La Pétition préalable au récit: quelques aspects de la fonction inaugurale d un stéréotype - article ; n°1 ; vol.20, pg 261-283
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La Pétition préalable au récit: quelques aspects de la fonction inaugurale d'un stéréotype - article ; n°1 ; vol.20, pg 261-283

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Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1984 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 261-283
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 34
Langue Français
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Extrait

M. Michel Moner
La Pétition préalable au récit: quelques aspects de la fonction
inaugurale d'un stéréotype
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 20, 1984. pp. 261-283.
Citer ce document / Cite this document :
Moner Michel. La Pétition préalable au récit: quelques aspects de la fonction inaugurale d'un stéréotype. In: Mélanges de la
Casa de Velázquez. Tome 20, 1984. pp. 261-283.
doi : 10.3406/casa.1984.2418
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1984_num_20_1_2418PETITION PRE A LA BLE AU RECIT : LA
QUELQUES ASPECTS DE LA FONCTION INAUGURALE
D'UN STEREOTYPE
Par Michel MONER
Membre de la Section Scientifique
Un volumineux appareil critique s'est récemment constitué autour de la
matière prologale, préludes et autres dédicaces qui s'inscrivent dans les pages
liminaires, comme pour frayer un chemin au lecteur vers le texte qu'on lui a
destiné1. Dans le même temps que le prologue accédait à la dignité de genre, on
découvrait ses lois, ses fonctions, ses stéréotypes2. Pour Alberto Porqueras
Mayo, qui fut l'un des premiers, en Espagne, à étudier le prologue en tant que
genre littéraire, le discours prologal est essentiellement un discours figé,
sclérosé par la tradition : '
La primera impresiôn que tenemos es la de estar inmersos en un mundo de tradicionalidad
y de formulismos. Esto hace que todos los prôlogos, "in génère", se parezcan entre si...
Esta tradicionalidad hace que el autor no se preocupe demasiado en "crear" y siga los
consabidos tôpicos. Dentro del gënèfo esta y a el "no crear"3...
Voir : Alberto Porqueras Mayo et Joseph L. Laurenti, "Ensayo bibliogrâfico del prôlogo
en la literatura", in Cuadernos bibliogrâficos, n° 26, 1971 et "Notas para una bibliografia
critica del prôlogo en la literatura espanola" in Annali deïï Istituto Universitario Orientale
di Napoli, Sezione Romanza, XII, n° 1, 1970, p.91-101 et XVII, n° 2, 1975, p.379-395.
Certains chercheurs ont toutefois récusé le caractère générique du discours prologal :
...it is almost nonsensical to try to "demonstrate", as Porqueras Mayo does, that a certain
group of texts constitutes a genre. And to me, it does not seem appi opiate to extend the
term beyond normal usage and relate it to prefaces, wich are only part of texts.
(Voir: Tore Janson, Latin Prose Prefaces. Studies in Literary Conventions, Almqvist &
Wiksell, Stockholm-Gôteborg-Uppsala, 1964, p. 14).
A. Porqueras Mayo, El prôlogo como género literario. Su estudio en el Siglo de Oro
espanol, Madrid, 1957, p. 122. 262 MICHEL MONER
On a coutume de retenir, au premier rang de ces lieux-communs, la
mention d'une pétition préalable qu'Ernst Curtius recense au titre des
topiques qui relèvent de la "modestie affectée" : '
"Souvent s'ajoute à la formule de modestie une déclaration particulière: si l'auteur se
risque à écrire, c'est uniquement parce qu'un protecteur ou un supérieur l'en a prié, en a
exprimé le désir ou donné l'ordre... D'innombrables auteurs du Moyen Age affirment
qu'ils écrivent sur ordre; les historiens de la littérature prennent cela pour argent
comptant, or le plus souvent, il ne s'agit que d'un topos."*.
Cette formulation, il est vrai, n'a pas manqué de susciter des réserves, tant
il est clair que, par cette remarque lapidaire, Curtius semble faire bon marché
des œuvres de commande qui n'étaient certainement pas si rares en ces temps
de mécénat5. En muchos casos -écrit Alberto Porqueras Mayo- el topo no es
tal topo. Alude a un verdadero hecho histôrico6... Il conviendrait donc de
nuancer, sinon de distinguer, préalablement à toute analyse, entre l'artifice
prologal qui consiste à imputer la genèse de l'œuvre à un vague instigateur -
collectif ou anonyme- et ce qui n'est, la plupart du temps, qu'une authentique
