Le livre des mots de l ancienne Égypte - article ; n°120 ; vol.33, pg 67-76
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Romantisme - Année 2003 - Volume 33 - Numéro 120 - Pages 67-76
Qu'elle subsiste à l'état de trace (plus ou moins prévisible, plus ou moins profonde) ou qu'elle constitue le foyer brûlant d'une œuvre tout entière vouée et dévouée à sa représentation, l'Egypte a, au XIXe siècle, marqué d'une empreinte indélébile nos régimes de composition et modes d'exposition, qui sont en vérité ceux des signes du monde. L'évolution propre aux récits de voyage (cédant progressivement à la romancisation touristique), mais aussi aux textes égypto- logiques (saisis, à leur tour, par la tentation du romanesque), signale, parmi d'autres métamorphoses typologiques et stylistiques, le lent infléchissement de l'imaginaire littéraire égyptisant vers un imaginaire plus volontiers scriptural, langagier - hiéroglyphique. Cinq catégories imagologiques majeures témoignent en effet de cette irréversible prise de pouvoir du Signe dans l'ensemble des domaines artistiques, selon une équation associant, de façon consubstantiel- le, Egypte et langage, images d'Egypte et images de langage, comme s'il s'agissait, enfin, d'approcher et d'appréhender, dans son infinie finitude, le mystère de toute forme de parole et de tout système d'écriture.
Whether it remains as a trace - more or less deep or predictable - or whether it constitutes the burning core of a work entirely devoted to its representation, Egypt in the XIXth century marked with its indelible imprint our systems of composition and methods of exposition, which are, in reality, those of the signs of the world. The evolution specific to travel narrations - which progressively yield ground to the touristic novel - but that, also, of egyptologic texts - which, in their turn, are gripped by the temptation of novelisation - shows, among other metamorphoses in typology and stylistics, the slow shift of fancy of Egyptian-influenced literature towards a more readily scriptural, linguistic or hieroglyphic fancy. Five major imagologic categories indeed bear witness to this irreversible takeover by the Sign in the whole of artistic fieds, in accordance with an equation combining, in a consubstantial way, Egypt with language, - images of Egypt and images of language as if it were a matter of approaching and apprehending, in its infinite finiteness, the mystery of every form of speech and of every system of writing.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Luc Vivès
Le livre des mots de l'ancienne Égypte
In: Romantisme, 2003, n°120. pp. 67-76.
Citer ce document / Cite this document :
Vivès Luc. Le livre des mots de l'ancienne Égypte. In: Romantisme, 2003, n°120. pp. 67-76.
doi : 10.3406/roman.2003.6106
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2003_num_33_120_6106Abstract
Whether it remains as a trace - more or less deep or predictable - or whether it constitutes the burning
core of a work entirely devoted to its representation, Egypt in the XIXth century marked with its indelible
imprint our systems of composition and methods of exposition, which are, in reality, those of the signs of
the world. The evolution specific to travel narrations - which progressively yield ground to the touristic
novel - but that, also, of egyptologic texts - which, in their turn, are gripped by the temptation of
novelisation - shows, among other metamorphoses in typology and stylistics, the slow shift of fancy of
Egyptian-influenced literature towards a more readily scriptural, linguistic or hieroglyphic fancy. Five
major imagologic categories indeed bear witness to this irreversible takeover by the Sign in the whole of
artistic fieds, in accordance with an equation combining, in a consubstantial way, Egypt with language, -
images of Egypt and images of language as if it were a matter of approaching and apprehending, in its
infinite finiteness, the mystery of every form of speech and of every system of writing.
Résumé
Qu'elle subsiste à l'état de trace (plus ou moins prévisible, plus ou moins profonde) ou qu'elle constitue
le foyer brûlant d'une œuvre tout entière vouée et dévouée à sa représentation, l'Egypte a, au XIXe
siècle, marqué d'une empreinte indélébile nos régimes de composition et modes d'exposition, qui sont
en vérité ceux des signes du monde. L'évolution propre aux récits de voyage (cédant progressivement à
la romancisation touristique), mais aussi aux textes égypto- logiques (saisis, à leur tour, par la tentation
du romanesque), signale, parmi d'autres métamorphoses typologiques et stylistiques, le lent
infléchissement de l'imaginaire littéraire égyptisant vers un imaginaire plus volontiers scriptural,
langagier - hiéroglyphique. Cinq catégories imagologiques majeures témoignent en effet de cette
irréversible prise de pouvoir du Signe dans l'ensemble des domaines artistiques, selon une équation
associant, de façon consubstantiel- le, Egypte et langage, images d'Egypte et images de langage,
comme s'il s'agissait, enfin, d'approcher et d'appréhender, dans son infinie finitude, le mystère de toute
forme de parole et de tout système d'écriture.Luc VIVES
Le livre des mots de l'ancienne Egypte
L'Egypte apparaît souvent dans la littérature du XIXe siècle sous forme de
résurgences, d'irruptions soudaines et imprévisibles. Mais elle ne doit pas être regar
dée comme une simple ornementation, un embellissement secondaire. Si l'Egypte est
bien une ressource, elle se déploie dans l'épaisseur même du texte, traversant souter-
rainement la création pour venir brusquement bouillonner à la surface de la page afin
de déterminer, à Г improviste, telle conviction ou tel jugement. Elle est une nappe
intérieure, qui trahit la persistance du thème égyptien dans l'esprit de l'auteur. Il en est
ainsi pour le rêve dont Baudelaire fit le récit dans une lettre adressée à Asselineau le
13 mars 1856. Michel Butor en a livré une analyse extrêmement détaillée, s' attachant
à faire voir les rapports cachés entre les nouvelles alors fraîchement traduites des His
toires extraordinaires d'Edgar Poe et l'œuvre à venir de Baudelaire. Toutefois, certaines
expressions significatives n'ont pas été relevées dans cette étude. Nous en voulons
pour preuve la mention de ce «langage quasi hiéroglyphique» qui accompagne l'évo
cation du rêve, d'ailleurs hanté de «figures égyptiennes» (Butor justifie la présence de
ces dernières par le fait que la demeure de Mme Aupick, dont le mari avait été ambas
sadeur de France en Egypte, comportait certainement des meubles «retour d'Egypte» l) :
Mon cher ami, puisque les rêves vous amusent, en voilà un qui, j'en suis sûr, ne vous
déplaira pas. Il est 5 heures du matin, il est donc tout chaud. Remarquez que ce n'est
qu'un des mille échantillons dont je suis assiégé, et je n'ai pas besoin de vous dire que
leur singularité complète, leur caractère général [...] me poussent toujours à croire qu'i7s
sont un langage quasi hiéroglyphique dont je n'ai pas la clef2.
