Le Souci anthropologique - article ; n°97 ; vol.26, pg 331-344
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Description

L'Homme - Année 1986 - Volume 26 - Numéro 97 - Pages 331-344
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Smith
Le Souci anthropologique
In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 331-344.
Citer ce document / Cite this document :
Smith Pierre. Le Souci anthropologique. In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 331-344.
doi : 10.3406/hom.1986.368692
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1986_num_26_97_368692Pierre Smith
Le Souci anthropologique
Les Pierre d'ambiguïté au s'estomper. nous Lévi-Strauss, susciter problèmes scientifique souci rapports semblent Smith, aujourd'hui anthropologique et est et de entre Louis Le difficiles les moins leurs Souci bases l'ethnologie Dumont de accomplissements évident anthropologique. à nombreuses d'un trouver. sans et large qu'il Dan et lequel l'anthropologie Au consensus a Sperber perplexités pu delà inégaux, — le Le de paraître projet nous sur leurs des et les invitent théorique lui-même son auteurs divergences il anthropologique voies y arrimage a à qui vingt-cinq comme sont rester est s'ouvrent face marqués à voué éveillés Claude l'idéal à peut ans. ces à
L'année de naissance de la revue L'Homme fut aussi celle où je décidai
de devenir ethnologue. Cette époque marqua, comme la création de la
revue devait en témoigner, un nouvel essor de l'anthropologie française,
dû notamment à l'influence devenue prépondérante de l'œuvre et de
l'enseignement de Claude Lévi-Strauss qui venait d'être nommé au
Collège de France. De vastes perspectives s'ouvraient alors à la recherche
et à la réflexion, et nous étions animés de certitudes neuves. L'occasion
de cet anniversaire engage à faire le point, brièvement et de façon néces
sairement subjective, sur certains aspects d'un champ qui aujourd'hui,
pour emprunter à Rodney Needham le titre de sa conférence inau
gurale à la chaire d'Oxford, paraît plutôt hérissé de « perplexités
essentielles w1.
Dans un article, publié dans L'Homme en 1978, Louis Dumont
écrivait : « De l'alternance de phases que Thomas Kuhn a trouvée dans
l'histoire des sciences, l'une, la ' révolution structurale ', semble constante
chez nous, tandis qu'il reste peu de place pour la phase moins ambitieuse
et plus calme vouée à la solution de problèmes limités (puzzle solving)
1. R. Needham, Essential Perplexities, Oxford, Clarendon Press, 1978.
L'Homme 97-98, janv.-juin 1986, XXVI (1-2), pp. 331-344. '



