La monétisation américaine du capital français - article ; n°6 ; vol.18, pg 1038-1057
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Description

Revue économique - Année 1967 - Volume 18 - Numéro 6 - Pages 1038-1057
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Serge-Christophe
Kolm
La monétisation américaine du capital français
In: Revue économique. Volume 18, n°6, 1967. pp. 1038-1057.
Citer ce document / Cite this document :
Kolm Serge-Christophe. La monétisation américaine du capital français. In: Revue économique. Volume 18, n°6, 1967. pp.
1038-1057.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1967_num_18_6_407798LA MONETISATION AMERICAINE
DU CAPITAL FRANÇAIS
Quelle est la raison profonde des investissements américains
en Europe ?
Pour craindre les investissements américains en Europe et s'indigner des
achats d'entreprises françaises par des firmes d'outre-Atlantique, les Français
retrouvent une « union sacrée », des communistes aux patrons craignant la
concurrence. Mais il est choquant de voir à quel point le public cultivé et
les responsables politiques ignorent la raison d'être profonde de ce phéno
mène qui n'est pourtant que la manifestation sur le plan international du
mécanisme de base de la production financière. Parmi les explications de
cette « invasion » habituellement avancées, certaines sont secondaires, sans
être nécessairement négligeables, comme la taille et le dynamisme des en
treprises industrielles et financières américaines et l'attrait d'un marché eu
ropéen intégré ; d'autres, comme l'excès des taux d'intérêt européens sur
ceux des Etats-Unis ou le sous-développement des marchés des capitaux du
vieux continent, sont superficielles : ce sont, en grande partie, des effets
du phénomène fondamental. Il n'est donc pas surprenant que ces explica
tions engendrent des illusions sur l'efficacité des mesures de politique éc
onomique qu'elles inspirent.
Les Français qui se rendent compte qu'il est contradictoire de déplorer
les investissements américains tout en se targuant de son stock d'or et des
longs surplus de sa balance des paiements, puisque l'on peut imputer ces
deux derniers faits aux premiers, font un premier pas dans la bonne direc
tion ; mais ce n'est qu'une vue partielle du phénomène et il faut, en outre,
expliquer celui-ci. Les économistes américains les plus pénétrants * font le
second pas en considérant qu'il s'agit simplement d'un échange de capital
à long terme contre du capital à court terme (la monnaie) entre les Etats-
1. Il s'agit notamment, dans ce domaine, de MM. James Tobin, Charles Kindleberger,
Walter Salant, Abba Lerner, et tout particulièrement du prof. Emile Després, eminence grise
de l'économie politique américaine. MONETISATION DU CAPITAL FRANÇAIS 1039
Unis et le reste du monde : les Américains acquièrent des créances à long
terme ou des droits de propriété sur les autres pays et ceux-ci obtiennent
des créances à court terme et liquides sur les Etats-Unis sous forme de dé
pôts à vue et de placements à court terme à New- York, de bons du Trésor
américains à moins d'un an, ou d'or qui équivaut à des dollars puisque le
Trésor américain voudra et pourra toujours en acheter chaque once contre
trente cinq dollars. Ces économistes remarquent alors que la place des Etats-
Unis dans les échanges financiers internationaux est analogue à celle d'une
banque parce que ce pays « prête long et emprunte court ».
D'une banque entre nations, les Etats-Unis remplissent en effet bien des
fonctions, et celle-ci est plus fondamentale que le simple rôle de paiement
dû à l'emploi de dollars dans les transactions internationales. Mais, malheur
eusement, ces économistes ne poussent pas plus loin encore l'analogie f
inancière qu'ils relèvent, en expliquant ces échanges de capitaux par l'inter-
médiation financière de New York et la transformation internationale du
crédit. Au lieu de cela, ils cherchent cette explication dans les différences
des préférences pour la liquidité des agents des diverses nations : les peu
ples qui aiment relativement plus la liquidité vendent aux autres leur capital
contre des créances liquides. Pour cette raison, disent- ils et contestons-nous,
les Européens vendent leur capital aux Américains et accumulent des dol
lars ou de l'or ; les deux parties voient donc leurs désirs satisfaits au mieux
par cet échange loyal ; et pour que ces stocks de liquidités croissent au
rythme de l'économie mondiale, les Etats-Unis doivent avoir une balance
des paiements en déficit perpétuel et croissant.
