Lamartine et Talleyrand à l hôtel de La Mole - article ; n°1 ; vol.1, pg 164-176
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Description

Romantisme - Année 1971 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 164-176
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre-Georges Castex
Lamartine et Talleyrand à l'hôtel de La Mole
In: Romantisme, 1971, n°1-2. pp. 164-176.
Citer ce document / Cite this document :
Castex Pierre-Georges. Lamartine et Talleyrand à l'hôtel de La Mole. In: Romantisme, 1971, n°1-2. pp. 164-176.
doi : 10.3406/roman.1971.5385
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1971_num_1_1_5385PIERRE-GEORGES CASTEX
Lamartine et Talleyrand à l'hôtel de La Mole
amusant, J'ai suivi et travaillé l'usage d'après des peintres, des modèles. que je trouve
Stendhal, Testament du 26 décembre 1834.
Les « Marginalia » de Lucien Leuwen livrent de nombreuses clefs pour
les personnages de ce roman. Nous n'avons rien de tel pour Le Rouge et
le Noir, dont le manuscrit fait défaut: tout au plus une indication au
passage dans Henry Brulard1. Or, dans le chapitre où Stendhal décrit une
réception à l'hôtel de La Mole, se succèdent des silhouettes précises, dont
on voudrait retrouver les originaux. Henri Martineau avait certainement
raison d'écrire : « Tous les personnages qui arrivent tour à tour dans le salon
de La Mole doivent être des portraits 2. »
Quelques identifications ont déjà été avancées; mais beaucoup de ces
personnages posent encore des énigmes, car Stendhal s'entendait à brouiller
les pistes. Nous pensons pouvoir reconnaître deux d'entre eux : le poète
Sainclair et le comte Chalvet.
SAINCLAIR ET LAMARTINE
— Quoi! dit le comte de Caylus à Norbert, vous avez chez vous
M. Sainclair, ce fameux libéral; et que diable vient-il y faire? Il faut
que je l'approche, que je lui parle et que je le fasse parler ; on dit qu'il
a tant d'esprit.
— Mais comment ta mère va-t-elle le recevoir ? dit M. de Croisenois.
Il a des idées si extravagantes, si généreuses, si indépendantes...
— Voyez, dit Mlle de La Mole, voilà l'homme indépendant qui salue
jusqu'à terre M. Descoulis3 et qui saisit sa main. J'ai presque cru qu'il
allait la porter à ses lèvres.
— Il faut que Descoulis soit mieux avec le pouvoir que nous le
croyons, reprit M. de Croisenois.
— Il serait moins bas de se mettre à genoux, reprit M. de Luz.
1. о Michel [...], capitaine de la Garde impériale, connu par moi à Vincennes en
1809, directeur du Dépôt de mendicité à Saint-Robert, près Grenoble (dont j'ai fait
M. Valenod dans Le Rouge) » (chap, xxxvn).
2. Le Rouge et le Noir, éd. Henri Martineau, Classiques Gamier, p. 566.
3. M. Liprandi a proposé d'identifier ce personnage à Roux de Laborie, ancien secrétaire
de Talleyrand (t Sur un personnage du Rouge et Noir : M. Descoulis », dans Le Divan,
avril- juin 1954). Lamartine et Talleyrand à Vhôtel de La Mole 165
— Sainclair vient ici pour être de l'Académie, dit Norbert. Voyez
comment il salue le baron L..., Croisenois.
— Mon cher Sorel, dit Norbert, vous qui avez de l'esprit, mais qui
arrivez de vos montagnes, tâchez de ne jamais saluer comme fait ce
grand poète, fût-ce Dieu le père4.
« Saint-Clair » est le nom porté par le héros du Vase étrusque, récit publié
par Mérimée dans la Revue de Paris en janvier 1830. Mérimée a mis beaucoup
de lui-même ce personnage et Stendhal a bien connu l'œuvre de son
ami, qu'il appelle, dans une lettre du 7 mars à Sophie Duvaucel, nièce de
Cuvier, «l'homme à la cruche étrusque». De cette constatation, on a tiré
une conclusion imprudente. Henri Martineau écrit : « II est impossible de ne
pas songer à Mérimée camouflé sous le nom de Sainclair [...]. Certains traits
de ce portrait railleur s'appliquent admirablement à Mérimée s » ; il ajoute
cependant: «d'autres, pas du tout».
