Le Philoctète de Sophocle et l éphébie - article ; n°3 ; vol.26, pg 623-638
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 623-638
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Vidal-Naquet
Le Philoctète de Sophocle et l'éphébie
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 3-4, 1971. pp. 623-638.
Citer ce document / Cite this document :
Vidal-Naquet Pierre. Le Philoctète de Sophocle et l'éphébie. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 3-4,
1971. pp. 623-638.
doi : 10.3406/ahess.1971.422433
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_3_422433INSTITUTIONS
Le Philoctète de Sophocle et l'éphébie
de à serment, appeler une la Le phalange recherche travail le jure paradoxe de qu'on contre antérieure. se conformer de va la l'éphébie lire1 phalange, J'avais voudrait à la athénienne combat tenté morale apporter alors collective loyal 2. L'éphèbe, de un et mettre combat complément des en lorsqu'il hoplites solidaire évidence et : prête celle une : ce « son qu'on illustration du Je n'abancombat fameux peut
donnerai pas mon compagnon de rang ». Or le récit étiologique de la fête des Apa-
touries, au cours de laquelle, au sein de la phratrie, les éphèbes sacrifiaient leur
chevelure, nous jetait dans un univers tout à fait différent : celui de la ruse, de
Va.Tza.Tri. Le combat singulier et frontalier qui opposait le « noir » (Mélanthos)
au « blond » (Xanthos) n'était remporté par le premier, qui du coup accédait au trône
d'Athènes, que grâce à une tromperie divine ou humaine. Ce paradoxe était en
réalité celui de l'éphébie tout entière et, par-delà cette institution athénienne, celui
de l'ensemble des rites et procédures par lesquels le jeune Grec symbolisait le passage
de l'état d'enfance à l'état d'adulte, c'est-à-dire de guerrier 3. L'éphèbe s'oppose à
l'hoplite à la fois par la localisation spatiale de ses activités guerrières et par la nature
des combats auxquels il participe. L'éphèbe (ou le crypte lacédémonien) est lié
à la zone-frontière. 11 est le peripolos, celui qui tourne autour de la cité sans y pénét
rer, comme le fait au sens propre du terme l'éphèbe des Lois de Platon, Vagronomos.
Institutionnellement, il est l'hôte des fortins de la frontière (les oureia crétois). Son
mode normal de combat n'est pas l'affrontement hoplitique, héritier lui-même, à sa
1. Cette étude a fait l'objet d'un exposé à Г « Association pour l'encouragement des études
grecques » le 1er décembre 1969. J'ai fait mon profit des remarques qui m'ont été faites par Marc
el Détienne et Philippe Rousseau et, depuis lors, par Alain Schnapp, Jean-Pierre Vernant et
François Villard. Je remercie aussi mes contradicteurs et, notamment, Jacqueline de Romilly.
2. « Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie athénienne », Annales, E.S.C., 1968, pp. 947-964,
paru aussi en anglais dans les Proc. Cambr. Phil. Assoc. 194 (1968), pp. 49-64. Je renvoie à cet article
pour tout le détail de la démonstration, me contentant ici d'en résumer les principales conclusions.
3. La littérature du sujet a été longtemps dominée par le livre d'H. Jeanmaire, Couroi et Cour êtes,
Lille et Paris, 1939; on dispose depuis peu d'une magistrale synthèse d'A. Brelich, Paides e Par-
thenoi, Rome, 1969.
623 INSTITUTIONS
façon, du combat homérique, mais l'embuscade, nocturne ou non, la ruse. Tout
cela se laissait ramener à un schéma initiatique de type assez classique, analogue
à Г« épreuve en brousse » que connaissent tant de sociétés « primitives », africaines
notamment. L'étude de la mythologie grecque montrait par ailleurs, que, très
souvent, cette épreuve était dramatisée par une chasse, accomplie solitairement ou
en petits groupes, avec un droit, qui était celui des jeunes gens, à l'emploi de la ruse,
de Гатсатт) 1. Mais, bien entendu, ce droit à la ruse est strictement localisé dans
l'espace et dans le temps. A moins de se perdre dans la brousse, comme le fait le
Melaniôn de la chanson de Lysistrata, le « chasseur noir » qui avait fourni son
titre à notre précédente étude, il faut bien que le jeune homme revienne. Le serment
des éphèbes athéniens, dont on aimerait du reste savoir à quel moment du cursus
éphébique il se prêtait 2, au début ou à la fin des deux ans de « service militaire »
auxquels se ramenait l'éphébie au ive siècle, ne parle ni de ruse, ni de zone frontière,
il parle exactement du contraire. C'est en réalité un serment des hoplites. La fameuse
invocation par laquelle il se termine : « les bornes de la patrie, les blés, les orges,
les vignes, les oliviers, les figuiers », est, entre toutes, significative. Le champ d'acti
vité du futur hoplite sera non l'espace indécis des frontières, mais l'espace cultivé
des champs. La mention des « bornes de la patrie » ne doit pas induire en erreur.