Cette formule désigne explicitement l'image onirique comme une écriture étrangère
(Baudelaire reconnaît qu'il n'a pas «la clef» d'une telle hieroglyphic), comme un sys
tème de signes à décrypter et à interpréter. Mais avant que d'en venir au langage des
rêves, le poète rêve d'abord de langage - il rêve le langage: «un livre de moi», «mon
livre», «un livre obscène», «offrir le livre», «il n'est plus question du livre», «offrir
cet ouvrage à cette femme», «les anciens cabinets de lecture», «il y a une note», «et
d'autres notes de ce genre», «un seul journal», etc. À partir de là, l'écriture, qui est la
matière même du songe, s'énonce sur un mode égyptisant, c'est-à-dire «quasi
hiéroglyphique». On pourrait en proposer la paraphrase suivante: j'écris que je rêve
d'écriture, mais ce rêve d'écriture me dit quelque chose que je ne sais pas traduire. En
d'autres termes, l'auteur reporte sur l'énigme onirique l'imaginaire de l'énigme hiéro
glyphique. Ce transfert, il est vrai, n'est pas propre à Baudelaire. D'une certaine façon,
nombre d'écrivains, en France, ont progressivement reporté sur l'ensemble des manif
estations orales ou écrites du langage l'imaginaire des signes de l'Egypte antique.
1. Michel Butor, Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire, Gallimard, NRF, 1961,
p. 204.
2. Charles Baudelaire, Correspondance, Claude Pichois (éd.), Gallimard, coll. «Bibliothèque de la
Pléiade», 1973, 1. 1, p. 338; souligné par nous. Voir pour les citations suivantes p. 338-340. Lire enfin les
commentaires de Marc Eigeldinger, à propos de ce paragraphe, dans «Baudelaire et le rêve maîtrisé»,
Romantisme, n° 15, 1977, p. 38-41.
ROMANTISME n° 120 (2003-2) 68 Luc Vives
Les voyages en relation
L'ensemble des écrivains voyageurs ont, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, laissé se
perpétuer un certain nombre d'erreurs, en refusant de vérifier par eux-mêmes des
informations qu'ils se contentaient de recopier dans les ouvrages de leurs prédécess
eurs. Au seuil du nouveau siècle, l'Egypte, sans cesse représentée, sans cesse décrite,
est d'abord un espace livresque. Mais qu'il prenne ou non à cœur de vérifier la justes
se de telle ou telle affirmation, le voyageur (pré)romantique ne renonce pas à disposer,
entre lui et ce qu'il est venu admirer, la page d'écriture, le journal de bord, la biblio
thèque de voyage. Parmi les exemples les plus fameux, citons - même si le texte
considéré ne contient aucun développement, sinon quelques digressions, sur l'Egypte
antique ou moderne - le Voyage en Orient (1835) de Lamartine, qui s'était embarqué
avec près d'un demi-millier d'ouvrages dans ses malles. La littérature de voyage
demeure souvent un écran sur lequel sont projetés le savoir et les rêveries de l'écri
vain, qui préfère voir (lire) l'Egypte en mots plutôt qu'en vrai.
Ainsi la relation de voyage a-t-elle longtemps redoublé les discours qui lui étaient
antérieurs, ajoutant au déjà-dit, au déjà-redit, sa propre réitération. Ce que l'on vient
désormais observer doit nécessairement correspondre à ce qui a été lu, l'écriture
s' apparentant de la sorte à la vérification de connaissances fournies par la lecture. Le
visiteur cultivé visite moins l'Egypte qu'une Egypte selon Volney ou Savary, Vivant
Denon ou Chateaubriand - une Egypte à la manière de. Simultanément, l'inflation des
récits se rapportant à l'Egypte désigne la difficulté de la re-présenter. De telle sorte

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