Le bourgeois et la musique au XIXe siècle - article ; n°17 ; vol.7, pg 123-136
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Description

Romantisme - Année 1977 - Volume 7 - Numéro 17 - Pages 123-136
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph-Marc Bailbé
Le bourgeois et la musique au XIXe siècle
In: Romantisme, 1977, n°17-18. pp. 123-136.
Citer ce document / Cite this document :
Bailbé Joseph-Marc. Le bourgeois et la musique au XIXe siècle. In: Romantisme, 1977, n°17-18. pp. 123-136.
doi : 10.3406/roman.1977.5129
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1977_num_7_17_5129Joseph-Marc BAILBË
Le bourgeois et la musique au XIXe siècle.
Pour Anne-Claire.
Le mot bourgeois a perdu peu à peu sa référence à une classe
sociale bien déterminée, en fonction du rôle qu'elle attache à l'argent,
et d'une réelle conscience de classe au niveau de ses intérêts et de ses
aspirations. Il représente finalement un être abstrait sans signi
fication nette, qui a le privilège de susciter des réactions diver
ses et parfois sommaires. Un artisan voit dans le bourgeois
l'image d'un être égoïste et autoritaire ; un gentilhomme ou aristocrate
y voit l'image du roturier qui cherche à assurer sa position sociale de
façon ridicule en raffinant sur les belles manières ; l'artiste ne pense
qu'à une individualité sotte et prétentieuse. Henri Monnier écrit :
"Chez les artistes le mot bourgeois est une injure et la plus grossière
que puisse renfermer le vocabulaire de l'atelier" l. Il est vrai que la
bourgeoisie a acquis, à partir de la Restauration, un réel pouvoir
économique qu'elle a su conserver avec habileté2. On est vite passé
du goût de l'épargne à celui de la jouissance immédiate ; certains de
ces nouveaux riches étaient d'origine modeste et la faiblesse de leur
culture suscitait les moqueries les plus vives. Ce sommet de la sottise
bourgeoise3 Flaubert a voulu l'immortaliser dans son Dictionnaire des
idées reçues, où il donne, pour chaque mot à la mode, ce qu'il convient
de dire pour paraître avisé en société. Et après avoir présenté
M. Homais il a, dans Bouvard et Pécuchet, mis l'accent sur des per
sonnages, grotesques et touchants à la fois, qui veulent s'élever à un
niveau de science qu'ils ne peuvent assimiler. Henri Monnier de son
côté a fait de Joseph Prudhomme la synthèse de la bêtise bourgeoise,
éloquente et tatillonne. Maupassant dans les Dimanches d'un bourgeois
de Paris présente ainsi M. Patissot : "II était plein de ce bon sens qui
confine à la bêtise"4.
Intérêt sordide, ambition, sottise prétentieuse, goût de l'ordre établi,
code de valeurs figées, telles sont les connotations habituelles du mot
bourgeois. Il faudrait rassembler tous ces traits pour avoir un dessin
à peu près convenable. Mais il est juste de dire que, malgré la contribut
ion remarquable des caricaturistes et des romanciers, aucune figure
ne parvient à s'imposer définitivement comme archétype satisfaisant. Jean-Marc Baiïbé 124
Daumier présente le bourgeois "avec sa sottise, avec sa banalité
démesurée, avec son nez au vent, ses chapeaux tuyau de poêle, ses
ventres pointus, ses jambes grêles, et quelque chose de surnaturel et
de divin marqué dans chaque pli du vêtement, dans chaque ligne du
visage, et qui est la haine du Beau" 5. Des Jeune-France de Gautier aux
Davidsbu'ndler de Schumann circule surtout un flot de mystification
destiné à épater le bourgeois dans sa "médiocrité de vivre et de sentir",
le philistin et son goût des pièces morales, en même temps que s'affi
rment les motivations essentielles de la jeunesse romantique. En fait
l'esprit bourgeois subit des fluctuations et connaît des regains à
diverses époques, car il sait s'adapter aux mœurs nouvelles, aux arts
nouveaux, mieux il excelle à reprendre à son compte les mouvements
d'idées ; c'est une notion à la fois simple et fuyante.
