Le biais mimétique dans le choix des techniques : un facteur d asphyxie du développement autocentré en Tanzanie - article ; n°100 ; vol.25, pg 787-800
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le biais mimétique dans le choix des techniques : un facteur d'asphyxie du développement autocentré en Tanzanie - article ; n°100 ; vol.25, pg 787-800

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1984 - Volume 25 - Numéro 100 - Pages 787-800
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Daniel Théry
Le biais mimétique dans le choix des techniques : un facteur
d'asphyxie du développement autocentré en Tanzanie
In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°100. pp. 787-800.
Citer ce document / Cite this document :
Théry Daniel. Le biais mimétique dans le choix des techniques : un facteur d'asphyxie du développement autocentré en
Tanzanie. In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°100. pp. 787-800.
doi : 10.3406/tiers.1984.4370
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1984_num_25_100_4370LE BIAIS MIMÉTIQUE
DANS LE CHOIX DE TECHNIQUES
Un facteur d'asphyxie du développement autocentré en Tanzanie
par Daniel Théry*
Depuis la déclaration d'Arusha (1967) la Tanzanie est volontiers citée
après la Chine comme un des rares cas réels d'une tentative de dévelop
pement plus autocentré (self-reliance) et moins inégalitaire.
Dès 1974, beaucoup ont déjà noté, et la Banque mondiale a apprécié,
le quasi-abandon de la philosophie ujamaa, une forme de participation collec
tive volontaire de la base jugée finalement prématurée. Elle a été remplacée
par le regroupement autoritaire et le développement villageois correspondant
à un mode très conventionnel de planification du bas par le pouvoir d'en
haut.
L'objet de cet article1 est de constater que le projet d'un développe
ment autocentré ne s'est pas traduit au plan concret par le choix de
techniques plus appropriées (ta). Au contraire, la tendance spontanée au
transfert technologique non sélectif, que nous appelons le biais mimét
ique, s'est maintenue après comme avant 1967 et a pesé comme pro
cessus d'auto-asphyxie externe de la Tanzanie. L'insistance mise sur d'au
tres facteurs, surtout exogènes (sécheresse, guerre, prix d'exportation...)
et aussi sur d'autres échecs endogènes comme dans l'agriculture, risque
d'éclipser le rôle du biais mimétique depuis l'indépendance dans la crise
aiguë de devises que vit la Tanzanie 1975.
Dans une première partie nous rappellerons le rôle central que la problé
matique du pluralisme socialement géré de technologies appropriées (ta)
devrait jouer au sein d'une réorientation stratégique vers un autre développe-
* Chargé de recherches cnrs au cired. (Restant responsable de l'article, l'auteur remercie
S. Latouche pour ses conseils.)
1. Voir les notes précédentes Revue Tiers Monde, n° 88, p. 877-884, 1981, et n° 93, p. 169-
176, 1983.
Reeue Tiers Monde, t. XXV, n° 100, Octobre-Décembre 1984 788 DANIEL THÉRY
ment plus ambitieux en matière de besoins fondamentaux, moins inégalitaire,
moins dépendant... Un tel pluralisme complexe est un instrument clé pour
harmoniser des ambitions partiellement contradictoires. Il ne constitue pas
du tout une évidence pour un pays moins avancé (pma) si l'on en juge par la
force d'attrait du biais mimétique pour des technologies occidentales récentes,
en général trop capitalistiques, trop grandes et trop sophistiquées. Après
avoir défini (partie i) et mesuré (partie 2) le biais capitalistique sur les iso-
quantes de neuf industries à grande échelle et ses conséquences potentielles,
nous constaterons la réalité massive de l'excès mimétique extra-économique
dans les choix de techniques industrielles qui coexistent en 1975 dans dix
branches en Tanzanie.
Par sa définition même le biais mimétique échappe aux explications par
les mécanismes économiques étroits (partie 3). Il renvoie à des motifs politiques
et culturels : la préférence des décideurs centraux — ingénieurs et gestion
naires — pour une concentration du pouvoir économique dans de grandes
unités, le complexe d'infériorité technique du Tiers Monde et la fascination
du « dernier cri » de la technique. La victoire sur la sophistication mimétique
devient le symbole d'une parité technologique, acquise par l'apparence d'un
rattrapage quasi magique, i.e. par un saut sans cheminement.
