Le Théâtre en pays chinois - article ; n°1 ; vol.8, pg 353-363
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Description

Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1907 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 353-363
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1907
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait

Paul Enjoy d'
Le Théâtre en pays chinois
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 8, 1907. pp. 353-363.
Citer ce document / Cite this document :
Enjoy d' Paul. Le Théâtre en pays chinois. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 8,
1907. pp. 353-363.
doi : 10.3406/bmsap.1907.7017
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1907_num_8_1_7017— LE THÉÂTRE EN PAYS CHINOIS 353 d'eNJOY.
LE THEATRE EN PAYS CHINOIS
Par M. Paul d'Enjoy.
Avant de devenir une institution possédant ses professionnels et son
répertoire, une littérature adaptée au genre artistique qu'elle représente,
dotée d'établissements fixes, destinés au spectacle public, le théâtre chi
nois n'avait primitivement ni feu ni lieu où abriter ces pauvres gueux de
comédiens en haillons, histrions lamentables, plus habitués aux geôles
qu'aux succès populaires et qui mouraient de fiim sous le mépris public,
lorsque de grands seigneurs en veine de générosité na leur offraient pas
un asile provisoire et ne recueillaient pas les troupes errantes pour leur
donner gîte et couvert, auprès de leur domesticité dédaigneuse.
Tandis que 500 ans avant Jésus-Christ, les Grecs avaient, déjà au temps
d'Eschyle, un théâtre fixe dédié à Bacchus, les Orientaux installaient
leurs tréteaux misérables au hasard des emplacements libres, comme on
procède chez nous pour un cirque de passage ou une bande de gitanos.
En Chine — il faut bien le dire — le théâtre est resté tributaire des
pantomimes, danses, jongleries et pitreries, d'où il est issu. Il a bien évo
lué vers l'art, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, mais sans l'a
tteindre au vrai seas du terme, demeurant un amusement populaire, sans
plus de portée.
Autres temps, autres mœurs.
L'état primitif de saltimbanques, de nomades miséreux est demeuré la
condition sociale des acteurs prienlaux, dans la plupart des provinces
intérieures et l'on peut dire, en particulier pour la Cochin-Chine, l'An-
Nam, le Ton-Kin et le Cambodge, que le parasitisme est la vie de ces
malheureux artistes. En effet, à l'exception des villes-capitales, comme
Ba-noïou Sai-gon dans les faubourgs desquelles — tel Cho-Lon — grouille
une population affairée, qui, le soir venu, se rend au spectacle pour s'y
distraire surtout de jeux de bateleurs, d'acrobaties et de grosses farces
bouffonnes, où la morale reçoit mains coups de batte, aucun théâtre pro
prement dit, vraiment digne de ce nom, n'existe, ni subventionné par les
autorités publiques, ni constitué par une entreprise privée dans le but
d'en tirer profit.
Vivre du théâtre, c'est, en pays jaune, comme vivre de proxénétisme :
une simple infamie, et l'idée d'exercer de la sorte une industrie profitable
au point de vue pécuniaire ne saurait être admise par une personne honor
able ayant quelque souci de sa réputation.
Là-bas, qui dit acteur, sous-entend déclassé et pis encore, car il se
mêle à celte opinion un mépris particulier de l'histrion, qui le ravale au
dernier degré de la vie plébéienne.
Ceux qui fréquentent de tels gens sont comme" éclaboussés de leur
opprobre. Ce n'est certes pas en ces contrées que se poserait la question
soc. d'anthhop. -1907. 24 20 juin 4907 354
de décorer, un acteur ni même de lui octroyer le plus modeste titre honor
ifique.
Honneur et théâtre y font antithèse !
Les comédiens ne sont pas seulement méprisés, mais réputés en quel
que sorte infâmes, puisque leur seule qualité les fait exclure des examens
du mandarinat et qu'ils sont, par leur propre condition, inaptes aux fonc
tions publiques : Tel en France un malfaiteur à qui le tribunal correc
tionnel fait application de l'article 42 du code pénal et de ses déchéances.
