Les auto-couronnements d empereurs et de rois (XIIIe-XIXe siècles). Remarques sur la fonction sacramentelle de la royauté au Moyen Âge et à l époque moderne. - article ; n°1 ; vol.128, pg 102-118
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Les auto-couronnements d'empereurs et de rois (XIIIe-XIXe siècles). Remarques sur la fonction sacramentelle de la royauté au Moyen Âge et à l'époque moderne. - article ; n°1 ; vol.128, pg 102-118

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1984 - Volume 128 - Numéro 1 - Pages 102-118
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Carlrichard Brühl
Les auto-couronnements d'empereurs et de rois (XIIIe-XIXe
siècles). Remarques sur la fonction sacramentelle de la royauté
au Moyen Âge et à l'époque moderne.
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 128e année, N. 1, 1984. pp. 102-
118.
Citer ce document / Cite this document :
Brühl Carlrichard. Les auto-couronnements d'empereurs et de rois (XIIIe-XIXe siècles). Remarques sur la fonction
sacramentelle de la royauté au Moyen Âge et à l'époque moderne. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 128e année, N. 1, 1984. pp. 102-118.
doi : 10.3406/crai.1984.2100
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1984_num_128_1_2100102 COMPTES RENDUS DE f ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
COMMUNICATION
LES AUTO-COURONNEMENTS D'EMPEREURS
ET DE ROIS (xiIIe-XIXe S.).
REMARQUES SUR LA FONCTION SACRAMENTELLE DE LA ROYAUTÉ
AU MOYEN ÂGE ET À L'ÉPOQUE MODERNE,
PAR M. CARLRICHARD BRÙHL, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE
Qui donc ne connaît le célèbre tableau que le premier peintre
de l'Empereur, Louis David, a donné du sacre de Napoléon Ier, le
2 décembre 18041 ? Napoléon couronne Joséphine de ses propres
mains, tandis que le pape Pie VII, installé sur son trône pontifical,
regarde dans le vide en souriant vaguement.
Cette représentation officielle de la cérémonie2, dans laquelle le
pape paraît comme quelqu'un qui ne serait absolument pas concerné,
a fondamentalement influencé l'image que la postérité s'est faite de
cet événement : le seul véritable acteur, qui se couronne lui-même
puis couronne son épouse3, c'est Napoléon ; le pape n'est qu'un
spectateur mélancolique. Et pourtant, la vérité était toute différente.
Le pape, qui n'était finalement venu à Paris, après beaucoup de
va-et-vient diplomatiques, que sur l'impérieuse volonté de Napol
éon4, a non seulement donné l'onction à Napoléon comme à José-
1. Frédéric Masson (Le sacre et le couronnement de Napoléon, Paris, 1908,
p. 273 et suiv.) rapporte plusieurs particularités sur la confection de cette pein
ture colossale, qui valut à David le titre de « Premier peintre de l'Empereur », et
pour laquelle il reçut 100 000 francs d'honoraires — à une époque où le salaire
mensuel d'un ouvrier devait être de 60 ou 70 francs environ. Voir aussi José
Cabanis, Le sacre de Napoléon, Paris, 1970, p. 23-25 (Trente journées qui ont fait
la France).
2. David était témoin oculaire et avait reçu officiellement la commande de
Napoléon de fixer pour l'éternité ce jour historique. L'œuvre fut terminée en
1807 ; le 4 janvier 1808, Napoléon l'examina pendant une heure avec l'impérat
rice dans l'atelier de David, place de la Sorbonne. (Voir Masson, op. cit., p. 274
et 281 ; Cabanis, op. cit., p. 24-25). Il était bien entendu nécessaire à David de
faire des concessions à la réalité : sur la peinture, la place d'honneur revient à
« Madame Mère », Letizia Bonaparte, qui n'était pas plus présente au sacre que
Lucien et Jérôme Bonaparte qui sont également représentés : Cabanis, p. (15)
des planches. La peinture complète se trouve ibid. p. (23-24).
3. Du point de vue de l'Église, Napoléon et Joséphine n'étaient pas mari et
femme, car leur mariage avait été civil. Ce fut qui révéla le fait au
pape. Contre sa volonté, dans la nuit qui précéda le sacre, Napoléon dut se faire
administrer le sacrement du mariage par le cardinal Fesch, mais sans témoins (!).
Cf. Masson, op. cit., p. 152-155 ; Cabanis, op. cit., p. 192-193.
