La Russie en marche vers la pseudo-démocratie - article ; n°3 ; vol.30, pg 621-637
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Description

Revue française de sociologie - Année 1989 - Volume 30 - Numéro 3 - Pages 621-637
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Max Weber
Isabelle Niehues-Jeuffroy
La Russie en marche vers la pseudo-démocratie
In: Revue française de sociologie. 1989, 30-3-4. pp. 621-637.
Citer ce document / Cite this document :
Weber Max, Niehues-Jeuffroy Isabelle. La Russie en marche vers la pseudo-démocratie. In: Revue française de sociologie.
1989, 30-3-4. pp. 621-637.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1989_num_30_3_2633franc, social.. XXX, 1989,621-637 R.
INEDIT
La Russie en marche vers la pseudo-démocratie'
par Max WEBER
En ce qui concerne le temps présent, le soussigné ne revendique aucune
connaissance spéciale de la Russie qui ne soit à la portée de quiconque.
Mais peut-être a-t-il un jugement pondéré sur ce qu'on peut attendre à
notre égard des hommes maintenant parvenus au pouvoir. Sans préjudice
de mes sympathies, depuis toujours très vives, envers le mouvement de
libération russe, il faut y insister : vu l'actuelle composition du pouvoir
exécutif il ne peut être question de dispositions sincèrement pacifi
ques pour la majorité des hommes influents en Russie, et encore bien
moins d'intentions amicales à l'égard du peuple allemand (je dis très
expressément : « peuple allemand » et non seulement : l'actuel gouverne
ment allemand). Les déclarations pacifiques émanant des Puissances
centrales (1), en dépit des propos au plus haut point agressifs et franchebelliqueux du professeur Miîjukov (2), n'étaient pas seulement
* On ne connaît aucun manuscrit du texte février» selon le calendrier julien)
12 mars: — formation du soviet d'ouvriers qui est ici traduit. L'édition des œuvres
complètes de Max Weber se réfère au texte par les chefs socialistes
15 mars: — du gouvernement initialement publié : un article intitulé
« Russlands Ubergang zur Scheindemokra- provisoire par les partis bourgeois (Guckov,
tie », paru le 26 avril 1917 dans l'hebdomad ministre de la Guerre, Kerenski, de la Justice
aire Die Hilfe, édité par Friedrich Nau- et Miîjukov. des Affaires étrangères)
— abdication du tsar Nicolas II. mann (pp. 272-279). La traduction corres
(1) Dans le discours au Reichstag du 29 pond ainsi au texte (pp. 238-260) du volume
1/15 de « Max Weber Gesamtausgabe » (ici : mars 1917, le chancelier Bethmann-Hollweg
avait réaffirmé le principe de non-immixtion mwg K15). édité par Wolfgang J. Mommsen
en collaboration avec Gangolf Hiibinger, à dans les affaires intérieures de pays étrangers
Tubingen en 1984. Les notes du traducteur et la volonté allemande de vivre à nouveau
en paix avec le peuple russe (mwg 1/15. (en chiffres arabes) reprennent partiellement
pp. 225-226). celles de l'édition allemande mentionnée et
les complètent grâce à : M. Ferro, La Révolut (2) « Dès le 17 mars, Miîjukov avait
ion russe de 1917, Paris, Flammarion, 1967 adressé une note aux diplomates russes à
et H.J. Torke (éd.). Lexikon der Geschichte l'étranger, où le gouvernement disait sa
détermination 'd'observer strictement les Russlands, Miinchen. Beck, 1985.
Chronologie préliminaire des événements obligations internationales contractées par
russes de 1917 : l'Ancien Régime (...) et de mener la guerre
8-12 mars : — les «cinq journées révolu vers sa fin victorieuse. » (Ferro, p. 54)
tionnaires » de Petrograd (« Révolution de
621 Revue française de sociologie
sincères, mais il était et il demeure tout à fait indiqué, même politiquement,
de les réitérer en dépit et en raison de cette attitude même. Car nous
devons penser à l'avenir plus lointain. Mais à coup sûr il faudrait des
événements d'une tout autre nature que jusqu'à présent, ou bien de fortes
modifications des rapports de force pour les faire aboutir dans un avenir
immédiat.
