dispropor
tionné par rapport à l'investissement en travail et en matériaux nécessaire à
l'aménagement d'une maison. Mais c'est que toute nouvelle maison n'est pas
simple rapprochement aux terres de culture ou renouvellement du cadre de vie :
elle est l'occasion d'une refonte des membres qui la composent, soit par adjonc
tion de nouvelles familles, ou au contraire par scission de certaines autres ; LA MAISON BARI ET SON TERRITOIRE 33
et en outre, même lorsque d'une maison à l'autre on retrouve les mêmes familles,
elles n'y occupent pas exactement les mêmes places. Il y a chaque fois réorga
nisation de l'espace intérieur. C'est ainsi que, sur les douze fanûlles qui vivaient
à Orobia en 1964, cinq ne vivent plus dans la nouvelle maison bâtie en 1965
sur le Rio de Oro, et sur les sept familles restantes, un seul chef de famille occupe
exactement la même place qu'antérieurement.
Pour la même raison, le choix du double habitat n'est pas seulement une
meilleure réponse ou adaptation au milieu environnant, c'est aussi une possi
bilité qu'on se donne d'associations nouvelles avec des familles venues d'ailleurs.
Car la possession du double habitat n'est pas une contrainte absolue du milieu,
puisque certains groupements de familles résidaient tout au long de l'année
dans la même maison, et assuraient tout aussi bien leur subsistance. C'est ainsi
que Sagdo, « le vieux », de son vrai nom Adjikadaora, et les familles qui l'entou
raient, rencontrés en 1964 près du Rio Intermedio, au cœur du pays bari, ne
détenaient qu'une seule maison ; Sagdo avait vécu quelques années aupara
vant loin de là, à la limite Nord du pays Bari, dans une région que la pression
colonisatrice et missionnaire l'avait obligé à fuir. Sagdo avait déjà été expulsé
trente ans auparavant des terres basses du Rio de Oro, à l'extrémité Sud du
pays, cette fois par les pétroliers venus s'y installer. Les groupes de familles
possesseurs d'une seule maison (c'était également le cas du groupe Bagdubui)
venus

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