Les responsables de l'affaire de Machines Bull, soutiennent par exemple
ces économistes, ce sont les paysans français : en thésaurisant de la monnaie
dans leurs matelas et bas de laine, ils provoquent de hauts taux d'intérêt
en France et forcent donc Machines Bull à chercher finance outre- Atlantique
en vendant des actions à General Electric, et ils se trouvent d'ailleurs aussi
responsables par là même d'une partie du déficit de la balance des paie
ments américaine.
Certes, les différents peuples ont des goûts et des besoins différents
quant à la liquidité financière : cela dépend de l'ensemble des conditions
techniques et institutionnelles de l'économie, de la psychologie des agents,
et en particulier de leur prudence. Les Français, notamment, se distinguent
de tous les autres peuples par une préférence pour là liquidité exceptionel-
lement élevée, sans doute pour ces derniers motifs : la vitesse de circulation
de la monnaie est deux fois plus faible en France qu'en Allemagne, ce qui
signifie que les Français ont besoin de deux fois plus de monnaie que les
Allemands pour un même volume de transactions. Mais les investissements
extérieurs américains ne sont pas limités à la France. Et la demande de REVUE ECONOMIQUE 1040
monnaie dans d'autres pays ne diffère pas tellement de ce qu'elle est aux
Etats-Unis. Par conséquent cette explication est insuffisante et passe à côté
de la raison essentielle.
II
La centralisation de la monétisation du capital
Le phénomène fondamental est tout simplement une incarnation du
principe général de la production financière et, plus spécifiquement, de la
transformation bancaire ou monétisation du capital. La production financière
consiste à combiner plusieurs créances ou dettes de façon à obtenir un actif
ou un passif ayant des propriétés structurelles différentes de celles des él
éments originels. Les mécanismes principaux de cette transformation sont la
diminution des risques par leur mise en commun, ou assurance, et la modif
ication des échéances par découpage des termes ou, au contraire, par leur
allongement grâce à la juxtaposition successive de titres.
Un cas particulier de transformation financière est la consolidation des
créances ou liquéfaction des dettes : le passif du transformateur est, en
moyenne, plus liquide que son actif parce qu'il est à plus court terme, à
valeur plus sûre, avec moins de risques de défaut et plus facilement ven
dable 2. Cette transformation modifie les termes par juxtaposition 3 et elle
diminue par collectivisation deux sortes de risques : la défaillance des débi
teurs, et l'interruption des prêts ou l'absence de nouveaux prêts pour leur
succéder.
La transformation bancaire est le cas particulier de celle-ci où la dette
de l'intermédiaire est de la monnaie. Elle est obtenue grâce au fait qu'une
banque gérant plusieurs dépôts dont les variations dans le temps ne sont
pas parfaitement synchrones et dont les risques de retraits ne sont pas par
faitement corrélés peut investir ou prêter à plus long terme et avec moins
de risques de devoir liquider ses placements à l'improviste que ne le pourrait
l'ensemble des déposants s'ils agissaient individuellement. En sens inverse,
l'actif de la banque peut être transformé en dettes à vue par juxtaposition
de leurs périodes et mise en commun de leurs risques d'exigibilité. Enfin,
en combinant les risques de défaut de ses débiteurs, la banque transforme
leur dette en dette sur elle à risque de défaut plus faible et, pour l'ensemble
d'un système, bancaire, négligeable. Son passif étant donc à vue et sûr, la
banque peut le proposer au public comme moyen de paiement.
2. On trouvera une définition précise de la liquidité dans Kolm, Les choix financiers et
monétaires (Théor

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