Les fossiles de l imaginaire. Temps de la nature et progrès organique (1800-1850) - article ; n°104 ; vol.29, pg 85-101
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Les fossiles de l'imaginaire. Temps de la nature et progrès organique (1800-1850) - article ; n°104 ; vol.29, pg 85-101

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Romantisme - Année 1999 - Volume 29 - Numéro 104 - Pages 85-101
The representation of the geological times is often associated with the progressive pattern of the history of life, as it first became supported by the fossil records. However, most of the theories of the earth propounded by the naturalists at the beginning of the XlXth century didn 't suggest a world in progress. As they saw it, time was just a physical parameter which demonstrated a series of destructions and degenerations of the «old nature». Cuvier's catastrophism was soon reinterpreted in the schemes of developmental theories of life through geological times. This idealist vision of nature was connected with physico-theology which subordinate the hierarchy of species, front monads up to man, to the traditional argument front Design. In the 1830's the natural history of creation rise to popularity with the growth of the hopes in social progress.
La représentation des époques géologiques est souvent associée au développement des types organiques révélé par la paléontologie. Néanmoins, l'histoire de la terre proposée par les naturalistes des années 1800 évoque plutôt un spectacle de destructions qu'un monde en devenir. Le temps n'est qu'un paramètre physique à quoi l'on mesure les dégradations de la «vieille nature». Après 1830, le catastrophisme de Cuvier a été réinterprété dans les termes d'une «marche de la nature», du simple au composé. Ancrée dans la tradition de la théologie physique, cette vision idéale permettait de subordonner la métamorphose des espèces à la réalisation d'un plan providentiel. L'histoire naturelle de la création se popularise avec la croyance dans le progrès social.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Claude Blanckaert
Les fossiles de l'imaginaire. Temps de la nature et progrès
organique (1800-1850)
In: Romantisme, 1999, n°104. pp. 85-101.
Résumé
La représentation des époques géologiques est souvent associée au développement des types organiques révélé par la
paléontologie. Néanmoins, l'histoire de la terre proposée par les naturalistes des années 1800 évoque plutôt un spectacle de
destructions qu'un monde en devenir. Le temps n'est qu'un paramètre physique à quoi l'on mesure les dégradations de la «vieille
nature». Après 1830, le catastrophisme de Cuvier a été réinterprété dans les termes d'une «marche de la nature», du simple au
composé. Ancrée dans la tradition de la théologie physique, cette vision idéale permettait de subordonner la métamorphose des
espèces à la réalisation d'un plan providentiel. L'histoire naturelle de la création se popularise avec la croyance dans le progrès
social.
Abstract
The representation of the geological times is often associated with the progressive pattern of the history of life, as it first became
supported by the fossil records. However, most of the theories of the earth propounded by the naturalists at the beginning of the
XlXth century didn 't suggest a world in progress. As they saw it, time was just a physical parameter which demonstrated a series
of destructions and degenerations of the «old nature». Cuvier's catastrophism was soon reinterpreted in the schemes of
developmental theories of life through geological times. This idealist vision of nature was connected with physico-theology which
subordinate the hierarchy of species, front monads up to man, to the traditional argument front Design. In the 1830's the natural
history of creation rise to popularity with the growth of the hopes in social progress.
Citer ce document / Cite this document :
Blanckaert Claude. Les fossiles de l'imaginaire. Temps de la nature et progrès organique (1800-1850). In: Romantisme, 1999,
n°104. pp. 85-101.
doi : 10.3406/roman.1999.3410
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1999_num_29_104_3410BLANCKAERT Claude
Les fossiles de l'imaginaire.
Temps de la nature et progrès organique (1800-1850)
Certaines évidences scientifiques, remarquait Jacques Roger (1983, p. 271), s'im
posent avec une telle rapidité «qu'elles constituent une véritable énigme pour l'histo
rien». Tel était, à son jugement, «l'épanouissement, au début du XIXe siècle, d'une
conception historique de la nature, liée à une idéologie du progrès qui a pesé lourd sur
la biologie...». De prime abord, la chose est entendue.
Dès 1800, par exemple, Jean-Baptiste Lamarck publie ses réflexions sur les «pro
grès de l'organisation des corps vivans», expliquant que la nature s'achemine graduel
lement des premières ébauches de l'animalité jusqu'aux êtres les plus «composés»
par la faveur des circonstances «et par suite des temps» (Lamarck, 1907, p. 78). À un
demi-siècle de là, l'édition française de L'Origine des espèces de Darwin, abusive
ment sous-titrée : «ou des lois du progrès chez les êtres organisés», porte encore
témoignage de l'équation du temps et du perfectionnement biologique. Le cadre est
fixé et préposé au stéréotype.
Il semblerait dès lors presque banal de rappeler, après Michel Foucault (1966,
p. 229 et suiv. ; 287 et suiv.), qu'à «l'âge de l'histoire» les biologistes vouent au
temps producteur, au devenir des espèces et aux vicissitudes de la nature, une curiosité
sans partage. La cohérence et l'ampleur du paradigme historique, sa diffusion specta
culaire dans la culture européenne ont si bien changé la vision du monde qu'on peut
dater de cet «événement fondamental» l'émergence de «notre modernité» (ibid.,
p. 232-233). Toutefois, la perspective archéologique de Foucault accorde trop peu
d'influence à la thématique du progrès, lequel ordonne en dynamique ascendante la
série des êtres sur la flèche du temps. L'énigme, selon Jacques Roger, réside précisé
ment dans cette conjonction du temps et du progrès qui caractérise, au XIXe siècle, la
«marche de la nature» et l'évolution créatrice. Or, quoi qu'il paraisse, l'alliance des
deux thèmes n'allait pas de soi.
Sa fixation ressortit plus à l'ordre des images valorisées, souvent ambivalentes,
qu'à celui des découvertes scientifiques. Elle nous instruit des obsessions contempor
aines et gagne à être interrogée, d'un regard croisé, dans les discours professionnels
comme dans le conflit d'interprétations que les données scientifiques suscitent dans le
public profane. La littérature elle-même lui fait écho, avec exaltation ou sensationnel.
Toute une poétique de la nature se construit entre 1800 et 1830 qui décide pour le
siècle l'harmonie du temps de la terre et de l'élan vital.
En réalité, l'historicité du globe terrestre, pris dans sa masse ou dans les accidents
de sa surface, est déjà chose ancienne. Depuis le XVIIe siècle juqu'aux années 1800,
les «théories de la terre» ont rivalisé d'hypothèses sur un état primitif de la planète
dont les conséquences se déploient dans une suite irréversible d'événements (Roger,
1995, p. 129-154). Qui plus est, elles se présentent, «volontairement ou non, comme
un substitut scientifique au récit de la Genèse» (ibid., p. 157), en déroulant la trame
des temps du commencement à l'état actuel des choses. Les fossiles y reçoivent leur
ROMANTISME n° 104(1999-2) 86 Claude Blanckaert
signification récurrente de «médailles» ou de «monuments» des mondes anciens,
subjugués par le feu et l'eau. Leur usage, pourtant, se borne à démontrer une succes
sion de changements de la surface terrestre (Haber, 1968). Faute de stratigraphie
conséquente, attestant par exemple un développement orienté des espèces d'une fo
rmation à l'autre, la vie n'accède pas à l'autonomie. Ses manifestations ne suggèrent
rien qui ressemble à une séquence en progrès.
À la fin du XVIIIe siècle, illustrées par Les Essais de la nature qui apprend à faire
l'homme (1768) de Jean-Baptiste Robinet ou La Palingénésie philosophique (1770) de
Charles Bonnet, les spéculations sur la « temporalisation de l'échelle des êtres» inté
ressent peu les géologues (Lovejoy, 1965, chap. IX). Et, réciproquement, les premiers
évolutionnistes négligent, ou passent sous silence, les ressources paléontologiques
lorsqu'il s'agit de mettre en lumière la hiérarchie des types organiques. La «loi du
progrès», écrira plus tard Ernst Haeckel (1877, p. 245), «était depuis longtemps empi
riquement établie par la paléontologie, avant que la sélection naturelle de Darwin eût
permis d'en expliquer les causes». Cette assertion doit être relativisée. Elle s'avère
fausse au début du XIXe siècle. La diagnose des ossements fossiles occupe plus les
esprits que leur situation dans les couches du sol. Contrairement aux coquilles trou
vées en nombre, les grands vertébrés sont à peine recensés. John Play fair, vulgarisa
teur de la théorie de la terre de John Hutton, note prudemment en 1802 que «nous
avons au moins cinq genres ou espèces distincts du règne animal qui existaient sur
nos continents antérieurement et qui n'existent plus aujourd'hui. Leur nombre est pro
bablement plus grand» (Playfair, 1802, p. 468). Et il reste possible, ajoute-t-il imméd
iatement, que l'homme soit l'artisan de leur extermination.
Nul ne sait alors si les reptiles ont précédé les mammifères ou si, dans un passé
lointain, la terre portait des organismes rudimentaires. Les annales du globe témoi
gnent seulement d'une durée inconciliable avec les chronologies religieuses reçues
(Rossi, 1984, lre partie). La faiblesse des connaissances comme la discontinuité des
archives fossiles ne sont pas seules en cause. Plutôt les schemes philosophiques
«catastrophistes» mobilisés de longue date pour en rendre raison. Le divorce initial
entre l'histoire de la terre et la génération des espèces montre que les théories du pro
grès organique ne

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