La tradition du socialisme chrétien - article ; n°1 ; vol.61, pg 71-78
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1999 - Volume 61 - Numéro 1 - Pages 71-78
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Klauspeter Blaser
La tradition du socialisme chrétien
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°61, 1999. pp. 71-78.
Citer ce document / Cite this document :
Blaser Klauspeter. La tradition du socialisme chrétien. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°61, 1999. pp.
71-78.
doi : 10.3406/chris.1999.2108
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1999_num_61_1_2108CHRISTIANISME SOCIAL
La tradition du socialisme chrétien
Aperçu historique - mouvements et figures -
débats et enjeux
Klauspeter Blaser*
Dans les « Frères Karamazov », Dostoïevski rapporte une discussion
entre Mioussov et un interlocuteur français. Celui-ci lui fait remarquer :
« Nous ne craignons pas tellement, au fond, tous ces socialistes-
anarchistes, athées et révolutionnaires ; nous les surveillons et nous
connaissons leur jeu. Mais il est parmi eux, bien que peu nombreux,
quelques hommes à part : ce sont ceux qui croient en Dieu, et qui sont
chrétiens en même temps que socialistes. C'est eux que nous craignons le
plus, car ce sont des gens redoutables. Le socialiste chrétien est plus r
edoutable que le socialiste athée. »
L'agent de police doit le savoir ! Cependant, l'évidence historique lui
donne-t-elle raison ? Une étude du socialisme chrétien (d'orientation pro
testante) montrera certes que cette théorie remporte quelques succès, mais
que ses échecs sont beaucoup plus nombreux. Il est vrai que le socialiste
chrétien se croit et se veut plus radical que le socialiste tout court ; il s'agira
de relever les motifs, multiples, de cette radicalité. Cette série d'articles se
propose de fournir au lecteur une vision globale de cette tradition ; trop
souvent on n'en connaît que des expressions régionales. Les aperçus seront
* Klauspeter Blaser est professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie pro
testante de l'Université de Lausanne (Suisse).
Je remercie M"" Florence Clerc de sa relecture de mon texte ainsi que de son aide informat
ique. Ce texte est le premier d'une série d'articles consacrés à la tradition du socialisme chrét
ien, qui se déroulera sur huit numéros.
71 K. Blaser
relativement succincts et non exhaustifs, mais la bibliographie indiquée à la
fin de chaque chapitre permettra aux intéressés, aux chercheurs franco
phones en particuliers, d'aller plus loin ; elle contient la littérature secon
daire, les ouvrages des principaux protagonistes du socialisme chrétien f
igurant dans le corps du texte. Voici les chapitres proposés successivement :
1. Introduction à l' arrière-fond, définition du mouvement, vocabulaire
et tableau général.
2. Le Christianisme social avant le socialisme chrétien.
3. Du christianisme au chrétien (États-Unis, France,
Suisse romande).
4. Christophe Blumhardt et le socialisme religieux en Suisse aléma
nique. En Allemagne.
5. Le socialisme religieux de Léonard Ragaz.
6. Le débat Barth - Ragaz et ses enjeux théologiques.
7. Elie Gounelle et Wilfred Monod, chefs de file français.
8. Socialisme et christianisme chez Paul Tillich.
9. L'héritage socialiste-chrétien dans la théologie au XXe siècle : suc
cesseurs ou succédanés ?
À l'aperçu général dans les quatre premiers chapitres suivra donc une
focalisation sur quelques types de pensée qui ont façonné la mouvance.
1. Les Églises et le phénomène de l'industrialisation
« Le train à vapeur est-il donc plus important que la foi de Nicée ? » se
demandait sous forme de boutade le théologien allemand Richard Rothe
(1799-1867). Les Églises, particulièrement les Églises protestantes, ne le
pensaient pas ; les groupes plus spécialement enclins à le penser n'étaient
pas en mesure de réfléchir, théologiquement et ecclésiologiquement, à ce
fait nouveau. On s'est habitué à le désigner par le terme de « révolution in
dustrielle », laquelle s'est d'ailleurs développée plus ou moins rapidement
selon les pays. Ce fut bien le drame du XIXe siècle. L'aliénation des
grandes masses par rapport aux Églises (la « déchristianisation ») était-elle
alors un destin inéluctable ? De fait, les Églises se sont avant tout centrées
sur la bourgeoisie intellectuelle et cultivée, une couche de la population qui
perdit petit à petit son influence au profit des représentants de l'économie.
