Le coucou et (est) l épervier - article ; n°150 ; vol.39, pg 139-156
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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 150 - Pages 139-156
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Colette Méchin
Le coucou et (est) l'épervier
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 139-156.
Citer ce document / Cite this document :
Méchin Colette. Le coucou et (est) l'épervier. In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 139-156.
doi : 10.3406/hom.1999.453570
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_150_4535701Í3
Le coucou et (est) l'épervier
Colette Méchin
L. E COUCOU est un oiseau jaune, maigre, aux yeux rouges. C'est un ani
mal sot et frivole. Comme il est trop paresseux pour faire un nid, il pré
fère aller déposer un œuf— qu'il pond par le bec, selon certaines rumeurs
— dans celui d'un autre oiseau. Une fois sorti de l'œuf, le jeune coucou
épuise d'abord ses parents adoptifs par sa gloutonnerie, puis il finit par les
avaler. Son cri, bien connu, n'est pas émis par le bec mais par le derrière.
Lorsqu' arrive l'été, on ne l'entend plus : il fait des provisions de céréales et,
quand vient l'hiver, il arrache ses plumes pour garnir l'intérieur d'un arbre
creux qui lui servira de gîte jusqu'au printemps. Voici, brossé à grands
traits, un portrait du coucou, composé à partir de quelques croyances, pré
jugés et proverbes — dont certains remontent à l'antiquité grecque et
romaine — qui prévalent, encore de nos jours, en Europe de l'Ouest, au
sujet de ce curieux oiseau.
On est là dans le registre populaire des représentations, où les faits d'ob
servation se mêlent à des soucis d'interprétation globalisante. À propos de
cet espace, Marlene Albert-Llorca (1991: 273) écrit : « Pour faire entrer le
réel dans les cadres destinés à l'accueillir, [il faut] parfois le réinventer ou le
reconstruire et déployer une casuistique délicate pour faire fonctionner,
malgré tout, les catégories qui permettent d'affirmer que ce monde est tout S2
de même ordonné, y compris lorsqu'il présente la figure d'un désordre. » À 5)
la difficulté de justifier l'existence du coucou dans le dessein harmonieux ^
de la Nature1 s'ajoute, pour les savants des siècles passés, une perplexité <fy
1 . Buffon, après avoir passé en revue toutes ces « fables », écrit : « Je demande pardon au lecteur de qj
m'être arrêté si longtemps sur un sujet dont peut-être l'importance ne lui sera pas démontrée ; mais Toi- ^\
seau dont il s'agit a donné lieu à tant d'erreurs que j'ai cru devoir non seulement m' attacher à en purger ^
l'histoire naturelle, mais encore m'opposer à l'entreprise de ceux qui les voulaient faire passer dans la L
métaphysique » (Bernard, ed., 1804, VII : 355-356). »UJ
L'HOMME 150 / 1999, pp. 139 à 156 concernant la situation de l'oiseau dans le grand tableau des taxonomique
genres et des espèces. Ainsi Conrad Gessner qui, au XVIIe siècle, compile
toutes les informations glanées chez les auteurs anciens, explique 2 :
« Une sorte de coucou est composée de colombe et de faucon, une autre de colombe
et d'autour [...] De la colombe en effet, il a la caractéristique de ne pas faire ses proies
des autres oiseaux, et du faucon et de l'autour d'occuper les nids des autres oiseaux
plus faibles et c'est pourquoi ces oiseaux se battent avec les coucous à l'époque où ils
pondent leurs œufs (Albert, livre XXIII). Déjà Aristote distinguait une grande et une
petite espèce de coucou. La grande sorte est composée de l'autour et de la colombe
puisqu'il a le bec, les ongles et les pieds semblables à la palombe ; le reste du corps est
semblable à l'autour, à la différence près que le plumage du coucou a de larges taches
presque rondes, alors que chez l'autour il s'agit de lignes noires ; par sa manière de
voler, il rappelle aussi l'autour. [...] Le petit est un composé de la colombe et du fau
con ; il a le bec et les pieds de la colombe mais les autres membres du corps et son vol
semblables à ceux du faucon. [...] J'ai observé parfois un jeune coucou qui était sem
blable au faucon quant au ventre et aux parties adjacentes tirant tout entier sur le noir,
mais il était parsemé de taches rougeâtres sur les ailes, beaucoup d'ouvertures de re
spiration apparaissaient sur le bec, la partie intérieure de la bouche était de couleur
jaune. Deux de ses doigts étaient dirigés vers l'avant, les deux autres vers l'arrière
comme le pivert. »
Du fait de cette ambiguïté, font remarquer plaisamment les naturalistes
modernes, Jean-Claude Chantelat et Gérard Ménatory (1978 : 3), dans un
ouvrage de vulgarisation destiné aux enfants : « Le coucou gris ( Cuculus
canorus L.) était autrefois rattaché à l'ordre des grimpeurs. Il y voisinait
avec les pics, car comme ces derniers, il possède deux doigts dirigés vers
l'avant et deux doigts dirigés vers l'arrière. On avait soin de préciser que le
coucou appartenait à la catégorie des grimpeurs qui... ne grimpent pas. »
Le coucou chez Conrad Gessner (1617).