En vérité, si l'idée était venue à Stendhal d'évoquer son compagnon
Mérimée en termes désagréables, il n'aurait pas choisi pour le représenter
un pseudonyme aussi transparent. Mais il pouvait bien se permettre de lui
emprunter le nom de son personnage, car Sainclair ne saurait en aucune
manière être identifié à Mérimée.
D'abord, quoique Mérimée eût été aussi éloigné des ultras que Stendhal,
les mots « ce fameux libéral » ne lui conviennent pas ; il n'est pas engagé
dans la vie politique. Pas davantage ne lui conviennent les mots prononcés
par M. de Croisenois : « II a des idées si extravagantes, si généreuses, si
indépendantes... » Indépendantes, sans doute, les idées de Mérimée ; mais
avec un bon sens qui prenait volontiers un aspect de sécheresse ou de cynisme.
Mérimée, d'autre part, n'est nullement, à cette date, un mondain servile qui
flatte le pouvoir par ambition académique ; il a d'ailleurs vingt-cinq ans, et ce
n'est pas un âge pour songer à l'Académie. Enfin, s'il s'est déjà révélé comme
un excellent prosateur, il ne saurait être désigné comme un « grand poète ».
Les mots « grand poète » conviennent au contraire à Lamartine. Lamartine,
quoique jeune encore, a été deux fois candidat à l'Académie. Une première
fois, en 1824, il fut battu avec seize voix contre dix-neuf à son concurrent
Droz, qui certes ne le valait pas; ce n'était tout de même pas si mal à
trente-quatre ans : pourtant il prit fort mal son échec, se déclarant victime
d'une «coterie» et même d'une «persécution prématurée6». Bientôt, il
partit pour Florence, où il fut attaché d'ambassade, puis chargé d'affaires.
En 1828, il se fit mettre en congé et rejoignit son château de Saint-Point.
Mais il passa le mois de juin 1829 à Paris, où il mena la vie la plus mondaine ;
il songeait alors à un nouveau poste diplomatique ou à un siège de député,
sans cesser de regarder du côté de l'Académie. Le 5 septembre mourut le
comte Pierre Daru et il brigua son fauteuil : nouvelle campagne, victorieuse
celle-là; deux mois plus tard, le 5 novembre, il était élu.
4. Le Rouge et le Noir, II, 4, édition citée, p. 255.
5. lUd., p. 566.
6. Lettre du 13 janvier 1825 à Edouard de La Grange, révélée par le marquis de Luppé
dans Les Travaux et les Jours de M. de Lamartine, p. 115. 166 Pierre-Georges Castex
Mais cette seconde candidature ne ressemblait pas à la première. En 1824,
Lamartine avait été le candidat du Trône et de l'Autel ; parmi ses partisans,
il comptait le vicomte de Bonald et Mgr Frayssinous, ministre des Affaires
ecclésiastiques. Depuis lors, pressentant où conduisait la réaction de Charles X,
il avait évolué. En 1827, il était aux côtés de Chateaubriand pour défendre
contre le ministère Villèle la liberté de la presse. En 1828, il approuva les
ordonnances dirigées contre les jésuites. Aussi trouva-t-il en 1829 parmi les
promoteurs de sa candidature (avec Chateaubriand et Villemain, qui lui
demeuraient fidèles depuis 1824) non plus un Frayssinous, mais un Royer-
Collard, chef des « doctrinaires », honni des ultras, président centriste de la
Chambre sous le ministère Martignac.
Comme Hugo, Lamartine avait évolué vers le libéralisme. Comme pour
Hugo, 1829 marqua pour lui le grand tournant. Son discours de réception à
l'Académie, le 1er avril 1830, témoigne d'une vraie conversion. A une date
où les ultras étaient accusés de lutter pour une gérontocratie, il se tournait
vers l'avenir et vers la jeunesse :
Heureux ceux qui viennent après nous ! Tout annonce par eux un
grand siècle, une des époques caractéristiques de l'humanité. Le fleuve
a franchi sa cataracte... l'esprit humain coule dans un lit plus large.
Une intention droite l'emporte et le dirige ; une soif immense de perfec
tionnement, de morale et de vérité le dévore ; un sens nouveau, un sens
salutaire ou terrible lui a été donné pour l'assouvir. Ce sens qui a été
révélé à l'humanité dans sa vieillesse, comme pour la consoler, la rajeunir,
c'est la presse...
Une jeunesse studieuse et pure s'avance avec gravité dans la vie...
On dirait qu'un siècle la sépare des générations qui la précèdent. Elle
sent la dignité de la vocation humaine, vocation relevée et élargie par des
institutions où l'ordre

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