La promotion du « secteur non structuré » : le cas de Kigali - article ; n°106 ; vol.27, pg 439-455
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Description

Tiers-Monde - Année 1986 - Volume 27 - Numéro 106 - Pages 439-455
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Lecomte
Carlos Maldonado
Pierre Ransoni
La promotion du « secteur non structuré » : le cas de Kigali
In: Tiers-Monde. 1986, tome 27 n°106. pp. 439-455.
Citer ce document / Cite this document :
Lecomte Bernard, Maldonado Carlos, Ransoni Pierre. La promotion du « secteur non structuré » : le cas de Kigali. In: Tiers-
Monde. 1986, tome 27 n°106. pp. 439-455.
doi : 10.3406/tiers.1986.4472
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1986_num_27_106_4472LA PROMOTION
DU « SECTEUR NON STRUCTURÉ » :
LE CAS DE KIGALI1
par B. Lecomte*, C. Maldonado**, P. Ransoni***
La population active du Rwanda ne comprend que 7 % de salariés [1].
Cependant les villes s'accroissent sous la pression de l'arrivée constante
de ruraux. La majeure partie des urbains sont donc des travailleurs
indépendants qui exercent une multitude de métiers dans des conditions
précaires. Ils forment le secteur informel, appelé aussi secteur non
structuré (sns). Cette contribution décrit le processus vécu à Kigali
par plus de 1 500 travailleurs pour acquérir droit de cité, s'organiser et
progresser. L'étude de cas décrit les acteurs publics et privés, rwandais
et étrangers en présence (I), analyse les négociations qu'ils ont menées (II),
retrace l'évolution des processus de promotion collective (III) et ceme
les caractéristiques de la stratégie inventée pour appuyer cette promotion
à l'occasion de la réalisation d'un projet d'aide mis en place par le Bureau
international du Travail (bit) (IV).
1. Les acteurs et leurs intérêts
Qui sont « les gens du sns », du moins ceux qui sont connus par les
enquêtes ? Ce sont presque uniquement des hommes exerçant certains
métiers dans la majeure partie des quartiers de Kigali. Des centaines de
jeunes (et moins jeunes) ferrailleurs, cordonniers, transporteurs à
brouettes, laveurs de voiture, etc., qui se perçoivent en marge de la
* Ingénieur-conseil, évaluateur du programme sns du bit.
** Responsable du programme sns du bit.
*** Assistant du chef de projet au Rwanda.
1. Les points de vue exprimés ici n'engagent que les auteurs et leur publication ne
signifie pas que le Bureau international du Travail y souscrit.
Revue Tiers Monde, t. XXVII, n° 106, Avril-Juin 1986 44<Э В. LECOMTE, С. MALDONADO, P. RANSONI
société. Travaillant dans la rue, parfois par petits groupes, ils vivent
dans la crainte des contrôles d'identité. Installés en bordure d'un
marché, ils sont soumis aux confiscations arbitraires de leur matériel par
les policiers communaux s'ils n'arrivent pas à s'acquitter de la taxe de
marché. 90 % d'entre eux, selon l'enquête d'Angelo Barampana [5],
19842 sont âgés de 14 à 35 ans (âge moyen : 27 ans). Deux sur trois sont
célibataires. Très peu sont nés à Kigali : 67 % d'entre eux sont arrivés
dans la capitale depuis moins de dix ans. Plus de la moitié d'entre eux
ont été scolarisés au moins jusqu'à la fin des études primaires. Tous ou
presque souffrent de leur position incertaine et humiliante que l'un
d'entre eux caractérise ainsi : « Nous avons le problème de ne pas être
considérés par les autorités qui ignorent notre métier et disent qu'il ne
peut pas nous faire vivre, nous, nos femmes et nos enfants. Ainsi quand
nous cherchons les pièces légales à la commune, on nous demande les
attestations de travail. Voyant que nous n'en avons pas, on nous prend
pour des bandits » [3].
Le sns en 1982, ce sont des gens sans statut social valorisant, sans
sécurité, mais qui travaillent, achètent, vendent et gagnent assez pour
préférer ne pas revenir dans leurs collines d'origine, pour espérer pro
gresser en ville.
