Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre - article ; n°80 ; vol.23, pg 95-106
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Description

Romantisme - Année 1993 - Volume 23 - Numéro 80 - Pages 95-106
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 74
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Elisabeth Parinet
Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre
In: Romantisme, 1993, n°80. pp. 95-106.
Citer ce document / Cite this document :
Parinet Elisabeth. Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre. In: Romantisme, 1993, n°80. pp. 95-106.
doi : 10.3406/roman.1993.6212
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1993_num_23_80_6212PARINET Elisabeth
Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre
Au XIXe siècle, les réseaux de circulation de l'imprimé sont multiples,
variant avec le type d'ouvrages et le public concerné * : librairies spécialisées,
bouquinistes, bazars, kiosques, colportage... En 1852 apparaît un nouveau réseau,
celui des bibliothèques de gare qui suscite bien des remous dans toute la
profession du livre, jusqu'à la fin du siècle. Seuls, le public et la Librairie
Hachette semblent y trouver leur compte. En effet, après quelques années de
rodage, les bibliothèques de gare connaissent, dès les années 60, une grande
activité, encourageant leurs concessionnaires à multiplier les implantations. Et
leur chiffre d'affaires ne cesse de croître jusqu'à la fin du siècle, alors même que le
nombre des libraires en faillite augmente de façon inquiétante. Ce succès fait qu'on
ne peut étudier la librairie dans la seconde moitié du XIXe siècle sans prendre en
compte le phénomène des bibliothèques de gare et s'interroger sur les causes et les
répercussions de leur réussite.
Naissance des bibliothèques Hachette
L'idée de créer un réseau de librairies dans les gares fut d'abord celle de W.H.
Smith qui, à partir de 1848, négocia avec les compagnies anglaises de chemin de
fer l'installation de kiosques où l'on vendrait livres, journaux et tous objets utiles
aux voyageurs. Pour ce public et ces points de vente nouveaux, il créa même une
collection spéciale d'ouvrages. En 1851, Louis Hachette, revenant de Londres où
il est allé visiter l'Exposition universelle, décide d'imiter le libraire-éditeur
anglais 2. En effet, le réseau ferré français rayonne déjà depuis Paris sur tout
l'hexagone, les projets sont encore nombreux et le nombre des voyageurs croît
très vite. La période d'expérimentation est terminée, c'est l'heure de l'exploitation
régulière. Louis Hachette peut raisonnablement penser que le moment est venu
d'installer des points de vente dans les gares. Sans l'exemple anglais, en aurait-il
eu l'idée? C'est possible, pour plusieurs raisons. La première est que certains
petits commerces prospèrent déjà dans l'enceinte des gares, à commencer par la
restauration et la vente des journaux. La deuxième est que l'activité des chemins de
fer a déjà eu des retombées éditoriales, puisque Napoléon Chaix imprime et fait
vendre dans les gares son Livret-Chaix, qui contient tous les renseignements
administratifs nécessaires au voyage. Enfin, l'activité de la Librairie Hachette dans
le domaine scolaire et universitaire est suffisamment établie et l'entreprise est en
train d'amorcer une diversification éditoriale.
ROMANTISME n°80 (1993 - П) Elisabeth Parinet 96
Avec la création de bibliothèques de gare, cette diversification serait, en fait,
double. L'éditeur Hachette pourrait développer son activité dans le domaine de la
littérature générale. L'idée première est, en effet, de publier des guides : guides-
itinéraires pour le voyageur soucieux de s'intéresser au paysage qui se déroule à
ses yeux ou aux curiosités des villes d'étape ; guides "cicerone" recensant les
beautés et curiosités d'une région de villégiature. Toutefois, Hachette ne
négligerait pas le voyageur plus blasé, que ces découvertes n'intéressent pas : les
bibliothèques de gare proposeraient aussi, pour rompre la monotonie du voyage,
des livres distrayants ou instructifs, regroupés avec les guides dans une
"Bibliothèque des Chemins de fer". Par ailleurs, cette ouverture de la production
vers la littérature romanesque et le livre pratique se doublerait de la mise sur pied
d'un véritable réseau de points de vente, domaine dans lequel Hachette n'a encore
aucune expérience.