En ce qui concerne la musique, la soumission du bourgeois à une
forme de médiocrité régnante et aux réussites des industriels du
spectacle provoquait cette invective de Berlioz qui traduit la mentalité
du compositeur devant une société qui, par son goût et ses méthodes,
retarde d'un siècle : "On dirait que nous éprouvons en France, quand
il s'agit de nos institutions musicales ou de l'influence qu'elles peuvent
exercer sur nos mœurs un véritable bonheur à n'avoir pas le sens
commun"6. Durant une bonne partie de sa carrière ce musicien sera
en lutte ouverte contre les traditions académiques et les hommes qui
les incarnaient. Pourtant la musique, par son rayonnement et son
attrait, devait fatalement s'imposer à la mentalité bourgeoise. On lit
dans la Gazette musicale de 1834 : "Jamais, depuis que les Français
s'occupent d'art, on n'a observé chez eux un tel empressement à
accueillir tout ce qui peut favoriser le développement de la musique.
C'est une fureur, une rage ; on n'entend parler de toutes parts que
de nouveaux établissements qui s'élèvent, d'associations d'artistes qui
se forment, de tentatives pour l'introduction de l'Opéra allemand, de
concerts périodiques et isolés, de nouveaux journaux de musique, de
publications à bon marché". Il semble que le dilettantisme bourgeois
et ses composantes économiques se manifestent d'autant plus aisément
que la fièvre romantique s'apaise, et que la musique se transforme en
art d'agrément nécessaire pour briller en société : le goût de la
romance sentimentale et troubadour, la vogue des soirées musicales où
l'on entend des ouvertures et des airs d'opéra, la naissance d'un certain
mythe de l'artiste portent témoignage de cet "art bourgeois indiscret"
dont parle R. Barthes7.
La musique, alors conçue comme un art de mode et de vanité, de
beaux timbres et d'exercices de virtuosité, satisfait les interprètes
adulés au plus haut point, et renforce chez le bourgeois le goût du
sensualisme et du spectacle, la mobilité d'esprit, les vanités puériles.
En 1856 Scudo, qui va se manifester avec violence contre la musique
de l'avenir, montre la société française divisée en deux classes antago
nistes : la minorité d'amateurs qui raffole des concerts classiques, et
la solide classe bourgeoise livrée aux virtuoses, à la mode, à une musi
que facile exploitée par les professionnels du spectacle. Flaubert pré
sente ainsi le père d'Henry, un bourgeois aux idées reçues : "Après le
dessert il chantait volontiers du Béranger, et il trouvait aussi qu'à ce
moment-là un petit air de piano n'est pas désagréable à entendre ; bourgeois et la musique au XIX* siècle 125 Le
tout ce qui n'était pas contredanse était pour lui de la musique d'enter
rement" 8. C'est une façon de voir les choses, au niveau de la chronique,
du feuilleton, du roman, et des multiples représentations graphiques
consacrées aux variations sans fin sur le thème de l'être et du paraître.
Pourtant des esprits avisés, profonds, inquiets voient que tout n'est
pas si simple, et qu'il n'est ni utile ni habile pour les artistes de renon
cer à un public bourgeois. Dans le Salon de 1846 Baudelaire s'adresse
aux bourgeois en termes non équivoques ; il les invite à réagir, à
développer en eux le culte de la Beauté, bref à se montrer dignes des
chefs-d'œuvre qu'ils admirent ou collectionnent : "II faut que vous
soyez aptes à sentir la beauté... vous avez besoin d'art... un désir plus
brûlant, une rêverie plus active, vous délasseraient alors de l'action
quotidienne... c'est par le sentiment seul que vous devez comprendre
l'art... car se laisser devancer en art et en politique c'est se suicider,
et une majorité ne peut pas se suicider... vous êtes les amis naturels
des arts, parce que vous êtes les uns riches, les autres savants" 9. Cette
déclaration nous invite à plus de modération dans la définition et la
compréhension du bourgeois, d'autant que, devant la musique surtout,
nous sommes tous des bourgeois ou appelés à le devenir, comme les
analyses les plus récentes le prouvent. Aussi ma démarche me conduira
à envisager cette difficile question sous l'angle d'un progrès possible
de l'art musical, grâce et par le bourgeois, en envisageant successiv
ement le goût du paraître, la naissance d'un d&#

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