La pensée des « Lumières » - article ; n°4 ; vol.22, pg 752-779
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 4 - Pages 752-779
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Lucien Goldmann
La pensée des « Lumières »
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 4, 1967. pp. 752-779.
Citer ce document / Cite this document :
Goldmann Lucien. La pensée des « Lumières ». In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 4, 1967. pp.
752-779.
doi : 10.3406/ahess.1967.421569
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_4_421569•
ÉTUDES
La Pensée des « Lumières »
Le texte dont nous 'publions ici la traduction française est né comme
écrit de circonstance. Il constitue à peu près le tiers d'une contribution sur
les Lumières et le Christianisme qui nous avait été demandée pour un
ouvrage collectif en langue allemande consacré à l'Histoire de la Pensée
Chrétienne.
L'éditeur ayant par la suite abandonné son projet, notre contribution
sera publiée comme brochure autonome.
Pour l'information du lecteur, nous en indiquons sommairement le
plan :
— la première partie est consacrée à deux caractéristiques épistémo-
logiques de la pensée des Lumières :
a) la valeur primordiale accordée à un savoir conçu comme autonome,
indépendant de tout lien immédiat avec la praxis qui est surtout considérée
comme son application technique ou sociale,
b) le fait que ce savoir est conçu comme constitué d'éléments suffisam
ment autonomes pour pouvoir être transmis dans l'ordre extérieur et
alphabétique du dictionnaire ;
— la deuxième partie étudie les positions opposées de la pensée dia
lectique :
a) unité organique et immédiate du théorique et du pratique,
b) conception de la pensée humaine comme totalité structurée,
et expose la critique dialectique de la pensée des Lumières telle qu'elle
est exprimée dans le Faust de Gœthe et dans la Phénoménologie de Hegel ;
— la troisième partie est constituée par le texte ci-joint ;
— la quatrième étudie l'attitude de la pensée des Lumières envers la
religion chrétienne ;
— la dernière, enfin, s'interroge en guise de conclusion sur la valeur
actuelle du rationalisme. — L. G.
Après avoir donné une description structurelle d'ensemble, une
étude de la Philosophie des Lumières devrait mettre en évidence les
articulations internes des différentes tendances qui la constituent ; une
752 PENSÉE DES « LUMIÈRES » LA
telle tentative a déjà été faite, mais de manière purement empirique :
et il ne nous est pas possible de la reprendre aujourd'hui à un niveau
suffisamment scientifique. Néanmoins, nous croyons pouvoir suggérer
quelques hypothèses sur la nature de la pensée des Lumières.
On entend généralement par Philosophie des Lumières les divers
courants de pensée rationalistes et empiristes qui se sont développés
au xvine siècle dans les pays d'Europe occidentale surtout en France
et en Angleterre. Il faut cependant bien voir que ces courants, si on les
considère du point de vue historique et même sociologique, ont leurs
racines dans les siècles précédents et que leur évolution se poursuit
jusqu'à l'époque actuelle.
Par ailleurs, il existe, comme l'ont déjà indiqué Hegel, et, de manière
plus détaillée, Groethuysen, une parenté étroite entre les philosophes
anti-chrétiens et les penseurs qui, au xvine siècle, en France par
exemple, défendaient le christianisme contre les attaques des Lumières.
Vue dans une perspective sociologique, la philosophie des Lumières
apparaît comme une importante étape historique dans l'évolution glo
bale de la pensée bourgeoise européenne, laquelle est elle-même un cha
pitre de l'histoire de la pensée humaine en général.
Pour comprendre les idées essentielles des Lumières, il faut donc
partir de l'analyse de l'activité la plus importante de la bourgeoisie,
qui seule permet de comprendre son évolution sociale et intellectuelle,
à savoir Vactivitê économique, et en particulier, l'élément essentiel de
celle-ci : l'échange.
Sociologiquement, l'histoire de la bourgeoisie est d'abord une his
toire de l'économie ; il faut cependant souligner que l'économie, au
sens étroit où ce terme est employé ici, n'existe pas dans toute société
humaine, en tous temps et en tous lieux, mais seulement là où il n'y a
pas de groupe humain à l'intérieur duquel la production et la distribu
tion de biens sont globalement organisés, d'une manière quelconque,
par la raison, la contrainte, la tradition, la religion, etc.. On ne peut
donc parler d'économie dans une famille paysanne qui produit pour la
satisfaction de ses propres besoins, ni dans un domaine féodal où l'on
consomme des biens produits sur le domaine même ou obtenus par des
redevances en nature, ni d'ailleurs dans une société à économie plani
fiée comme par exemple la société soviétique contemporaine. Dans tous
ces cas, la production et la distribution sont en effet organisées, de
façon juste ou inique, selon des méthodes humaines ou barbares, mais
toujours par rapport à la valeur ďusage des biens produits, par rapport
à leur qualité.
Il n'y a économie que là où l'activité des hommes n'est plus dire
ctement régie par la valeur d'usage des biens qu'ils produisent, par l'uti
lité de ces biens pour les individus ou la société, mais par la possibilité
de les vendre sur le marché et de réaliser leur valeur d'échange.
753 ANNALES
Or, plus une telle organisation de la production et de la distribu
tion fondée sur l'échange se développe à l'intérieur des formes de pro
duction antérieures, jusqu'à les remplacer entièrement, plus elle entraîne
une transformation du mode de vie et des structures mentales des
individus.
Il est d'autant plus difficile d'énumérer les caractéristiques princi
pales de cette transformation que l'ordre génétique de leur apparition
ne correspond pas à leur ordre systématique. Comme notre propos
n'est cependant pas d'écrire un ouvrage historique, nous adopterons
un ordre systématique en mentionnant en premier lieu une caracté
ristique qui n'apparaît que dans les économies d'échange évoluées, mais
qui constitue le fondement de toutes les autres et nous mène d'emblée
au centre de l'histoire intellectuelle de la bourgeoisie européenne.
Du fait du développement de l'économie de marché, l'individu qui
ne constituait jusqu'alors qu'un élément partiel à l'intérieur du proces
sus global de production et de circulation des biens, apparaît tout à
coup à sa propre conscience et à celle de ses contemporains comme un
élément autonome, une sorte de monade, un commencement absolu. Le
processus global ne cesse pas pour autant d'exister, et il implique natu
rellement une régulation de la production et de l'échange ; mais alors
que dans les formes antérieures de la société il se manifestait non seu
lement en fait dans la réalité, mais aussi dans la conscience des hommes
sous forme de prescriptions traditionnelles, religieuses, rationnelles, etc..
qui déterminaient leur comportement, dans la société nouvelle, toute
prescription de ce genre disparaît progressivement des consciences.
La régulation se fait implicitement sur le marché par le jeu aveugle de
l'offre et de la demande, et le processus global n'apparaît plus que
comme le résultat mécanique et non concerté de l'action réciproque et
juxtaposée d'une infinité d'individus autonomes qui ont un compor
tement aussi rationnel que possible par rapport à la sauvegarde de
leurs intérêts, et règlent leur conduite d'après la connaissance qu'ils
ont du marché et nullement en fonction d'autorités ou de valeurs
supra-individuelles .
Aussi, dès le xine siècle, le développement de l'économie de marché
entraînait une transformation progressive de la pensée occidentale.
Or, c'est dans le développement de cette économie que réside, nous
semble-t-il, le fondement sociologique des deux visions du monde qui,
à côté

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