Le Caf conc  et l hystérie - article ; n°64 ; vol.19, pg 53-67
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Description

Romantisme - Année 1989 - Volume 19 - Numéro 64 - Pages 53-67
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rae Beth Gordon
Le Caf conc' et l'hystérie
In: Romantisme, 1989, n°64. pp. 53-67.
Citer ce document / Cite this document :
Beth Gordon Rae. Le Caf conc' et l'hystérie. In: Romantisme, 1989, n°64. pp. 53-67.
doi : 10.3406/roman.1989.5586
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1989_num_19_64_5586Beth GORDON Roe
Le Caf cone' et l'hystérie
La place qu'occupent le cabaret parisien et le café-concert dans l'histoire
culturelle des deux dernières décennies du XIXe siècle est généralement tenue
pour importante d'un point de vue social. Cela dit, son rôle en tant qu'innovat
eur esthétique et en particulier l'impact qu'il aurait pu avoir sur la peinture et
sur la littérature de cette période n'ont jamais été étudiés l.
Il n'est cependant pas exagéré d'affirmer que le cabaret montmartrois, Le Chat
Noir en l'occurrence, marqué par l'influence des courants artistiques de l'époque,
a exprimé un des aspects essentiels de la fin du siècle. Et cela de deux façons :
d'une part en estompant les barrières entre l'Art et la culture populaire 2 ; d'autre
part en mettant en scène (à l'état d'esquisse ou de manière pleinement accomplie)
les formes d'expression majeures qui sous-tendent ce qu'il y a de plus caracté
ristique et de plus moderne dans l'art et la littérature fin-de-siècle.
Le Chat Noir et le style épileptique
cafeonc' Une description pourrait évoquer globale l'argot, de la les forme jeux de et mots, du contenu la satire des politique représentations et la carica de
ture, les chansons de protestation sociale, la sentimentalité larmoyante (chansonn
ettes à propos d'orphelins sans le sou ou de mères tuberculeuses), l'érotisme,
le macabre..., le tout vaguement entrelacé et produisant des changements de ton
inattendus et des juxtapositions bizarres. La structure générale crée donc une
impression de décousu. L'atmosphère du Chat Noir, telle qu'elle est décrite par
Jules Lemaitre, a quelque chose d'à la fois « socialiste et napoléonien, mystique
et grivois, macabre et enclin à la romance » 3. Ces dissonances radicales de ton
et de goût nous signalent une grande diversité de classes sociales dans le public
du cafeonc'. L'éclosion d'une forme d'art éclectique, dynamique, et complè
tement nouvelle n'aurait pu se faire sans cette libération du « sérieux » impliquée
par le mélange insolite des genres. Il est certain que l'énergie anarchique dégagée
par de petits groupes d'artistes, de chansonniers et de poètes se faisant appeler
Fumistes, Zutistes, Hydropathes, et Harengs Saurs Epileptiques et précédant la
création du Chat Noir fut canalisée vers le nouveau cabaret. (Maurice Rollinat,
Charles Cros, et Emile Goudeau furent des Hydropathes. Le style des représenta
tions du Chat Noir, du Mirliton, des Ambassadeurs, de l'Eldorado et de la Scala
est, en fait, l'expression la plus vigoureuse du Kunstwollen de la fin-de-siècle.
Le premier élément structurant dans l'esthétique du cafeonc' est le rôle crucial
que joue tout ce qui entoure les artistes sur scène. Or, on connaît l'importance
ROMANTISME n* 64 (1989 - П) 54 Roe Beth Gordon
du décor dans les arts fin-de-siècle, chez Huys-
mans, Mallarmé, Samain, Montesquiou, comme
chez Gauguin ou Moreau. Cette esthétique n'ap
partient pas seulement au Japonisme omniprésent,
elle est d'abord celle du cabaret et du café-conc
ert 4. Le public varié s'y offrait lui-même comme
décor, il encadrait et mettait en valeur le spectacle
qui se déroulait sur la scène.
Dans Aux Ambassadeurs de Degas comme
dans le Divan japonais de Toulouse-Lautrec (voir
p. 124), l'orchestre et les spectateurs fournissent
un décor à l'artiste, ils représentent eux-mêmes
un spectacle qui exige autant d'attention que le
personnage sur scène. La vivacité du public, l'in
térêt visuel et social qu'il présente - il se compose
du petit peuple, du prolétariat, de la bourgeoisie,
des artistes et des intellectuels - légitiment cette nouvelle et dynamique perspect
ive.
