La réflexion mythologique en Union soviétique, 1985-1991 : la perestroïka comme « travail sur le mythe » - article ; n°4 ; vol.65, pg 691-706
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La réflexion mythologique en Union soviétique, 1985-1991 : la perestroïka comme « travail sur le mythe » - article ; n°4 ; vol.65, pg 691-706

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Description

Revue des études slaves - Année 1993 - Volume 65 - Numéro 4 - Pages 691-706
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur André Tchernychov
Marie Tournié
Muriel Loosfelt
La réflexion mythologique en Union soviétique, 1985-1991 : la
perestroïka comme « travail sur le mythe »
In: Revue des études slaves, Tome 65, fascicule 4, 1993. pp. 691-706.
Citer ce document / Cite this document :
Tchernychov André, Tournié Marie, Loosfelt Muriel. La réflexion mythologique en Union soviétique, 1985-1991 : la perestroïka
comme « travail sur le mythe ». In: Revue des études slaves, Tome 65, fascicule 4, 1993. pp. 691-706.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1993_num_65_4_6137REFLEXION MYTHOLOGIQUE LA
EN UNION SOVIÉTIQUE, 1985-1991 :
LA PERESTROÏKA COMME « TRAVAIL SUR LE MYTHE »
PAR
ANDRÉ TCHERNYCHOV
L'automne 1991 marque une limite nette entre la première période des
réformes soviétiques et la suivante. Du point de vue formel, la frontière entre les
deux périodes est déterminée par la destitution de Gorbačev du poste de prési
dent et par la dissolution de l'U.R.S.S., mais la différence essentielle entre ces
deux périodes est en réalité bien plus profonde. La liquidation partielle de l'an
cien système politique a posé, devant la nouvelle Russie, le problème du dépla
cement sur le plan de l'action politique d'un certain nombre de représentations
de ce qui est nécessaire ; on peut le définir, avec précision, comme un « pro
blème d'idéologie » (Vorstellungen), dans la mesure où, dans les formations
politiques évoluées, ce sont justement les idéologies qui accomplissent la fonc
tion propre à optimiser les valeurs. « La nostalgie (toska) de l'idéologie » trans
paraît à travers les journaux et les revues des années 1992-1993 ; sans doute ce
regret a-t-il un caractère universel, se propageant de manière identique dans les
milieux politiques les plus divers de Russie. Le besoin croissant de disposer de
mécanismes pour appliquer par la pratique politique les représentations poli
tiques semble donner une certaine chance aux groupuscules néo-communistes
pour interpréter ce besoin par la nostalgie. Une évaluation superficielle de la
situation actuelle de la Russie peut tout à fait amener à penser qu'il est possible
de remplir le « vide » idéologique par un contenu néo-communiste. Une telle
conclusion serait néanmoins erronée, comme le prouvent la stérilité « des porte-
voix » des leaders néo-communistes et le non-sens des chroniqueurs gouverne
mentaux qui annoncent au peuple, au moins une fois par semaine, « un coup
d'État de droite » imminent.
« L'idéologie » est, semble-t-il, une forme très réduite de l'existence du
mythe. Par existence du mythe nous entendons la reproduction de la fonction
anthropologique principale du mythe, à savoir, l'aliénation à l'égard de la réal
ité. Le déploiement axiologique du mythe peut se réaliser sous diverses formes
et la réduction idéologique du mythe, propre à la culture politique néo-euro-
Rev. Étud. slaves. Paris, LXV/4, 1993, p. 691-706. 692 A. TCHERNYCHOV
péenne, n'est qu'une de ses formes possibles. Se référant à M. Horkheimer et
Th. Adorno, on peut lier la réduction du mythe dans la culture européenne des
Lumières à l'expansion substituant des rapports de pouvoir aux rapports mytho
logiques avec la réalité1. À partir de là, nous devons nous demander si la culture
russe dispose, elle aussi, de moyens analogues pour réduire le mythe. Seule une
réponse positive à cette question pourrait rendre possible l'apparition, en Russie,
ď« idéologies » au sens propre du mot. À mon avis, la réponse à la question
posée serait plutôt négative, d'une part, à cause des caractères dissemblables des
pratiques du pouvoir en Europe occidentale et en Russie. Ce que l'on considère,
