Le mariage avec la cousine parallèle dans le système arabe - article ; n°3 ; vol.5, pg 113-173
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Description

L'Homme - Année 1965 - Volume 5 - Numéro 3 - Pages 113-173
61 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

Joseph Chelhod
Le mariage avec la cousine parallèle dans le système arabe
In: L'Homme, 1965, tome 5 n°3-4. pp. 113-173.
Citer ce document / Cite this document :
Chelhod Joseph. Le mariage avec la cousine parallèle dans le système arabe. In: L'Homme, 1965, tome 5 n°3-4. pp. 113-173.
doi : 10.3406/hom.1965.366745
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1965_num_5_3_366745LE MARIAGE AVEC LA COUSINE PARALLÈLE
DANS LE SYSTÈME ARABE
par
JOSEPH CHELHOD
J'ai commencé ce travail en disciple de W. Robertson Smith, du moins en ce
qui concerne la parenté et le mariage chez les anciens Arabes. Mais l'examen
objectif des faits, à la lumière d'une enquête ethnographique en profondeur, m'a
montré que son hypothèse du matriarcat, basée sur des survivances et des preuves
philologiques discutables, ne résistait pas sérieusement à la critique, et surtout
que le passage d'une filiation à une autre ne semblait ni suffisant ni nécessaire
pour résoudre le problème épineux de l'union préférentielle avec la fille de l'oncle
paternel. Au contraire, la structure de la société bédouine, son mode d'existence
et sa conception de la femme et de la famille seraient de nature à favoriser
l'endogamie.
Cependant, il semble que l'explication proposée par le savant britannique du
mariage avec la bint 'arnm, une fois débarrassée de l'hypothèse du matriarcat, soit
de nature à nous faire comprendre, mieux que toute autre théorie, le conflit sour
nois qui oppose les intérêts de l'oncle paternel à ceux de son neveu, ainsi que
l'hypothèque prise par ce dernier sur la main de la fille du frère de son père.
La confrontation du passé avec le présent et l'exploitation méthodique des
statistiques m'ont permis de re viser certains de mes jugements. Je pense en
particulier à la fréquence du mariage avec la hint 'amnt qui s'est avérée plus impor
tante qu'on ne le pense généralement. Ce résultat fut acquis grâce à un calcul
plus adéquat qui tient compte d'un facteur négligé jusqu'ici : la polygamie. JOSEPH CHELHOD 114
« Le premier crime commis sur cette terre
eut pour cause le refus de l'échange matrimon
ial. Plutôt que de céder sa sœur jumelle à son
' demi-frère ' et de prendre celle de ce dernier,
qu'il estimait moins belle, Caïn refusa d'obéir
aux prescriptions de la loi, tua A bel et commit
l'inceste. »
Croyances des Arabes Tiyâha1.
I. État du problème
Le problème de la parenté et du mariage chez les Arabes semble à l'ordre du
jour. Longtemps considéré par les ethnologues comme « une sorte de domaine
réservé », pour reprendre une expression de M. Cl. Lévi-Strauss2, il a fait l'objet,
ces dernières années, de maintes études intéressantes portant sur diverses sociétés
arabo-islamiques. Après les travaux deB. Z. Seligman3, de F. Barth4, de R. Patai5,
de R. Murphy et L. Kasdan6, pour ne citer que les plus importants, M. J. Berque7,
dans le cadre des « Entretiens interdisciplinaires sur les sociétés musulmanes »,
lui a consacré, en 1959, un passionnant colloque au cours duquel ont été confrontées
les vues des ethnologues et des islamologues. Récemment encore M. J. Cuisenier8
a exposé les résultats de son enquête chez les Ouled Arfa, en Tunisie septentrio
nale. Il nous a donc semblé utile de faire le point sur cet important problème.
Ce qui caractérise essentiellement le système arabe de parenté et sur lequel
d'ailleurs ont été justement axées la plupart des études évoquées plus haut, c'est
le mariage préférentiel avec la hint 'anint, c'est-à-dire avec la fille de l'oncle patern
el. La coutume reconnaît en effet au fils du frère du père un droit sur la fille de
1. Croyance recueillie par l'auteur de ces lignes. Selon les Tiyâha, durant cette période
très lointaine du début de l'humanité, on interdisait seulement le mariage avec la mère et
la sœur jumelle. C'est pourquoi, par une faveur divine, Eve ne mettait au monde que des