La violence avec laquelle le public participait au spectacle dépasse de loin
la connivence du spectateur dans toute autre forme de théâtre. Dans le « beuglant »,
prédécesseur du café-concert, le public criait et chantait si fort que les artistes
pouvaient à peine être entendus. Aristide Bruant quant à lui insultera son auditoire
et lui criera des obscénités, tandis que Rodolphe Salis se moquera de sa clientèle
bourgeoise alors qu'elle passera les portes du Chat Noir. Dans de plus grands
établissements comme rElysée-Montmar-
tre, le frénésie du public rivalisait avec
celle de la scène s. Jamais les mots « le
spectacle est dans la salle » ne fuient plus ЛГ i:nr nr PAUIUS. kaii
vrais qu'à cette époque dans le café-
concert et dans le cabaret. Ce spectacle
allait bientôt déborder son cadre pour se
répandre dans des compostions plus
sérieuses.
Le deuxième élément structurant dans
l'esthétique du café-concert a des impli
cations plus vastes et révèle une fascina
tion sous-jacente de la période, à la fois
sociale et artistique. La gesticulation, en
particulier les gestes mécaniques, fréné
tiques et angulaires, est la caractéristique
essentielle du café-concert Ici les dislo
cations que Degas mettait en œuvre dans
ses toiles s'expriment par le biais du corps
humain vivant Le choix même du nom
« Les Harengs Saurs Epileptiques » ne
fut pas gratuit mais souligne un phéno
mène remarquable propre aux années Ccf conc' et l'hystérie 55 Le
1880. Le mouvement frénétique des chanteurs et des mimes se manifeste aussi
par une diction gesticulatoire que l'on ne peut qualifier que d'épileptique. Paulus
rendit célèbre cette manière de dire qui fit son énorme popularité auprès du public.
En 1880, il « met définitivement au point son style que Francisque Sarcey qualifie
de " gambillard ", en imitant les dislocations et les gesticulations d'une marionn
ette » (je souligne). Avec lui, la chanson devient une gymnastique. « П renverse
la tête en arrière en faisant jouer en même temps ses bras et ses mains. Il gambade,
il cligne de l'œil mystérieusement, il scande de sa tête chaque coupe de cymbale » 6
(voir figures p. 54). Une foule d'imitateurs a suivi. (Dans les premiers films
d'Ernest Lubitsch, on voit que Maurice Chevalier doit tout à cette tradition et,
en effet, Chevalier a commencé sa carrière à la Gaîté-RochechouarL)
Degas ne manque pas de cerner ce type de diction dans ses dessins, lithogra
phies et pastels du café-concert. Huysmans a évoqué ces « dessins et esquisses
représentant des chanteuses en scène tendant des pattes [...] ou bien se déhan
chant et beuglant dans ces ineptes convulsions qui ont procuré une quasi-célébrité
à cette poupée épileptique, la Bécat » 7. Un croquis fait quelques années auparavant
montre la Bécat en train d'exhiber la contracture hystérique (aux deux mains).
Bien que cette gymnastique de la chanson provienne du théâtre des Funamb
ules (et la pantomime demeura un élément essentiel dans le caf conc', du début
à la fin), et bien qu'elle doive quelque chose au guignol, il s'agit tout de même
d'une forme d'art originale, propre au café-concert des trente dernières années
du siècle. Mais déjà dans les années 1850, les gestes avaient acquis un statut tout
particulier dans le cabaret Après juin 1848 ils furent substitués aux mots déclarés
tabous par la censure gouvernementale. Ce qui conduisit le pouvoir à vouloir
interdire aussi certains gestes. Non seulement cette nouvelle répression ne réussit
pas à étouffer l'emploi des gestes mais elle inspira aux chanteurs un système de
gestes plus contourné et plus fortement codé : au geste censuré l'artiste substitua
le geste opposé (la main sur le derrière devint la main sur le bas-ventre) *.
Le zigzag
A examiner les aspects saillants du geste dans l'esthétique du café-concert
- angularité, frénésie épileptique, mouvements mécaniques - on en découvre les
rapports avec les cara

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