La société birmane face à la question institutionnelle - article ; n°3 ; vol.28, pg 157-187
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1997 - Volume 28 - Numéro 3 - Pages 157-187
Burmese society and the question of institutions.
Since the democratic process was stopped in 1990, the Burmese military junta has been trying to legitimate its power by referring both to the need to maintain national unity in a traditional, multiethnic, multicultural society and to the country's deeply rooted Buddhist beliefs. However, the military has turned out to be unable to provide for the Burmese Union's social and economic development. It is now confronted with a democratic protest movement among young people and ongoing resistance from monks (The top Buddhist hierarchy still submits to the government). The stalemate in discussions about the future constitution has not kept the junta from pursuing a policy for integrating the country in the region (especially in ASEAN). Even though a transition toward democracy is not on the agenda, part of the army, conscious of the country's isolation, might exercise pressure to make the junta soften its position.
Depuis l'arrêt du processus démocratique en 1990, la junte militaire birmane tente de légitimer son pouvoir par la nécessité de maintenir la cohésion nationale dans une société traditionnelle, pluri-ethnique et multi-culturelle en s 'appuyant sur les croyances bouddhiques profondément enracinées dans le pays. Pourtant, les militaires s'avèrent incapables d'assurer le développement socio-économique de l'Union birmane et se trouvent confrontés à un mouvement de contestation démocratique au sein de la jeunesse et à une résistance permanente de la base monastique, la haute hiérarchie bouddhiste demeurant inféodée au régime. L'enlisement des discussions relatives à la future Constitution n'a pas empêché la junte de poursuivre sa politique d'intégration régionale en direction notamment des pays de l'ASEAN. Cependant, si une transition vers la démocratie n'est pas d'actualité, une partie de l'Armée, consciente de l'isolement du régime, pourrait pousser ce dernier à s'assouplir.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Guy Lubeigt
La société birmane face à la question institutionnelle
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 28, 1997, N°3. pp. 157-187.
Abstract
Burmese society and the question of institutions.
Since the democratic process was stopped in 1990, the Burmese military junta has been trying to legitimate its power by referring
both to the need to maintain national unity in a traditional, multiethnic, multicultural society and to the country's deeply rooted
Buddhist beliefs. However, the military has turned out to be unable to provide for the Burmese Union's social and economic
development. It is now confronted with a democratic protest movement among young people and ongoing resistance from monks
(The top Buddhist hierarchy still submits to the government). The stalemate in discussions about the future constitution has not
kept the junta from pursuing a policy for integrating the country in the region (especially in ASEAN). Even though a transition
toward democracy is not on the agenda, part of the army, conscious of the country's isolation, might exercise pressure to make
the junta soften its position.
Résumé
Depuis l'arrêt du processus démocratique en 1990, la junte militaire birmane tente de légitimer son pouvoir par la nécessité de
maintenir la cohésion nationale dans une société traditionnelle, pluri-ethnique et multi-culturelle en s 'appuyant sur les croyances
bouddhiques profondément enracinées dans le pays. Pourtant, les militaires s'avèrent incapables d'assurer le développement
socio-économique de l'Union birmane et se trouvent confrontés à un mouvement de contestation démocratique au sein de la
jeunesse et à une résistance permanente de la base monastique, la haute hiérarchie bouddhiste demeurant inféodée au régime.
L'enlisement des discussions relatives à la future Constitution n'a pas empêché la junte de poursuivre sa politique d'intégration
régionale en direction notamment des pays de l'ASEAN. Cependant, si une transition vers la démocratie n'est pas d'actualité,
une partie de l'Armée, consciente de l'isolement du régime, pourrait pousser ce dernier à s'assouplir.
Citer ce document / Cite this document :
Lubeigt Guy. La société birmane face à la question institutionnelle. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 28,
1997, N°3. pp. 157-187.
doi : 10.3406/receo.1997.2873
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1997_num_28_3_2873Revue d'études comparatives Est-Ouest, 1997, 3 (septembre)
pp. 157-187 - Guy LUBEIGT
La société birmane face à la question
institutionnelle
Guy LUBEIGT *
Introduction
En janvier 1993, le régime militaire birman, au pouvoir sous diverses appel
lations depuis 1962, a entrepris de faire rédiger une nouvelle loi fondamentale
pour remplacer la Constitution socialiste de 1974 qui, elle-même, avait rem
placé la Constitution républicaine de 1948, suspendue le 2 mars 1962 par le
coup d'État du général Ne Win et la mise en place d'un gouvernement révolu
tionnaire chargé de conduire le pays sur la "voie birmane vers le socialisme".
