Les directions nouvelles de la recherche critique - article ; n°1 ; vol.16, pg 121-141
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1964 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 121-141
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Starobinski
Les directions nouvelles de la recherche critique
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1964, N°16. pp. 121-141.
Citer ce document / Cite this document :
Starobinski Jean. Les directions nouvelles de la recherche critique. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1964, N°16. pp. 121-141.
doi : 10.3406/caief.1964.2464
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1964_num_16_1_2464LES DIRECTIONS NOUVELLES
DE LA RECHERCHE CRITIQUE
Communication de M. Jean. STAROB INSKI
{Genève) -,
au XVe Congrès de V Association, le 26 juillet 1963.
La critique , littéraire s'est développée, depuis : une cen
taine d'années, dans un nombre considérable de directions ;
faire la : part des options . esthétiques, morales, politiques,
inventorier la diversité des attitudes, des méthodes, des
styles : personnels, m'importe ici moins que de marquer les ,
tendances extrêmes dont l'écart établit les limites asympto-
tiques et tout idéales par rapport auxquelles chaque entre
prise critique devra se définir. .
Selon и l'une des ces exigences ; extrêmes la critique est
sommée de se développer comme un savoir, spécialisé, digne :
de figurer * au ; rang des . dise plines scientifiques : l'œuvre ■
critique : deviendrait alors le ; discours de la • science sur cet
objet particulier qu'est la littérature. La critique ne pourrait
continuer à être qualifiée de littéraire que parce que l'objet
de son attention est la : littérature: Eût-elle, par. elle-même,
des qualités littéraires, ce ne serait que par une sorte d'acci
dent, par un défaut de vigilance, par une défaillance de l'es
prit de rigueur, et comme par, une regrettable contamination
exercée sur elle par son objet, qu'elle eût dû mieux tenir à
distance. L'histoire • littéraire, dans /- sa forme positiviste et i
;
JEAN STAROBINSKI Г 122
documentaire, accumulant * et vérifiant > les données biogra
phiques,, dressant des: inventaires irréprochables, décelant
des sources vraisemblables, a parfois tendu vers cet aspect.
Mais à ' cette : « critique comme science de la littérature »
{Literaturwissenschafť) s'est opposée ; une ; « critique ' comme
littérature », ou plutôt comme réflexion de la sur
elle-même : à peine distincte du courant principal de la créa
tion littéraire,, prête à s'y résorber, partie intégrante de l'
aventure personnelle i des écrivains. Ce r « discours littéraire
sur la- littérature » peut s'offrir, à nous comme la recherche
intéressée du romancier-critique (je pense à т Marcel ' Proust)
soucieux de mettre à l'épreuve, dans l'examen des livres du;
passé ou du présent, les valeurs internes de sa propre créa
tion ; il peut aussi s'offrir à nous comme l'interrogation, non
moins intéressée, du critique-essayiste (je pense à Jacques Ri
vière ou à : Charles Du ■•■ Bos) pour qui la quête . de soi passe
par un certain nombre de lectures éclairantes.
Cette opposition est schématique, j'en conviens, et ne de
vrait pas inciter à séparer deux camps, celui des critiques qui
se voudraient des i hommes de science, et celui des critiques
qui se voudraient: des écrivains. Nous» y reviendrons,, le
risque et Tinconfort de l'entreprise critique, c'est dene pou
voir ; complètement se confondre • ni \ avec une : science '. pro
gressant méthodiquement et en possession de lois vérifiables; ,
ni * davantage avec une conscience tout entière vouée à la
liberté créatrice. Le critique voudrait tantôt . se ■ prévaloir
de l'autorité impersonnelle ; et universelle du savoir, tantôt
de irrationnelle du sentiment : sous une forme ou
une autre, l'autorité ne se laisse jamais conquérir. , Les ou
vrages sur la critique, qui ont paru depuis trente ans, tendent
bien ; à le , prouver. Thibaudet, vers i 1 830,, distinguait trois
provinces : la critique spontanée, la critique . professionnelle
et celle des maîtres ; il savait ménager, comme Buffon dans
la nature, des gradations insensibles ; : avec rondeur, et sur ce
ton de conversation allègre et corsée qui lui était propre, il
démontrait par: l'exemple la possibilité : d'une critique de • la
critique. „ Sa description à la * fois ; narquoise et tolérante des
divers , partis pris i critiques í hésitait d'autant : moins à 1 faire .