Ainsi, dans les villes chinoises où sont édifiés des théâtres fixes, ces
établissements sont-ils mis a l'index, comme s'il s'agissait 'd'un stupre,
dans les faubourgs mal hantés, au cœur des rues chaudes, dans la promisc
uité déshonorante des maisons de débauche.
Est-ce à dire que l'infamie de l'acteur s'explique par la répugnance
marquée de la population pour les représentations théâtrales ? Répondre
affirmativement, serait traduire très inexactement le sentiment du public.
Bien au contraire, nul plus que l'Oriental n'aime le spectacle et n'y
goûte de joie.
On sait, par ailleurs, combien les Chinois sont artistes. En peinture
notamment, les maîtres illustres Ou-ïao-Hioun dit aussi Ou-Tao-Seu du
vme siècle, les frères Yen-Ti-Té et Yen-Li-Peun du vir* ; Chan-San-Yéou
du vie, pour ne citer que ceux-là, ont créé des œuvres dignes d'admirat
ion et, dès le m° siècle, les tableaux religieux de Sao-Fou-Hin sont demeur
és célèbres.
En architecture, les pagodes du Ciel à Pékin (la capitale du Nord), les
ponts de marbre du palais d'été, la merveilleuse tour de porcelaine de
Nam-Kin (la capitale du Sud), témoignent orgueilleusement du génie artis
tique national.
Un peuple qui a découvert l'imprimerie 860 ans avant l'Europe (exac
tement en l'an 593 de notre era, sous la dynastie Souï), dont le répertoire
dramatique au temps des Youen comptait déjà, plus de 500 volumes
d'opéras (Sa-Khi), est bien un peuple épris d'art.
Faut-il évoquer à l'appui de cette opinion les poètes lyriques, Ouai-
Ouei du ix° siècle, Li-Tai-Pé et Tou-Pou du vme<? Quelle délicate grâce
dans ce morceau, que défigure forcément la traduction :
« Ma barque glisse au fil de l'eau, sur l'onde se mirent le ciel et les
«c nuages. L'illusion est telle qu'il me semble voguer dans l'azur : ainsi se
« reflète en mon cœur l'image de ma bien aimée. »
La poésie lyrique est si appréciée en Chine, que pour en trouver l'or
igine, il faut remonter jusqu'à la dynastie Chan, et par conséquent à plus
de 1750 ans avant Jésus-.Christ. Qu'étaient notre civilisation occidentale,
notre sens artistique européen à cette époque ? Etions-nous même nés à
la vie sociale, alors que les Chinois déclamaient déjà les poèmes du Chi-
Kinh, l'un des cinq livres canoniques?
L'art dramatique, il est vrai, ne commença à paraître en Chine que
vers l'an 720 de notre ère ; il y fut importé de l'Inde avec le bouddhisme.
Cette nouveauté fut accueillie d'abord avec faveur, puisque l'empereur D'eNJOY. LE THEATRE EN PAYS CHINOIS 355
Hiouen-Tsinh fonda à Pé Kin une académie de musique. Mais, si le Chi
nois glorifie l'art, en tant que production artistique, création, composit
ion, s'il admire le romancier, le poète, l'auteur dramatique ou comique,
le compositeur de musique, en un mot, l'homme de talent ou de génie
qui enfante une œuvre artistique, il méprise au contraire l'imitation, l'i
nterprétation, le jeu, et là est tout le secret de son apparente contradiction
en cette matière.
ce L'auteur est un dieu, dit un proverbe chinois, il crée ; l'acteur est un
« singe : il grimace. »
A ce point de vue, l'esprit public est impitoyable. Les grands, les sou
verains même n'échappent pas à sa censure terrible. Tandis qu'un empe
reur de la dynastie Chan fut glorifié pour avoir proscrit le théâtre
comme : «.un vain plaisir » , tel autre fut privé de sépulture parce qu'il
avait « donné trop de son temps aux spectacles » et surtout, tache infamante :
« fréquenté des comédiens l »
Le sage Confucius, Kon-Fou-Chéou, qui écrivit un traité musical, n'
échappa pas — malgré sa sainteté — aux rigueurs vertueuses de l'empe
reur Ki-Hoang-Ti. Son ouvrage fut détruit avec tout ce qui «provoquait à
la dissolution des mœurs par l'attrait des trêtaux », et il n'est resté du traité
du philosophe que le souvenir de son litre : Yo-Kinh.
Revenons à l'époque contemporaine.
Lorsque dans les villes ou villages où il n'existe pas de théâtre fixe,
une troupe artistique est annoncée, c'est un concours de peuple vers
l'asile des acteurs. On se h

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