4. Le sacre avait d'abord été fixé au 18 brumaire (9 novembre), mais le pape
n'avait quitté Rome que le 2 novembre et malgré les impérieuses instances de
Napoléon, n'arriva pas à Fontainebleau avant le 25 novembre. Cf. Masson, p. 117,
146-152 ; voir aussi p. 86 et suiv. les négociations pour la venue du pape à Paris. DE SOUVERAINS (xiIIe-XIXe S.) 103 AUTO-COURONNEMENTS
phine mais il a aussi — chose qu'on ne voit guère sur le tableau de
David — récité, pendant le couronnement, les prières requises par
le « Cérémonial français » pour le couronnement du roi5. Ainsi le pape
assura, sans aucun doute, la partie principale du cérémonial du sacre,
y compris la messe du couronnement.
Mais voilà davantage : dans les conversations préliminaires tenues
à Rome, le cardinal Fesch, oncle de Napoléon6, avait expressément
accepté l'exigence formulée par le cardinal-secrétaire d'État
Consalvi, qu'il n'y aurait aucune modification apportée au Pontificale
romanum, et que c'est le pape qui donnerait à l'empereur et à
l'impératrice l'onction aussi bien qu'il les couronnerait, et c'est
sur la base de ces assurances que le pape Pie VII s'était mis en route
pour Paris7.
Ce n'est qu'après son arrivée à Paris que le pape s'était trouvé
confronté à de nouveaux souhaits — ou plutôt à de nouvelles exi
gences — de Napoléon, qui avait maintenant dans l'idée de cou
ronner lui-même son épouse, ce qui pouvait encore être relativement
indifférent au pape. Mais, sous un prétexte cousu de fil blanc — il
voulait, prétendait-il, éviter par ce moyen, une lutte entre ses grands
dignitaires, lesquels auraient souhaité le couronner au nom du
peuple — , il en vint à exiger de se couronner lui-même, le rôle du pape
n'étant plus que de bénir la couronne, et pendant le couronnement
de réciter une prière. Il semble que le pape se laissa imposer cet
affront sans résistance et accepta même que l'empereur et l'impérat
rice renonçassent à recevoir la communion à la fin de la messe8.
Ce qui me paraît important dans tout ceci, c'est le fait qu'il n'était
pas prévu, à l'origine, que Napoléon se couronnerait lui-même, au
contraire on imposa cela au pape, au mépris de toutes les promesses
formelles qui lui avaient été faites9, et ce n'est qu'un point parmi de
nombreux autres qui transforment en farce, du point de vue du céré
monial, le couronnement impérial de 1804,
C'était le d'un citoyen porté au premier rang par
la tourmente révolutionnaire, non le sacre d'un vrai souverain par la
grâce de Dieu. Le couronnement de Napoléon est à la vérité le seul
5. Masson, p. 170 et suiv. ; Cabanis, p. 208 et suiv.
6. Sur le cardinal Fesch, p. 80-81.
7. Masson, p. 92 et suiv., particulièrement p. 109 « La cérémonie du sacre et
du couronnement est indivisible : cela est bien précisé. Le couronnement est
partie intégrante et substantielle de la cérémonie ».
8. Masson, p. 176-178, 181-185.
9. Le fait que l'empereur se soit couronné lui-même en présence du pape a
paru tellement inouï à de nombreux historiens qu'ils ont supposé que Napoléon
avait dupé le pape à l'instant même du couronnement en lui soufflant pour ainsi
dire la couronne. Cela est absolument hors de question : le couronnement par lui-
même de Napoléon s'est fait, sans aucun doute, avec l'accord préalable du pape.
Voir Masson, p. 178, n. 1. COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 104
exemple historique où l'on ait vu un monarque se couronner lui-
même en présence du Pape, mais il est loin d'être le seul exemple de
couronnement par soi-même, que l'on peut même trouver associé à
l'onction.
Il faut remarquer que l'expression d'auto-couronnement ou de
« couronnement par soi-même » est contradictoire dans ses termes,
car la notion de couronnement implique un rapport entre deux
personnes, celui qui couronne (coronator) et celui qui doit être
couronné (coronandus). C'est précisément cette évidence qui m'avait
permis de distinguer le Kronenbrauch du haut Moyen Âge du Krô-
nungsbrauch de l'époque carolingienne et des siècles suivants, c'est-
à-dire que l'usage de posséder des couronnes est bien autre chose que
l'usage de se faire couronner10.
Il n'est donc pas sans intérêt d'examiner d'autres exemples de
couronnement par soi-même, et de s

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