Il ne s'agit pas ici de Vèexa-ria., de ces zones disputées où s'affrontent Mélanthos
et Xanthos et bien d'autres héros ou groupes de héros de la fable ou de l'histoire
grecques, mais bien des bornes qui délimitent physiquement la x^Pa proprement
dite, les terres de culture 3. Bien entendu, ce schéma idéal a été très largement bous
culé par l'histoire. Les formes de combat qui étaient restées longtemps l'apanage
des jeunes gens, des préhoplites, des combattants de la nuit, s'imposent peu à peu
à tous au cours de la guerre du Péloponnèse, et plus encore, au rve siècle, quand le
mercenaire relaie peu à peu le soldat-citoyen 4.
Tel que je viens de le résumer, ce schéma me paraît de nature à éclairer certains
aspects du Philoctète, l'avant-dernière des sept tragédies conservées de Sophocle,
1. Sur la chasse dans les initiations grecques, voir maintenant A. Brelich, op. cit., pp. 175, 198-
199.
2. La tradition antique est strictement contradictoire : Lycurgue, dont le témoignage est
évidemment le plus direct mais ne vaut que pour son propre temps, mentionne le serment que
prêtent « tous les citoyens lorsqu'on les inscrit sur le registre du dème et qu'ils deviennent éphèbes»
(Contre Léocrate, 76); même indication dans une glose d'ULPEEN (Scholie ad Demosth. Ambass.,
303 in Oratores Attici, Didot, II, p. 637). Au contraire Pollux place et l'inscription sur le registre
des dèmes (ce qui est manifestement faux) et le serment au terme du service éphébique (VIII, 105,
s.v. 7tepÍ7ToXoi). C. Pélékidis (Histoire de Véphébie attique, Paris, 1962, p. 111) est enclin à suivre
Lycurgue. Toutefois le mot тгер17гоХ<н qui désigne à la fois les éphèbes et les soldats appartenant
au corps des patrouilleurs (Pélékidis, op. cit., pp. 35-47) est attesté à date beaucoup plus ancienne
que le mot Zç-rç^oi et il n'est pas totalement exclu que Pollux dépende d'une source Lycurgue.
3. Je dois d'avoir compris l'importance capitale de cette distinction à l'enseignement de L. Robert
à l'École des Hautes Études (1963-1964).
4. Pour une esquisse de cette évolution, cf. mon étude « La tradition de l'hoplite athénien »
in J.-P. Vernant (éd.), Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris et La Haye, 1968, pp. 161-
181, notamment pp. 174-179. Sur l'œuvre de Xénophon comme témoin de cette évolution, cf. la
contribution d'A. Schnapp, Actes du Colloque de Royaumont sur les Problèmes de la terre en
Grèce ancienne, septembre 1969.
624 « PHILOCTETE » ET L'EPHEBIE P. VIDAL-NAQUET
représentée en 409 avant J.-C. à une date où la guerre du Péloponnèse avait pris,
pour Athènes, figure tragique. Il ne s'agit pas ici — faut-il le préciser? — de dévoiler
on ne sait quel « secret » du Philoctète qui aurait échappé aux commentateurs de la
pièce. Il est plus que douteux que de tels « secrets » existent. Mais la comparaison
d'une œuvre littéraire aussi profondément inscrite dans la liturgie civique qu'une
tragédie grecque et d'un schéma institutionnel est une méthode qui a déjà fait ses
preuves 1 et qui peut faciliter une lecture nouvelle, à la fois historique et structurale
de l'œuvre.
Évoquée brièvement dans Y Iliade (П, 718-725), trai

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