Le monde du travail industriel ne préoccupait ni les théologiens ni les pas
teurs, à quelques exceptions près. En Allemagne, pour ne citer que ce cas,
les Églises évangéliques officielles demeurèrent sans compréhension et
sans contribution spécifique face au processus de l'industrialisation en train
72 La tradition du socialisme chrétien
de bouleverser le monde. Une timide tentative de la part de la direction de
l'Église dans l'empire de Guillaume II suggéra en 1890 la mise en place
d'une activité sociale, recommandation qui fut annulée cinq ans plus tard.
On s'appliqua plutôt à plaquer une façade chrétienne sur l'État réaction
naire et à légitimer théologiquement l'opposition au socialisme montant.
Du côté catholique, le souci pour le travailleur s'éveilla au moment où le
socialisme fit son entrée sur la scène sociale et politique : ce fut notamment
le cas en Allemagne. Le catholicisme français, par contre, fit tout pour en
doctriner les gens et implanter une tendance antirévolutionnaire parmi les
laïcs. Le socialisme lui apparaissait en effet comme l'ennemi par excel
lence. Quant à l'Église anglicane, elle se trouva dépourvue d'arguments
lorsqu'une population déçue se détourna d'elle, soit en rejoignant une
Église libre (celles des « dissenters » ), soit en en s'émancipant totalement.
Une prise en compte plus positive bien que critique du monde en voie
d'industrialisation et des phénomènes qui l'accompagnent s'observa
néanmoins chez un certain nombre d'individus et dans divers groupes.
Nous pouvons la désigner sous le terme de « christianisme social », ou
encore de « socialisme chrétien » ; nous allons maintenant jeter un rapide
coup d'œil sur le vocabulaire en usage.
2. Nomenclature
Pour les chrétiens, le socialisme fut donc pendant longtemps irrece
vable. Les tentatives de conciliation qui commencèrent au XIXe siècle
prirent différents noms selon les pays, les confessions et les apparte
nances sociologiques.
On parla de « christianisme social », « chrétien social » ou de « socia
lisme évangélique » essentiellement en Angleterre et en France. Les ex
pressions de « socialiste chrétien », « chrétiens pour le socialisme »,
« Christian socialists » furent utilisées en France et en Angleterre et dési
gnèrent également un mouvement mondial. Le « Social Gospel » était
présent aux États-Unis, alors que les termes de « évangélico-social » ou
« ecclésiastico-social » étaient en usage en Allemagne. Le « socialisme
religieux » et le parti des « religieux-sociaux » constituent une particular
ité suisse et, jusqu'à un certain point, également allemande ; ce terme
devait exclure toute association à des mouvements réactionnaires et invi
ter des personnes non chrétiennes à joindre le mouvement.
La nomenclature trahit des différences idéologiques et théologiques, le
socialisme chrétien étant de manière générale plus « gauchiste » que le
73 K. Blaser
christianisme social, lequel est encore passablement bourgeois. Le socia
lisme religieux ou chrétien (dans la suite, on utilisera ces termes comme
des synonymes) se distingue par une attitude plus positive, moins comp
lexée, à l'égard du socialisme. Henri Tricot, chef de file de l'Union
communiste spiritualiste des années trente, définissait la différence de la
manière suivante : « Ils (les chrétiens sociaux) veulent une société
meilleure, nous voulons une société nouvelle » .
3. Mise en perspective globale
Historiquement et sociologiquement, le socialisme chrétien en tant que
mouvement global s'inscrit dans la problématique de la réaction des
Églises à la question sociale, aux phénomènes d

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