,
,
DIRECTIONS NOUVELLES DE LA RECHERCHE CRITIQUE 123
observer les défauts ou les limites des uns et des autres qu'il
était prêt à accepter ; toutes les écoles, si dénuées d'autorité
qu'elles fussent, parce que dans leur ensemble elles lui pa
raissaient complémentaires. Nul ne sera juge suprême.
L'œuvre de Jean Paulhan n'est-elle pas également, et de
son propre aveu, , une critique ; de la critique ?.' Que nous
enseigne-t-elle ? . Que la plus grande audace est peut-être
dans la plus ; grande humilité, et que la critique s'égare dès i
qu'elle oublie qu'elle a affaire à des paroles écrites, c'est-à-
dire à une certaine façon s d'en > user avec les règles raison
nables ou déraisonnables de la langue. Qu'il faut donc com
mencer par la grammaire....
Mais ne posons pas trop vite l'impossibilité d'un « discours
de la science sur la littérature », ou inversement d'une cons
cience littéraire de la littérature. Tentons de voir jusqu'où,
logiquement, , ces projets nous conduiraient, et où effectiv
ement ils ont conduit certains < critiques. Il est trop * évident
que la critique à tendance scientifique devait suivre, à plus
ou moins grande distance, les transformations des «sciences
humaines » ; il est non moins évident que l'évolution de la
«conscience littéraire de la littérature » a dû suivre (et quel
quefois précéder) l'évolution des modes ou des courants pro
fonds de la création.,
Chacun le sait, V histoire littéraire, selon Gustave Lanson,
ne prétendait nullement exclure les jugements et le tact per
sonnels : elle était science tant qu'elle se documentait — elle
cessait d'être science pour céder la parole à un goût, à une
sensibilité, . qui * voulaient se . prononcer en connaissance de
cause. L'appréciation des œuvres, le jugement n'étaient donc
pas le fait de la science, mais le verdict d'un goût personnel
informé par la science.
Au? nom même de l'exigence scientifique, on? pouvait
estimer que, \ si ;. laborieuse et : scrupuleuse qu'elle fût, l'en
quête historique tournait court, qu'elle s'arrêtait em chemin,
et . qu'elle • s'empressait trop vite de remettre à la- compét
ence du goût certains problèmes justiciables d'une approche
scientifique plus fine ou plus spécialisée. Pourquoi. tant de
travail érudit sur une biographie, sià l'instant. de juger ou ,
JEAN STAROBINSKIí 124
d'interpréter, l'historien ' doit ' recourir à • la psychologie toute
faite qui a cours dans les salons, à l'anthropologie paresseuse
du i sens commun, ou au ; moralisme sentimental ï qui divise
les hommes en bons et en méchants ; ? A' bon droit, l'on pouv
ait reprocher au positivisme de la fiche une certaine pusilla
nimité ; dans nombre de cas il ne faisait guère qu'apporter
l'apparente caution de la science à des procès tranchés d'a
vance sur des questions mal posées. Il pouvait arriver que :
l'ampleur de l'inventaire se gonflât en proportion du manque
d'idées directrices, et que le ; manque d'idées se fît passer
pour la conséquence même du désintéressement scientifique :
au chapitre des conclusions, les vérités premières pleuvaient.
Le positivisme de la fiche, est-il besoin de le souligner, est :
loin de satisfaire aux exigences mêmes de la ; science posi
tive ; seul un positivisme à la petite semaine, sans vigueur
et sans fécondité, se croit dispensé de réfléchir sur sa mé
thode et sur ses fins. Le désintéressement devient une att
itude pseudo-scientifique, quand on se désintéresse des con
ditions dans lesquelles peut progresser le savoir désintéressé.-.
Ces considérations (et quelques au

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