La violence à Kinshasa, ou l institution en négatif - article ; n°150 ; vol.38, pg 441-469
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Cahiers d'études africaines - Année 1998 - Volume 38 - Numéro 150 - Pages 441-469
Abstract ~~Violence in Kinshasa, or the Destitute Institutions.~~ — Widespread looting in Kinshasa, Zaire, in September 1991 and January 1993 have led people to seek refuge and help inside their neighborhoods, a process called the villagization of town-life. The poverty and absurdity of urban life as well as the collapse of public institutions (transportation, schools, health services) have shattered both exogenous and endogenous models of identity. More and more city-dwellers are now disenchanted individuals. Faced with growing anomy, they increasingly turn toward self-victimization in a perverse attempt to counteract the forces thought to have caused them to lose vitality and power. Other people seek help in the healing churches, which offer, through brother—and sisterhood in the Holy Spirit, new relations based on trust and provide etiological analyses of the relations and institutions that impede solidarity or instigate violence.
Résumé À Kinshasa, les pillages massifs en septembre 1991 et janvier 1993 ont entraîné un repli de la population suburbaine sur le voisinage : on parle de villagisation de la ville. La vie en ville se résume à l'art de la débrouillardise. La dégradation du milieu et les conditions misérables des cités suburbaines, tout comme la dégradation dans les services publics tels que les transports, l'enseignement et les services de santé, ont brisé les miroirs tant traditionnels qu'importés d'identification et de partage des rôles. De plus en plus de citadins se trouvent réduits à une vie de nomades déshérités et parasites. Butant contre l'anomie omniprésente, désabusés, certains se retranchent dans une autovictimisation ou dans la violence en tant que réaction perverse et imaginaire contre les forces aliénantes auxquelles ils imputent leur échec et leur infortune. D'autres cherchent refuge dans les églises de guérison. À part la chaleur de la communauté de frères et sœurs dans l'Esprit-Saint, celles-ci offrent aussi des diagnostics nouveaux des relations et des institutions qui portent la violence, qui (dé)font l'interaction et qui mobilisent ou désarment la solidarité.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur René Devisch
La violence à Kinshasa, ou l'institution en négatif
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 38 N°150-152. 1998. pp. 441-469.
Résumé
À Kinshasa, les pillages massifs en septembre 1991 et janvier 1993 ont entraîné un repli de la population suburbaine sur le
voisinage : on parle de villagisation de la ville. La vie en ville se résume à l'art de la débrouillardise. La dégradation du milieu et
les conditions misérables des cités suburbaines, tout comme la dégradation dans les services publics tels que les transports,
l'enseignement et les services de santé, ont brisé les miroirs tant traditionnels qu'importés d'identification et de partage des rôles.
De plus en plus de citadins se trouvent réduits à une vie de nomades déshérités et parasites. Butant contre l'anomie
omniprésente, désabusés, certains se retranchent dans une autovictimisation ou dans la violence en tant que réaction perverse
et imaginaire contre les forces aliénantes auxquelles ils imputent leur échec et leur infortune. D'autres cherchent refuge dans les
églises de guérison. À part la chaleur de la communauté de frères et sœurs dans l'Esprit-Saint, celles-ci offrent aussi des
diagnostics nouveaux des relations et des institutions qui portent la violence, qui (dé)font l'interaction et qui mobilisent ou
désarment la solidarité.
Abstract
Violence in Kinshasa, or the Destitute Institutions. — Widespread looting in Kinshasa, Zaire, in September 1991 and January
1993 have led people to seek refuge and help inside their neighborhoods, a process called the "villagization of town-life". The
poverty and absurdity of urban life as well as the collapse of public institutions (transportation, schools, health services) have
shattered both exogenous and endogenous models of identity. More and more city-dwellers are now disenchanted individuals.
Faced with growing anomy, they increasingly turn toward self-victimization in a perverse attempt to counteract the forces thought
to have caused them to lose vitality and power. Other people seek help in the healing churches, which offer, through
brother—and sisterhood in the Holy Spirit, new relations based on trust and provide etiological analyses of the relations and
institutions that impede solidarity or instigate violence.
Citer ce document / Cite this document :
Devisch René. La violence à Kinshasa, ou l'institution en négatif. In: Cahiers d'études africaines. Vol. 38 N°150-152. 1998. pp.
441-469.