jumeaux de sexe différent. De ce point de vue, Caïn ne serait que le « demi-frère » d'Abel
car il ne provient pas de la même « portée ».
2. C. Lévi-Strauss, « Le problème des relations de parenté », Systèmes de parenté, École
Pratique des Hautes Études, Paris, 1959, p. 13.
3. B. Z. Seligman, «Studies in Semitic Kinship », Bulletin of the School of Oriental Studies,
London, 1923, vol. Ill, pp. 51-68, 263-280.
4. F. Barth, « Father's Brother's Daughter Marriage in Kurdistan », Southwestern
Journal of Anthropology, 1954, v°l- X, pp. 164-171.
5. R. Patai, « Cousin-Right in Middle Eastern Marriage », Southwestern Journal of
Anthropology, 1955, vol. XI, pp. 371-387.
6. R. Murphy and L. Kasdan, « The Structure of Parallel Cousin Marriage », The Amer
ican Anthropologist, 1959, vol. 61, pp. 17-29.
7. Systèmes de parenté, op. cit.
8. J. Cuisenier, « Endogamie et exogamie dans le mariage arabe », L'Homme, 1962,
vol. II, n°, 2 pp. 80-105, LE MARIAGE ARABE 115
ce dernier. C'est pourquoi il ne lui est demandé généralement qu'un douaire
symbolique, imposé du reste par l'Islam.
Ce mariage préférentiel qui serait d'origine préislamique, est observé aujour
d'hui un peu partout dans le monde arabe. Dans la Péninsule arabique, le droit
coutumier du cousin serait aussi vivant aujourd'hui qu'il y a cent ou cent cin
quante ans, note à ce propos M. R. Patai, en se basant sur les récits des voyageurs
et des anciens explorateurs1. D'après l'enquête extensive de cet auteur, il est
encore respecté en Arabie centrale, méridionale et septentrionale, en Jordanie,
en Palestine, en Syrie, en Iraq, dans le Kurdistan, en Iran, en Egypte, dans le
Soudan anglo-égyptien et en Afrique du Nord. Ce type d'union est très fréquent
parmi les tribus nomades et semi-nomades ; couramment pratiqué dans les cam
pagnes, il est moins observé dans les cités. Le droit sur la main de la cousine pater
nelle est invoqué surtout par les musulmans, et sporadiquement par les chrétiens
et les juifs2. Chose étrange, l'auteur de cette intéressante enquête, qui parle lo
nguement des prérogatives du cousin paternel, ne dit presque rien d'un de ses prin
cipaux privilèges, à savoir qu'il est pratiquement dispensé du paiement du douaire.
C'est à peine s'il l'évoque à propos du mariage syrien, quand il note que cette cou
tume est motivée par le désir de garder la propriété dans la famille3. Nous aurons
l'occasion de revenir sur cette explication.
Dans la littérature ethnologique, une telle union apparaît comme une except
ion. En effet, dans le mariage avec la cousine croisée, plus généralement observé,
l'exogamie semble de rigueur. Le preneur, malgré la parenté effective qui le lie au
donneur, a conscience de prendre sa femme en dehors de sa consanguinité. En
outre, l'épouse est accordée en échange ou en prévision d'une autre alliance. Or,
dans le mariage arabe tel qu'il fonctionne encore chez les Bédouins, le clan se
replie sur lui-même, prend ses femmes dans la parenté agnatique la plus proche au
point de frôler l'inceste, et le neveu n'offre apparemment à l'oncle paternel aucune
compensation matérielle en contrepartie de la main de sa fille, contrairement à la
loi de l'échange.
Pour expliquer cette anomalie, diverses hypothèses ont été avancées, qui
semblent osciller entre deux pôles : l'économie et la politique. Il s'agirait tantôt
d'éviter les sorties de capitaux afin de préserver l'héritage familial; tantôt de
« capter » les gendres, en vue de renforcer le pouvoir personnel du beau-père ;
1. R. Patai, article cité, p. 371.
2. R. cité, pp. 371 sq., 386. Une dérogation est observée parmi certaines
tribus montagnardes de l'Arabie du Sud, qui reconnaissent au père le droit de marier sa fille
à sa guise. R. Patai explique le fait par l'isolement de ces tribus qui auraient été ainsi sous
traites à l'influence culturelle islamique moyen-orientale et auraient conservé des coutumes
différentes et probablement plus anciennes (article cité, p. 373). Pour ce qui est des chrétiens,
il semble

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