2. Je remercie Claude Buridant, professeur de linguistique et de philologie romane à l'Université des
Sciences humaines de Strasbourg, pour ses précieux conseils et sa traduction de ce passage de Gessner.
Colette Méchin Oiseau hybride par le bec ou les pattes, oiseau ambigu par sa couleur ou
son vol, oiseau singulier par ses habitudes de ponte, le coucou est en fait
inclassable, au point que le naturaliste Belon du Mans (1555 : 132), ne '4I
sachant où le mettre, le place après les oiseaux de proie dans le Livre II,
chapitre XXVIII de Histoire de la Nature..., prétextant que «... la simili
tude qui est entre le Coqu et les oiseaux de proie est cause que l'avons mis
en ce lieu avant parler des oiseaux de nuit ».
Ce malaise classificatoire, ressenti par les savants naturalistes au cours
des âges, sera interprété, dans le domaine des croyances ordinaires, comme
la mutation d'une espèce dans l'autre, au point que, comme le résume
Buffon : « Le peuple disait donc il y a vingt siècles comme il le dit encore
aujourd'hui, que le coucou n'est autre chose qu'un petit épervier méta
morphosé » (Bernard, ed., 1804, VII : 348). Dès Aristote, cette croyance
aura beau être vigoureusement combattue3, non seulement elle est encore
repérable dans le corpus folklorique des provinces françaises au XIXe siècle
(Rolland 1877; Sébillot 1905 ; Beauquier 1910, etc.), mais elle se maint
ient aujourd'hui, malgré les documentaires animaliers télévisuels et les
publications de toutes sortes sur le sujet. Une enquête, effectuée en 19944,
révèle à travers des dictons toujours connus, mais aussi curieusement à
partir d'une observation attentive, cette fort ancienne conviction : « À la
Saint Barnabe (11 juin), le coucou devient épervier» (Hautes-Pyrénées) ;
« à la Saint Benoît (11 juillet) il [le coucou] se transforme en "tiercelet"
[faucon crécerelle]» (Saône-et-Loire). Un lecteur du Chasseur français
écrit : « Et moi je pense que le coucou est un petit oiseau qui plane au-des
sus de ses proies pour les endormir et fond à pic pour les attraper, et ce
petit oiseau s'appelle rémouché » [un des noms de différents rapaces
diurnes]. Un autre propose : « Aou mes garbé, lou coucut débient esparbe (Au
mois gerbier [juillet], le coucou devient épervier) » et il ajoute : « Ce dont
je doute, car on peut voir des éperviers en avril et mai ; à moins que les
deux ne soient un seul et même oiseau. » Évidemment cette transforma
tion qui continue à questionner nos contemporains n'a guère, à notre
époque, qu'une valeur anecdo tique et peut être rangée au magasin des
curiosités puisque ni le coucou ni l'épervier n'occupent plus, dans notre
imaginaire de sociétés essentiellement urbaines, de place privilégiée. Aussi,
pour comprendre les implications sociales d'une telle croyance, il importe
de se reporter quelques siècles en arrière, lorsque, en Europe, entre le Xe et ^
i
3.documenté, coucou.4.cats, Extrait Cf. de Bodson m'avoir d'une qui 1982. offert enquête m'avait Mes les échappé moyens (1994) remerciements dont ainsi et qui je que remercie fait à cet les le colonnes auteur point Pierre pour sur de Lancrenon, les la sa communication revue connaissances pour rédacteur en gréco-latines rendre de en ce chef compte.travail du Chasseur concernant extrêmement

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