La Compagnie du Nord est la première à répondre favorablement à la
proposition de la Librairie Hachette et, le 25 mai 1852, l'accord est signé.
Hachette obtient le droit exclusif d'installer des bibliothèques dans les gares du
réseau et d'y vendre les volumes de sa "Bibliothèque des Chemins de fer", ainsi
que "tous les articles de librairie qui seront susceptibles d'être achetés par les
voyageurs". Puis, les négociations sont menées avec les autres compagnies qui,
toutes, dans les mois qui suivent, signent des accords semblables avec l'éditeur.
Et, au fur et à mesure de l'extension des réseaux, le nombre des bibliothèques de
gare augmentera : de 43 en 1853, il passe à 1 179 en 1896.
Un monopole contesté
La constitution de ce réseau de librairies rencontre d'abord l'opposition de
concurrents : les colporteurs qui ont obtenu l'autorisation de vendre dans l'enceinte
des gares mettent en doute la légalité de la clause d'exclusivité consentie à Louis
Hachette, mais leur voix n'est guère entendue. Puis, les éditeurs comme Napoléon
Chaix, en 1852 et 1859, et Gervais Charpentier en 1861, s'élèvent contre la place
privilégiée qu'occupe la production de la Librairie Hachette dans les gares. Chaix
obtient de conserver le monopole des indicateurs, alors que Hachette avait prévu
d'en éditer aussi ; quant à la polémique engagée par Charpentier, elle s'éteint après
un échange de libelles vigoureux, le Cercle de la Librairie estimant suffisantes les
promesses réitérées de Louis Hachette : il s'engage à offrir au public la production
de ses concurrents au même titre que la sienne et promet de ne pas favoriser la
promotion de ses propres livres.
Dans les années 80, Hachette et ses bibliothèques de gare sont à nouveau
l'objet d'attaque ; ce sont les auteurs, cette fois, qui se plaignent. En effet, la loi
de 1881 sur la liberté de la presse allège considérablement la censure et supprime
la Commission du colportage. Or, depuis la création du réseau, les bibliothécaires
étaient considérés par l'Administration comme des colporteurs et, comme tels,
soumis à contrôle. Dorénavant, la Librairie Hachette est seule responsable du
choix qu'elle fait des ouvrages à vendre dans ses bibliothèques et exerce de facto un bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre 97 Les
pouvoir de censure. Ainsi, Maupassant se voit refuser la diffusion d'Une Vie et
s'en indigne auprès de Zola : "Vous savez que l'estampille pour la vente dans les
gares n'existe plus. Eh! bien la Maison Hachette à qui appartiennent toutes les
bibliothèques des chemins de fer, vient de me refuser l'autorisation de vente dans
ces bibliothèques. Le particulier chargé de veiller à la morale des livres de salles
d'attente a jugé mon bouquin obscène. La Commission publique et officielle de
Morale qui régissait le Colportage était plus large assurément que cet Eunuque en
chambre dont les décisions sont sans appel. Est-ce idiot?" 3
Rochefort, Huysmans et quelques autres écrivains partagent ce point de vue et
n'hésitent pas à signer la pétition que leur présente Maupassant. Le texte est
ensuite transmis à Clemenceau et le baron de Janzé est chargé de déposer la
pétition devant l'Assemblée. Entre-temps, l'affaire s'est politisée ; désormais, le
débat déborde largement la question des choix de la Librairie Hachette et se
transforme en un affrontement entre républicains modérés et anti-capitalistes de
tous bords. Le vote de Clemenceau rejoint celui de Déroulède et des boulangistes
pour soutenir les écrivains menacés et, surtout, attaquer Hachette : l'éditeur
incarne, à leurs yeux, le grand capital défendant une situation monopolistique.
Quant aux républicains modérés, c'est au nom de la liberté du commerce qu'ils
refusent de débattre de ces questions. En cela, ils raisonnent comme les juges
sollicités en 1888, par Auguste Chirac : nul ne peut obliger un libraire à vendre
ce

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