dans notre pays, traditionnellement comme idéologies ne l'est, en réalité, pas
toujours (même « l'idéologie communiste » qui, dans sa variante léniniste-sta-
liniste, ne réduit pas le mythe, mais travaille avec lui comme une entité). Pour
cette raison précisément, aucune des « idéologies » existantes en Russie n'est
capable de remplir le vide béant entre les deux horizons politiques actuels :
l'horizon auto-référentiel et l'opérationnel. Quant à la question de savoir ce que
représentent, en fait, les idéologies traditionnelles russes, elle est intéressante
mais dépasse le cadre du présent travail.
Ainsi l'année 1991 s'est ouverte par une période de « recherche d'idéo
logie », en réalité il faut sous-entendre recherche de tentatives de réduction du
mythe et de son déplacement sur le plan opérationnel. La problématique mytho
logique des six années de la perestroïka se pose tout autrement. Pendant cette
période, la conscience des masses opérait avec le mythe soviétique pris globa
lement et dans sa relative intégrité. En tenant compte de cela, nous dégagerons
deux périodes de réception du mythe soviétique (la formule « réception du
mythe » décrit l'une des formes principales de l'autocommunication sociale, à
savoir la transmission et la réception d'une relation déterminée de l'homme avec
la réalité) : l'une d'elles, la primaire, va de 1985 à 1991, l'autre, la
réception secondaire, débuta récemment et il est peu probable qu'elle devienne
tout de suite l'objet de recherches approfondies. Pour cette raison, je délimiterai
mon article de façon chronologique.
Pour terminer l'introduction, il ne me reste plus qu'à expliquer le terme
« réflexion mythologique » mentionné dans le titre. Son contenu exact peut être
traduit par la métaphore « le travail sur le mythe » qui appartient à H. Blumen-
berg. Par « travail sur le mythe », le philosophe allemand comprend une récep
tion permanente du rapport essentiel anthropologique à la réalité. C'est seul
ement à travers cette réception conséquente que se déploie l'une des fonctions
principales du mythe : la transition du noumène-indétenrùné au nominal-déter
miné2. « Seul le travail sur le mythe, même s'il s'agit de sa réduction finale,
rend le travail du mythe évident3. » La réception du mythe apparaît comme un
« lien de » en tant que facteur constitutif de ľ histoire humaine ; c'est
1. M. Horkheimer et Th. Adorno, Dialektik der Aufklärung : philosophische Frag
mente, Frankfurt am Main, 1989, p. 19. On entend par réduction du mythe la transformation
du volume initial des significations mythologiques en des ensembles dépourvus de contra
dictions internes mais a priori « incomplets » et réciproquement complémentaires.
2. H. Blumenberg, Arbeit am Mythos, Frankfurt am Main, 1990, p. 32.
3. IbitL, p. 133 LA RÉFLEXION MYTHOLOGIQUE EN UNION SOVIÉTIQUE 693
l'intensité même du travail sur le mythème concret qui peut être comprise
comme un attribut de sa signification inaltérable (Uniiberbietbarkeit)*.
Malgré la performance évidente de l'approche anthropologique de la pro
blématique du mythe dans son ensemble, la remarquable métaphore de
H. Blumenberg ne me semble, néanmoins, pas tout à fait heureuse. L'expression
« travail sur le mythe » présuppose la présence d'un certain agent étranger au
mythe et accomplissant ce travail à sa place. Du point de vue des représentations
philosophiques courantes, il n'y a que le « logos » qui puisse jouer le rôle de cet
agent en tant que principe opératoire d'organisation ; néanmoins, H. Blumenb
erg lui-même, à plusieurs reprises (et avec raison) s'oppose à la différentiation
traditionnelle entre le « mythe » et le « logos » démontrant que le «mythe» pris
en tant que tel est déjà un travail du «logos» et de plus un « travail de haute qual
ité »5. Enfin, la métaphore de H. Blumenberg ne se réfère pas à une circons
tance, certes -secondaire pour le philosophe allemand, mais très importante pour
nous : la réception permanente du mythe dans le cadre culturel suppose l'exis
tence de mécanismes culturels d'estrangement et d'objétisation du mythe, le
transformant en objet d'examen et d'obse

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