action de grâces, à caractère dédicatoire, envers un illustre "commanditaire"
dont le patronyme est ainsi artificieusement mis en exergue7. Il n'est pas
question, toutefois, de faire ici la part du vrai et du factice dans la perspective
tracée par Curtius, mais plutôt de s'interroger, dans un plus large contexte, sur
la fonction inaugurale du rituel de la pétition préalable. Il semblerait, en effet,
que ce stéréotype que l'on a coutume de classer au rang des topoïde l'exorde
empruntés à la rhétorique, n'appartînt en propre ni au genre prologal, ni à la
topique littéraire proprement dite.
Il existe, en dehors des pages préliminaires, une forme de "préambule"
qui n'a guère retenu l'attention des exégètes du prologue. Il s'agit d'une
matière hybride, mi-prologale, mi-narrative, qui vient se greffer sur les incises
4. Ernst Robert Curtius, La littérature européenne et le moyen âge latin, trad, de l'allemand
par J. Bréjoux, Paris, 1956, p. 105- 106. Sur cette notion de "modestie affectée", voir
également A. Porqueras Mayo, ouv. cit., p.31.
5. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard si le nom de l'illustre Mécène figure,
précisément, parmi les exemples retenus par Curtius, en tant qu' "instigateur" des
Georgiques (E. Curtius, ouv. cit., p. 106).
6. A. Porqueras Mayo, ouv. cit., p. 142.
7. Pour Tore Janson, qui étudie le stéréotype dans les préfaces latines en prose, l'artifice
serait également lié à l'affectation de modestie préconisée par les rhétoriciens : après avoir
déclaré son incapacité à traiter tel ou tel sujet, l'auteur justifierait son entreprise par le fait
que cela lui a été demandé et qu'il n'a pu se dérober à ses obligations envers le protecteur ou
l'ami. (Voir : ouv. cit., p.42, ainsi que le paragraphe intitulé The author's dilemma, p. 1 20-
121). LA PETITION PREALABLE AU RECIT 263
du récit où elle se développe, parfois, jusqu'à la profusion. Il n'est pas rare, en
effet, que la fable secrète ses propres situations de récit et, par voie de
conséquence, ses propres préludes. C'est le cas, notamment, lorsque le
narrateur abandonne ses prérogatives au profit de quelque truchement. On
voit alors affleurer, au point de décrochage, un discours de suture dont on n'a
pas toujours perçu très clairement les fonctions prologales. Tel est, par
exemple, le célèbre discours sur les Armes et les Lettres qui prélude au récit du
Captif dans le Don Quichotte de 1605 et que le narrateur lui-même désigne
explicitement comme prologue à la narration : Todo este largo preâmbulo
dijo don Quijote en tanto que los demâs cenaban%. De fait, il s'agit là d'un texte
éminemment privilégié et dont on peut dire qu'il a été véritablement passé au
crible par la critique cervantine. Mais il est d'autres préambules, en revanche,
qui sont quasiment passés inaperçus et n'ont guère suscité de commentaires.
En voici un fragment, prélevé à la charnière, dans ces mêmes préludes au récit
du Captif: '
Acabaron de cenar, levant aron los man teles, y en tanto que la Ventera, su hija y
Maritornes aderezaban el camaranchôn de don Quijote de la Mancha, donde habian
determinado que aquella noche las mujeres solas en élse recogiesen, don Fernando rogô al
Cautivo les contase el discurso de su vida, porque no podria ser sino que fuese peregrino y
gustoso, segûn las muestras que habia comenzado a dar viniendo en compania de Zoraida.
A lo cual respondiô el Cautivo que de muy buena gana haria lo que se le mandaba, y que
solo temia que el cuento no habia de ser tal, que les dièse el gusto que éldeseaba.pero, con
todo eso, por no f altar en obedecelle, le contaria. El Cura y todos los demâs se lo
agradecieron y de nuevo se lo rogaron; y él, viéndose rogar de tantos, dijo que no eran
menés ter ruegos adonde el mandar ténia tant a fuerza.
- Y asi, estén vuestras mer cedes atentos, y oirân un discurso verdadero a quien podria ser
que no llegasen los mentirosos que con curioso y pensado artifuio suelen componerse.
Con esto que dijo hizo que todos se acomodasen y le prestasen un grande silencio; y él,
viendo que va callaban y esperaban lo que decir quisiese, con voz agradable y reposada
comenzô a decir desta manera9.
Comme on peut en juger, il s'agit bien de préludes, destinés -semble-t-il- à
recouvrir le hiatus de l'em

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