doi : 10.3406/cea.1998.1810
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1998_num_38_150_1810René Devisch
La violence Kinshasa
ou institution en négatif*
de et véritable rural le qui Ni Recours le MPR progrès la par désordre vers tradition trop émancipation Mouvement la et capitale authenticité les servi ancestrale qui miroirs régnent de Kinshasa1 miroir populaire identification ni les Kinshasa ont aux modèles face hui de alouettes réussi la au brisent révolution du de passé parti- Lannoy nombre inspirer les plus colonial modèles tat que et émigrés zaïrois Mabiala un son jamais et mouvement post-coloniaux idéologie un mobilisé du la Occident Bongeli misère milieu par de du
1986 La violence ou la lassitude installe là où institution la loi ou
le réfèrent collectif et permanent est-à-dire les dispositifs publics de
inter-dit ou du contact vacillent Le gouvernement arrive pas
combler les fissures qui se sont creusées entre une économie communau
taire du don et du troc lequel est de plus en plus une nécessité de
Les recherches Kinshasa ont été effectuées dans le cadre du Centre de africaines au département anthropologie de la Katholieke universiteit
Leuven Elles ont été financées par la Fondation nationale belge de la recherche
scientifique la Communauté européenne DGXiï B4 Health STD2 0202 et
CT94 0326) ainsi que par la Harry-Frank Guggenheim Foundation New York
Je remercie pour leur collaboration mes collègues de Institut des Musées
nationaux du Zaïre IMNZ) ainsi que ceux du CERDAS Centre de coordination
des recherches et de la documentation en sciences sociales desservant Afrique
sud-saharienne)
ai peu peu fait mienne interrogation profonde que se pose le peuple
kinois et me suis moi aussi interrogé sur les contradictions dans la gestion du
passé colonial aliénant De 1965 1971 ai étudié la philosophie et anthro
pologie Kinshasa partir de 1971 et pendant deux ans et demi ai participé
la vie quotidienne de Kwaangolais dans une douzaine de villages quelque
450 km au sud-est de Kinshasa ai été le témoin de enthousiasme soulevé
la construction de la nation mais aussi de la zaïrianisation est-à-dire de
la nationalisation brutale des propriétés et des entreprises familiales Au cours
de mes différents séjours entre 1986 et 1996 ai été profondément choqué par
les pillages ou les révoltes auxquels ai assisté Cette étude porte sur la situation
telle elle se présentait avant la prise du pouvoir par AFDL et la création
de la République démocratique du Congo elle été rédigée en 1996
Kinshasa se divise en la ville pour une minorité et les cités/la cité Cf DE
MAXIMY 1984) HouYOUX KINAVWUIDI OKITA 1986) PAIN 1984)
Cahiers tudes africaines 150-152 XXXV1II-2-4 1998 pp 441-469 442 REN DEVISCH
survie pour beaucoup et économie capitaliste minée par hyperinfla
tion Tout en étant séduits par la modernité du marché beaucoup de
citadins continuent respecter au fond eux-mêmes les coutumes fami
liales et ancestrales établies au village du moins en tant que principes de
perception des liens de sociabilité et de solidarité Paradoxalement est
autant dans la CNS Conférence nationale souveraine) dans les églises
groupes de prière groupes de base et églises de guérison inclus) dans
les jacqueries et autres pillages récents ou encore dans les Marches
espoir février et mars 1992 et les Journées ville-morte que le peuple
découvre une certaine souveraineté et exprime sa volonté de changement
Conjurer la rupture coloniale
Un bref regard porté sur la situation coloniale Balandier 1955 devrait
nous permettre de jeter quelque lumière sur un certain nombre de pro
blèmes contemporains en Afrique centrale Sans doute une telle analyse
risque de offrir un regard négatif laissant dans ombre certains
véritables apports de uvre coloniale Colons et missionnaires avaient
pour objectifs de transformer la différence négative du Noir en une identité
par conversion et non par affinité Le régime colonial est livré une
violence autant plus abusive ou perverse que ce gouvernement légitimait
oppression du colonisé au nom de sa mission pacificatrice Durant cette
période la métropole développé image une Afrique déchirée par des
luttes tribales par obscurantisme et la superstition Voici que ces images
négatives resurgissent après indépendance voire encore hui et
que les rébellions ou la violence actuelles en Afrique sud-saharienne sont
per ues comme une résurgence de luttes tribales et de urs révolus
son arrivée le colonisateur sans racines dans histoire de la région
il soumet est étranger aux valeurs fondamentales et environnement
des sociétés dans lesquelles il impose Son projet est apporter la
civilisation moderne et il veut accomplir une mission émancipatrice
Humanistes marxistes chrétiennes et/ou technocratiques ces idées lui
inspirent de nombreux projets et autorisent de vastes entreprises dans
le domaine médical dans éducation agriculture urbanisme et dans
le secteur industriel inspirant du paradigme evolutionniste prédominant
dans les sciences au début du xxe siècle ce projet trouve sa légitimité au
travers images négatives que le colon se donne du colonisé une image
en miroir inversée par rapport ses propres idéaux de progrès centrés
sur la raison émancipation la liberté autonomie et autres droits de
individu Corbey 1989 Pieterse Parekh 1995 Spun- 1993 Thomas
1994 Le régime colonial entreprend sous égide de la Monarchie
de glise et du modernisme de attaquer aux vices du colonisé
savoir la pauvreté la paresse ignorance analphabétisme épidémie
exploitation du faible et du crédule Vaughan 1991) LA VIOLENCE KINSHASA 443
Comme le montra Fabian 1986) la politique linguistique et scolaire
de la colonie compartimentalise ébranle et fixe importantes dynamiques
interrégionales de formation étatique et échanges culturels Elle impose
un langage qui oppose aux dialectes et cela en fonction de limites géo
gra

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