1. Choix de techniques : un bref rappel théorique
1 . 1 . La technologie, variable-carrefour
au cœur d'une réorientation multi dimensionnelle
vers un « autre développement » moins inégal et moins dépendant
II suffit de rapprocher le rapport Que F 'aire (1975) sur un autre déve
loppement et la liste de douze « dimensions » pertinentes du choix de
technologies appropriées, formulée par Galtung et Reddy vers 1975 pour
constater l'imbrication multidimensionnelle étroite de la technologie et
des stratégies de développement. Cette liste multi critère2 explicite les
liaisons entre le choix technique et des thématiques telles que la partici
pation, les besoins essentiels, le développement autocentré du village au
pays entier, la capacité scientifique et technologique (S et T) endogène,
la lutte contre les inégalités et la pauvreté, l'aliénation culturelle et la
pénibilité physique du travail, l'environnement et la gestion des ressources
naturelles dont l'énergie fossile, les énergies renouvelables.
La liste oublie d'expliciter la nécessaire pluralité des TA, incluant petit
et grand, local et transfert..., qui ne doit plus être une pluralité déséquilibrée,
dominée par le biais mimétique, mais une fondée sur la sélection
des solutions dont chacune, aussi satisfaisante qu'on la veuille choisir, doit
être resituée dans l'ensemble. C'est la combinaison, entre opérations produc-
2. Liste multi critère que l'auteur a reproduite dans Sachs et cired, 1981, p. 306. LE BIAIS MIMÉTIQUE 789
tives différentiellement « équipées », entre unités productives d'âge, de taille
et de localisation très différentes dans une branche, entre branches dans une
région, entre régions... qui permet à l'ensemble des techniques sélectionnées
de répondre à la multiplicité des dimensions explicites du choix planifié et
géré de techniques plus appropriées (emplois, productivité, répartition terri
toriale, devises...).
Beaucoup reste à élaborer pour la théorie du pluralisme technologique
qui gère la diversité, lutte contre les contradictions et recherche les symbioses3.
1.2. Le biais mimétique
A) Le préjugé du non-choix. — Avant 1970, les économistes ont accrédité
à tort la règle du déterminisme technologique, du non-choix. La plupart
croyaient que la substitution efficiente du travail au capital est une exception
résiduaire, balayée par le progrès continu qui rend obsolètes au Nord les
techniques antérieures dans presque toutes les branches. Encore aujourd'hui
combien feignent d'ignorer que c'est par le recours à des machines à la fois
obsolètes au Nord* et optimales en Corée du Sud que celle-ci a maximisé son avan
tage dans le textile mondial vers 1964 ! (Ranis, 1973). Tout en maintenant la
nécessité de se prémunir contre la tentation de passer d'un excès capitalistique
à son contraire, un excès « travaillistique », trois générations de travaux empi
riques anglo-saxons ont démontré depuis 1970 que les marges de substitution
efficientes sont la règle et non Г exception, que l'enjeu macroéconomique est massif
et qu'en contradiction avec le modèle néo-classique d'optimisation, domine
un biais mimétique pas totalement réductible à des causes économiques
(Pack, 1980 et Winston, 1979).
B) Le biais mimétique comme excès d'écart dynamique. — Les pratiques spon
tanées de ces trois décennies de développement sont dominées par ce que je
propose d'appeler le biais mimétique qui décale le choix des techniques de production
sous l'effet d'une préférence (non démontrable par une théorie économique)
vers les techniques les plus récentes mises au point par et pour le Nord, désirées
pour elles-mêmes. Le biais est un écart statique (capitalistique, grande échelle
et sophistication) supérieur à l'écart mimétique, justifiable par un pari jouable
sur des avantages dynamiques futurs. Un écart « raisonné » (sur l'échelle et la
sophistication surtout) peut accélérer les progrès de productivité et un
« embrayage » sur la capacité technicienne, ce qui dépend pour beaucoup de
la profondeur du pass&

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents