Les figures du savoir initiatique - article ; n°2 ; vol.50, pg 31-57
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Description

Journal des africanistes - Année 1980 - Volume 50 - Numéro 2 - Pages 31-57
Abstract The figures ofinitiatic knowledge. This essay deals with initiation rites in Africa, which often use secret languages or esoteric codes in order to work out a strict demarcation between initiates and the village world. The author's aim is to show that those esoteric utterances have specific cognitive effects, since their construction stems from a rhetorical treatment of propositions obtaining in ordinary knowledge. Therefore one should study them in the framework of cognitive theory of figurai utterances. Thus two examples (Gbaya of République Centrafricaine and Bambara of Mali) are examined, which lead the author to put forth the following (tentative) conclusions : . the «choice» of specific tropes for the construction of initiatory speech, does trigger off a specific epistemology of initiation, and a cognitive rhetoric is able to account for that. . a link seems to exist between the rhetoric of initiation and the social status of initiates : between métonymie codes and the integration of a marginal group (v. g. «tribal» initiations) on the one hand ; between metaphorical codes and the constitution of a deviant entity (v. g* «associations», secret societies, etc.) on the other hand.
Résumé Cet essai traite des rites d'initiation en Afrique qui utilisent souvent des langages secrets ou des codes ésotériques, afin de maintenir une ligne de démarcation stricte entre les initiés et le monde des villageois. L'auteur a pour but de montrer que ces formulations ésotériques ont des effets cogni- tifs spécifiques, étant donné que leur construction relève d'un maniement rhétorique de propositions obtenues à partir des connaissances habituelles. C'est pourquoi ces formulations devront être étudiées dans le cadre d'une théorie cognitive d'expressions figurales. Dans cette optique, l'auteur étudie deux exemples (les Gbaya de la République Centrafricaine et les В am bar a du Mali) qui l'amènent à émettre les conclusions (hypothétiques) suivantes : .le «choix» de tropes spécifiques pour la construction de discours initiatiques donne lieu à une epistemologie spécifique d'initiation ; une rhétorique cognitive eçt capable d'en rendre compte.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

P. Boyer
Les figures du savoir initiatique
In: Journal des africanistes. 1980, tome 50 fascicule 2. pp. 31-57.
Citer ce document / Cite this document :
Boyer P. Les figures du savoir initiatique. In: Journal des africanistes. 1980, tome 50 fascicule 2. pp. 31-57.
doi : 10.3406/jafr.1980.2002
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1980_num_50_2_2002Résumé
Résumé Cet essai traite des rites d'initiation en Afrique qui utilisent souvent des langages secrets ou
des codes ésotériques, afin de maintenir une ligne de démarcation stricte entre les initiés et le monde
des villageois. L'auteur a pour but de montrer que ces formulations ésotériques ont des effets cogni- tifs
spécifiques, étant donné que leur construction relève d'un maniement rhétorique de propositions
obtenues à partir des connaissances habituelles. C'est pourquoi ces formulations devront être étudiées
dans le cadre d'une théorie cognitive d'expressions figurales. Dans cette optique, l'auteur étudie deux
exemples (les Gbaya de la République Centrafricaine et les В am bar a du Mali) qui l'amènent à émettre
les conclusions (hypothétiques) suivantes : .le «choix» de tropes spécifiques pour la construction de
discours initiatiques donne lieu à une epistemologie spécifique d'initiation ; une rhétorique cognitive eçt
capable d'en rendre compte.
Abstract The figures ofinitiatic knowledge. This essay deals with initiation rites in Africa, which often use
secret languages or esoteric codes in order to work out a strict demarcation between initiates and the
village world. The author's aim is to show that those esoteric utterances have specific cognitive effects,
since their construction stems from a rhetorical treatment of propositions obtaining in ordinary
knowledge. Therefore one should study them in the framework of cognitive theory of figurai utterances.
Thus two examples (Gbaya of République Centrafricaine and Bambara of Mali) are examined, which
lead the author to put forth the following (tentative) conclusions : . the «choice» of specific tropes for the
construction of initiatory speech, does trigger off a specific epistemology of initiation, and a cognitive
rhetoric is able to account for that. . a link seems to exist between the rhetoric of initiation and the social
status of initiates : between métonymie codes and the integration of a marginal group (v. g. «tribal»
initiations) on the one hand ; between metaphorical codes and the constitution of a deviant entity (v. g*
«associations», secret societies, etc.) on the other hand.PASCAL BOYER
LES FIGURES DU SAVOIR INITIATIQUE
Cette étude a pour objet les rites d'initiation en Afrique ; il ne s'agit pas ici
d'ajouter à l'abondante littérature ethnographique, consacrée à ces rites, mais
de poser quelques questions générales.
La réflexion anthropologique s'est le plus souvent attachée à l'analyse des
éléments du rite : on a voulu rendre compte de l'utilisation rituelle de certaines
couleurs, de plantes choisies, ou de l'emploi de paroles spécifiques, etc.. Par
contre, en ce qui concerne la signification générale de l'initiation, et sa fonction,
on doit bien souvent se contenter d'affirmations vagues et péremptoires :
l'initiation complète la formation de la personne, elle forme les vrais adultes,
etc.. Ou bien on considère que la fonction essentielle de l'initiation est l'ap
prentissage de techniques spécifiques, réservées aux adultes.
Ces deux sortes d'explication sont également décevantes. Poser que l'in
itiation forme les hommes complets, c'est paraphraser l'ethnographie, et laisser
la réflexion théorique tomber dans l'insignifiance. Admettre, comme fonde
ment du rite, l'enseignement qu'on y dispense, c'est confondre la rationalisa
tion idéologique et l'explication sociologique. On cherchera donc à sortir de
ces impasses, en considérant quelques exemples, d'un point de vue nouveau.
On comparera ici les rites de passage de deux sociétés africaines, dont le
point commun est d'avoir élaboré des codes spécifiques, réservés aux initiés, et
conçus, soit pour exprimer un savoir que le langage commun ne peut évoquer,
soit pour permettre aux initiés de converser de toute chose, sans être compris
des profanes. Ces codes constituent certainement une voie d'accès privilégié,
au domaine des processus cognitifs mis en jeu dans ces rites. L'hypothèse
générale de cette étude est la suivante : ce que l'initiation transmet aux néo
phytes est sans doute de l'ordre du savoir, mais rien ne prouve qu'il s'agisse
d'un corps d'informations, d'un savoir au sens restreint. L'enseignement ini
tiatique est peut-être moins évident et plus fondamental.
/. des Africanistes, 50, 2, (1980) pp. 31-57 82 P. BOYER
On ne trouve guère d'étude générale de cette question, après l'article
inaugural d'A. Van Gennep (1908) sur les «langues spéciales», considérées
comme un indice de la différenciation d'un groupe : ainsi la langue spéciale
est d'autant plus éloignée de la langue commune, que le groupe qui l'utilise
se distingue du corps social en général {ibid : 2). Cette idée d'une proportion à
établir, entre «fabrication» de la langue et constitution de l'identité du groupe,
sera reprise ici, d'un point de vue un peu différent, à la fois plus large et plus
précis. Plus large, car les «langues spéciales» ne sont qu'une des formes d'ex
pression du savoir initiatique en général ; plus précis, puisque les outils linguis
tiques nous permettent aujourd'hui d'établir des distinctions rigoureuses,
entre les genres d'énoncés constituant le savoir initiatique.
Deux exemples de ces codes seront étudiés ici de ce point de vue. Après
une brève présentation des principales caractéristiques de ces codes (I, II),
on cherchera, dans certaines théories linguistiques, un modèle susceptible
d'en faire progresser l'analyse (III). On pourra ainsi établir des distinctions
formelles, entre divers genres du savoir initiatique, et les mettre en rapport
avec certains caractères de l'initiation, dans ces deux sociétés (IV). Enfin,
(V), on pense pouvoir tirer de cette étude la matière d'hypothèses générales,
sur le sens et la fonction des rites d'initiation.
Une langue d'initiés :le labï (Gbaya, R. C. A.)
1. Présentation : les Gbaya, le labî"
Les Gbaya forment une des principales ethnies de l'ouest de l'Empire
Centrafricain. Ce sont des sédentaires, qui cultivent principalement le manioc,
l'arachide, divers ignames, dans un environnement de savanes soudanaises et
guinéennes (Vidal 1976 : 39). La littérature consacrée aux divers groupés
gbaya est très pauvre, et ceci nous aurait dissuadé d'en faire l'un de nos exemp
les, si l'initiation gbaya n'avait été l'objet d'études exceptionnelles, par l'am-
1. On a suivi, pour la transcription phonologique du gbaya, les indications de Monino (1977) et
Vidal (1976). Le gbaya fait partie, selon Greenberg, du groupe Adamawa Oriental de l'embranchement
Niger-Congo.
Outre les signes A. P. I. les plus usuels, on a employé :
pour la bi-labiale glottalisée
pour la dentale glotallisée
coup de glotte
jl nasale palatale
gb/kp labio-vélaire sonore/sourde
Les tons sont indiqués : haut, bas, haut-bas, bas-haut. Les voyelles peuvent être nasalisées (tilde
souscrit). FIGURES DU SAVOIR INITIATIQUE SS LES
pleur et la qualité des informations. On trouve en effet dans la monographie
de P. Vidal une description minutieuse des grandes initiations masculines et
féminines. D'autre part la langue des initiés a fait l'objet d'une étude détaillée,
par Y. Monino (1977).
La division en ethnies, sous-ethnies, tribus gbaya, est extrêmement
complexe, et les auteurs ne s'accordent même pas sur la qualité de gbaya ou
«gbayaïsés» de certains groupes périphériques. Néanmoins on ne peut contester
que les groupes Kara (de la région de Bouar, Baboua, Bocaranga), et les de Berbérati, ont en commun, outre la langue, nombre d'institu
tions, dont l'initiation íábř.
Les Gbaya forment une société segmentaire, à lignages exogames patrili-
néaires, et résidence patrilocale. La profondeur généalogique, à laquelle on
place les ancêtres du lignage, nàm , est assez grande, mais il faut rem

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