Qui peut leur reconnaître un statut ? La commune, échelon de base
de l'administration. Eux la connaissent d'abord par l'action des policiers
communaux, ensuite par le rôle des responsables de secteurs, enfin par
celui du bourgmestre. Ce dernier a le pouvoir d'émettre les permis de
résidence temporaire, pièces légales indispensables pour rester en ville.
Avant l'indépendance déjà, était « interdite la résidence dans les sous-
chefferies (qui ont donné naissance à la commune urbaine) des indigènes
non originaires de la sous-chefferie et dont les moyens de subsistance
ne sont pas assurés par une activité... ou qui ne possèdent pas de droits
fonciers ou d'habitation » [7]. Aujourd'hui encore, la pièce légale ne
peut être obtenue que si l'on justifie d'un emploi. Mais comment le faire
quand on n'a ni employeur, ni local fixe, et parfois rien de ce qui peut
prouver que l'on travaille (outils, matières premières) ?
L'administration communale est prise entre deux devoirs : assurer
l'ordre public et le respect des lois, et donc faire partir ceux des urbains
qui n'ont pas de pièces légales; d'autre part veiller à la satisfaction des
besoins des populations, qui, visiblement, comptent sur les gens du
sns pour se loger, faire la cuisine, s'habiller.
Ce conflit de devoirs (et d'intérêts) est rendu, au début des années 80,
2. L'enquête a porté sur 603 cas. LA PROMOTION DU « SECTEUR NON STRUCTURÉ » 44 1
plus aigu par la pression de deux directives gouvernementales : maîtriser
les risques du banditisme urbain d'une part, développer les activités du
secteur non structuré d'autre part. En effet, pour le Gouvernement,,
il importe que le sns augmente « sa capacité d'absorption, entre autres,
des jeunes chômeurs instruits » [2]. C'est pourquoi il demande, en 1981,
l'appui d'un troisième groupe d'acteurs (après les gens du sns et la
commune urbaine), le bit. Dès 1978, cette organisation internationale
se voyait confier par le gouvernement rwandais, dans le cadre du pro
gramme mondial de l'emploi, une mission de recherche sur l'emploi
en zone urbaine. La question essentielle posée aux chercheurs portait
sur la capacité du sns urbain à soutenir une double croissance : celle
d'une offre de biens et services et celle d'une offre de travail. Les leçons
de l'étude furent les suivantes : le sns est le fait de gens peu formés, peu
productifs et d'un individualisme marqué; leurs investissements sont
peu importants. Néanmoins ces travailleurs indépendants gagnent de
l'argent et arrivent à bénéficier de revenus égaux et même supérieurs à
leurs collègues du secteur industriel. Quant à l'intérêt économique de initiatives, il était estimé satisfaisant grâce à l'utilisation optimale
des matières premières locales, l'économie de devises, la mise sur le
marché de produits utiles et bon marché. Les chercheurs constataient
enfin que la transmission des connaissances, frustes certes, se faisait bien
vers les nouveaux arrivés dans le secteur. Ils concluaient en soulignant
l'intérêt de soutenir le sns.
Cette recherche devait déboucher, fin 1982, sur un projet d'appui au
secteur non structuré, projet exécuté avec l'assistance technique du bit
et l'aide financière de la Confédération helvétique. L'intérêt de ce tro
isième groupe d'acteurs était d'expérimenter des modalités d'appui à ce
secteur tout en évitant de lui supprimer sa caractéristique essentielle :
l'autonomie. Son mode d'action est celui d'un projet au double sens du
terme : schéma d'action préparé d'avance et budgété par tranches bi-
ou tri-annuelles et institution spécifique coopérant avec les artisans
et placée sous la tutelle de l'administration.
Au moment même où se déroule la phase de recherche puis de
négociation du projet (1978- 198 2), une organisation non gouverne
mentale rwandaise, la « joc-Kigali », démarre un travail de formation et
d'organisation parmi les jeunes travailleurs et chômeurs de la capi
tale [4]. Les transporteurs à brouettes ouvrent la voie. S'organisant en
un seul groupement spécialisé dans le quartier commercial, ils adoptent
un uniforme, établissent les règles du jeu de leur métier, cotisent à une
caisse commune. L'impact de la joc-Kigali s'étend dès avant 1980 aux
laveurs de voiture, aux ferrailleurs, aux cordonniers, etc. Quand le 442 В. LECOMTE, С. MALDONADO, P. RANSONI
projet « Bi

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