En mars 1988, l'échec de cette politique militaro-socialiste, devenu patent
depuis le classement de la Birmanie parmi les pays les moins avancés en
décembre 1987, provoque une révolte étudiante qui, relayée par une révolte
populaire, conduit à l'effondrement du régime et à la démission du général Ne
Win le 25 juillet. Le 18 septembre, au moment où le mouvement démocratique
semble l'emporter, les militaires lancent un nouveau coup de force sanglant
qui aboutit à la mise en place d'une junte dirigée par le général Sô Maung.
Depuis cette date, le régime a abandonné l'idéal socialiste et s'appuie désor
mais sur les valeurs traditionnelles du bouddhisme pour justifier son pouvoir.
En mai 1990, la junte a organisé des élections générales qui, contrairement à
son attente, ont conduit à la désignation de 392 députés libéraux sur les 488
prévus pour le Parlement qui devait rédiger une nouvelle Constitution. Mais la
junte a refusé de reconnaître les résultats de ces élections et le Parlement n'a
jamais été convoqué. Après avoir proclamé à plusieurs reprises qu'en dehors
de la Loi martiale il n'y avait pas de Droit en Birmanie, elle a quand même
voulu établir une structure juridique contraignant la société civile à accepter
son pouvoir et à lui obéir. Pour pallier leur échec électoral, les généraux ont
ainsi nommé quelque 700 personnes pour former une Convention nationale
chargée de rédiger une Constitution destinée à justifier et perpétuer leur pouv
oir. Après avoir fonctionné tant bien que mal pendant trois ans, sans pouvoir
contrôler le calendrier de ses réunions ni même son propre ordre du jour, la
* Chargé de recherche au CNRS, Laboratoire "Péninsule indochinoise" (Maison de
l'Asie, 22, avenue du Président Wilson, 75016 Paris).
157 Lubeigt Guy
Convention a cessé de se réunir depuis 1996. L'évolution naturelle de la
société birmane semble donc bloquée et l'armée continue à exercer un pouvoir
dictatorial sur la société civile.
Dans ces conditions, on doit s'interroger sur les sentiments réels éprouvés
par une société civile à laquelle on demande non seulement d'intervenir pour
prolonger une dictature qui l'opprime depuis 35 ans, mais en plus de justifier a
posteriori, en les légalisant, les innombrables exactions perpétuées à son
encontre par cette dictature 1 . On peut se demander également pour quelles rai
sons les généraux semblent avoir renoncé, au moins momentanément, à faire
rédiger par la société civile la Constitution qui devait pérenniser et surtout légi
timer leur pouvoir. La société birmane a t-elle vraiment son mot à dire dans
l'élaboration de la Charte qu'on lui propose ? Eprouve-t-elle réellement le
besoin d'avoir une nouvelle Constitution et, si oui, de quel type ? Quel pourr
ait être l'impact d'une nouvelle Constitution sur le développement écono
mique et social de l'Union ? Quels changements appréciables dans les
conditions de vie de la population seraient apportés par son application ?
I. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA SOCIÉTÉ BIRMANE
1. Une mosaïque d'ethnies originales
La société birmane n'est pas une société homogène. Elle est historiquement
pluri-ethnique avec, pour composante principale, un noyau birman représen
tant environ 60 à 65 % des 48 millions d'habitants de l'Union et diverses
autres ethnies constituant autour de ce noyau une nébuleuse de nationalités
autochtones d'importance variable. Jusqu'en 1988, les autorités reconnaiss
aient officiellement l'existence de 67 nationalités dans le pays, ce qui faisait
de l'Union de Birmanie la plus forte concentration mondiale de nationalités sur
un aussi petit territoire (678 000 km2), puisque même l'immense Chine n'en
dénombre que 56. Mais depuis 1989, les autorités font régulièrement référence
aux "135 nationalités" de l'Union, sans avoir vraiment précisé la liste de ces
nationalités. Ceci reflète la volonté politique du régime militaire de se présent
er aux yeux des ethnies, particulièrement auprès des Birmans, comme étant le
seul capable de contrôler une telle mosaïque de nationalités aux intérêts diver
gents tout en maintenant la cohésion de l'Union. Parmi ces multiples nationalit
és, on peut distinguer les sept plus importantes qui sont celles qui possèdent,
au moins nominalement, un Etat : les Shan, Karen, Kayah, Kachin, Mon, Chin
et Arakanais (ou Yakaing). A ces sept États nationaux correspond un État bir-
1. Sur la nature de ces exactions, on pourra consulter les nombreux rapports
qu 'Amnesty International a consacré à cette question depuis plusieurs années. Plu
sieurs autres organisations non gouvernementales, telles Asiawatch ou la Fédération
internationale des ligues des droits de l'homme, se sont également penchées sur ce
drame.
158 La société birmane face à la question institutionnelle
man, lui même divisé en sept circonscriptions administratives : Rangoun (Yan-
gon), Irrawaddy (Ayeyarwaddy), Pègou (Bago), Magwè, Mandalay, Sagaing,
Tenasserim (Tanintaryi) 2. L'ensemble de ces États nationaux

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