332 PIERRE SMITH
dans un cadre sur lequel tous sont d'accord entre deux révolutions »2.
Actuellement, pourtant, c'est cette dernière qu'apparemment nous
vivons, encore que son « cadre » paraisse flou, contesté ou absent, ou du
moins guère définissable en termes explicites propres à susciter un très
large accord. On peut se demander si celui-ci est possible dans une
discipline qui, comme la nôtre, se voue simultanément à défricher et à
déchiffrer au plus loin et au plus près, dans un domaine qui n'a d'autres
limites que celles de l'univers de l'expérience humaine acquise, reconsti
tuée ou imaginée selon certaines normes qui en sont issues et qui sont sans
cesse soumises à de nouvelles évaluations subjectives. Qu'en est-il, par
exemple, de notre arrimage à l'idée que nous nous faisons de la science ?
En entendant, il y a vingt-cinq ans, C. Lévi-Strauss définir, de façon
étincelante, l'anthropologie comme « l'astronomie des sciences humaines »
et parler de l'expérience du terrain comme du « laboratoire » où s'entre
tient le noyau fondamental de notre activité, nous découvrions comment
nous allions devenir des savants voués à une aventure intellectuelle et
physique nécessaire. L'optimisme méthodologique du premier recueil
intitulé Anthropologie structurale était de mise et le caractère scientifique
du modèle proposé n'était guère contesté par ceux qui le faisaient leur.
Aujourd'hui, l'analogie avec l'astronomie qui scrute des réalités de plus
en plus lointaines et évanescentes, et prend en compte de façon essentielle
la position de l'observateur, reste fondée eu égard aux ambitions qui
permettent à l'anthropologie de conserver une conception de son unité
et de son identité, mais nous comprenons mieux que l'instrument décisif
des mathématiques dans le laboratoire n'est pas vraiment à notre portée.
Si le propre d'une démarche scientifique est de formuler des hypothèses
vérifiables, nous n'avons, pour nous départager quant à ce qui est arbi
traire ou non dans les vérifications éventuelles elles-mêmes, rien d'autre
qu'une intime conviction reposant sur les intuitions d'une sensibilité
anthropologique affinée par notre expérience du terrain et nos lectures.
Ce sont des critères plus moraux que scientifiques qui emportent l'adhé
sion nécessaire des uns aux travaux des autres selon l'idée que nous nous
faisons du respect d'un idéal jamais atteint.
L'ethnologie a accompli un pas capital dans la connaissance précise
d'une masse de faits exemplaires qui ne pouvaient être saisis, à une
époque donnée, que par elle, et en multipliant les questions qui se posent
à partir d'eux ; mais cela acquis, sa revendication d'un statut plus scien
tifique que ceux de l'histoire ou de la philosophie, par exemple, repose plus
2. L. Dumont, « La Communauté anthropologique et l'idéologie », L'Homme,
1978, XVIII (3-4) : 83-110. Reproduit dans : Essais sur l'individualisme. Une
perspective anthropologique sur l'idéologie moderne, Paris, Le Seuil, 1983 : 188- 189. - - - : . ■■....■ Le Souci anthropologique 333
sur le souci qu'il en soit ainsi que sur le caractère inéluctable d'un déve
loppement sui generis de la raison scientifique armée d'instruments et de
méthodes qui lui imposent un itinéraire finalement exact. Nous décou
vrons pas à pas comment les faits se prêtent le mieux aux analyses, mais
celles-ci reposent toujours sur des présupposés ambiants que rien ne vérifie
de façon décisive. Les rejets successifs, sur des bases objectives, de pré-1
supposés antérieurs déblaient peu à peu l'horizon sans que des décou
vertes incontestables imposent un consensus positif sur la façon de faire
progresser l'explication de faits mieux compris.
Servir la connaissance des sociétés concrètes, de l'étendue et des
limites de l'expérience humaine vue à travers les configurations sociales
et culturelles, est une tâche passionnante qui ne sera jamais épuisée ;
quant à la faire servir, de façon constamment renouvelée, à une connais
sance plus fondamentale et générale, il est permis de se demander si
l'intérêt en soutiendra indéfiniment le projet sans s'émousser. L'histoire
des idées connaît de tels hiatus. Seul l'aiguillon d'une exigence insatis
faite peut finalement nous éviter le piège d'un scepticisme démobilisateur.
Le refus d'asservir l'anthropologie à une idéologie quelconque et la
reconnaissance de la nécessité d'une aspiration scientifique, pourtant
encore hors de portée, sont susceptibles de susciter un large accord. Cela
ne peut suffire, cependant, pour éviter le danger de voir le projet anthropo
logique se diluer dans les constantes remises en cause de tout apport
constructif , se désintégrer dans une multitude d'orientations hasardeuses
ou s'estomper dans la brume des utopies délaissées. Il est clair que ce
projet doit aussi reposer sur des conceptions propres, suffisamment parta
gées et adaptées à l'ampleur du champ de la recherche, aux voies permet
tant de la maîtriser, à la diversité de ses objets et de ses méthodes, au
souci de l'objectivité et du progrès de la connaissance, aux limitations,
enfin, qui lui sont imposées. Celles-ci apparaissent aujourd'hui plus nette
ment que jamais et la multiplication vertigineuse, depuis vingt-cinq ans,
des recherches de tous ordres, confrontée au lent effacement des sociétés
qui constituaient notre « laboratoire », ne fait que les souligner davantage.
Elles imposent que nous ayions une conscience suffisamment claire de ce
que nous prétendons faire.
Les vastes conceptions de C. Lévi-Strauss, ses hypothèses argu-
mentées, ses analyses particulières nou

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