Même l'observateur le mieux informé ne saurait émettre de prophéties
concernant le déroulement ultérieur de la révolution. L'hypothèse d'une
subversion possible du pouvoir tsariste pendant la guerre a laissé abso
lument sceptiques des gens infiniment mieux avertis de la situation que
moi, et même celle de son renversement après la guerre leur a semblé plus
que problématique. La réforme agraire de Stolypine (3) avait certes réussi
par un coup habile à diviser l'un des noyaux de l'armée socialiste-
révolutionnaire (4) — les paysans de Г Ancienne-Russie — en deux parties
inégales mais immanquablement fort hostiles : d'un côté les nouveaux
propriétaires privés, sortis du communisme villageois — donc les éléments
économiquement les plus forts des paysans, que leur propriété nouvelle
liait étroitement au régime en place — et de l'autre côté, restées dans le
communisme villageois, les masses paysannes prolétarisées, qui ressen
taient l'octroi de cette propriété privée comme une odieuse injustice
commise au profit des autres.
Au reste, il paraissait possible, quoi qu'il en soit, qu'un autre champion
des vieilles idées socialistes-révolutionnaires — appelé « troisième él
ément » — pût se comporter autrement qu'auparavant. En fait partie la
masse des salariés à bas revenu, des employés des grandes organisations
administratives autonomes, appelées « Zemstvos » (5). Parmi eux se trouve
la presque totalité de l'intelligentsia employée dans l'administration
matérielle en général. Par exemple, l'ensemble du personnel affecté aux
tâches agronomiques très importantes en Russie, aux tâches vétérinaires
et, d'une manière générale, à presque toutes les tâches « économiques »
au sens où nous l'entendons, ainsi qu'à l'enseignement populaire laïc, tout
comme les médecins de campagne qui, contrairement à ce qu'il en est chez
nous, ont un traitement fixe. Soit donc la quasi-totalité des milieux de
l'intelligentsia qui, en tant que personnes de confiance, ont sans cesse
affaire à la paysannerie dans la vie quotidienne. Au temps de la révolution
précédente, ils étaient en absolue opposition interne avec une administ
ration étatique à fins presque exclusivement policières et véhiculaient la
propagande socialiste-révolutionnaire dans les campagnes. Or ils s'oppo-
(3) La réforme agraire de Stolypine et invoquaient les institutions collectives
(1906) permettait l'accès à la propriété privée paysannes russes comme moyen de passage
des nouveaux « koulaks » : elle impliquait le direct au socialisme.
partage des communaux et le départ des (5) Assemblées locales instituées en 1865
paysans les plus pauvres. pour assurer la plupart des tâches d'intérêt
(4) Les socialistes-révolutionnaires reje- public indépendamment de l'administration
taient la thèse marxiste de la phase capitaliste d'Etat. Après 1906, elles furent chargées de
nécessaire dans l'évolution vers le socialisme la mise en œuvre de la réforme agraire.
622 Max Weber
saient pareillement aux membres bénévoles des Zemstvos eux-mêmes, qui
étaient issus de la propriété bourgeoise — propriété foncière rurale avant
tout. Certains changements intervenus dans l'orientation réelle du travail
des Zemstvos tout comme dans la composition de cette couche sociale —
effets prévisibles des mesures du gouvernement Stolypine et aussi des
Zemstvos après la Révolution — pouvaient, quoi qu'il en soit, rendre
apparemment incertaine la prise de position actuelle de cet élément face
à une révolution.
Par la prolétarisation de larges couches inférieures de la paysannerie
et par la nouvelle réglementation de propriété privée, le prolétariat
industriel sans terre et désormais privé des attaches villageoises maintenues
par les revendications de terres s'était fortement accru. C'avait été un
facteur directeur de la précédente révolution. Mais il était numériquement
limité et le cours des choses après le Manifeste constitutionnel avait alors
consacré l'expérience récemment enregistrée partout : aujourd'hui, des
révolutions dont le succès dépasse le très court terme ne peuvent être
menées à bien ni par la bourgeoisie et l'intelligentsia bourgeoise seules, ni
même par les masses prolétariennes et p

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