Les Indiens Uro-Čipaya de Carangas (suite). - article ; n°2 ; vol.27, pg 325-416
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Description

Journal de la Société des Américanistes - Année 1935 - Volume 27 - Numéro 2 - Pages 325-416
92 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1935
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Extrait

Alfred Métraux
Les Indiens Uro-Čipaya de Carangas (suite).
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 27 n°2, 1935. pp. 325-416.
Citer ce document / Cite this document :
Métraux Alfred. Les Indiens Uro-Čipaya de Carangas (suite). In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 27 n°2, 1935.
pp. 325-416.
doi : 10.3406/jsa.1935.1930
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1935_num_27_2_1930LES INDIENS URO-CIPAYA
DE GARANGAS,
Directeur de l'Institut d'ethnologie Par A. de MÉTRAUX, l'Université de Tucumán (Argentine).
{suite) l.
(Planches Xl-XVII).
La Religion.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
L'influence аутага et espagnole. — Depuis fort longtemps pro
bablement, les Cipaya sont catholiques. J'ignore la date à laquelle ils ont
été évangélisés, mais je la suppose ancienne. Il est vraisemblable que
leur conversion au christianisme a eu lieu à l'époque où un curé vint
s'établir à Corque, soit au début du xvne siècle. Les églises des villages
aymara voisins existaient sans doute au xvme siècle déjà et peut-être
même au xvne. Celle qui s'élève au milieu des clans čipaya ne doit guère avoir
plus de cinquante ans. Les Indiens furent incapables de me renseigner
à ce sujet, pas plus que le curé de Huachacalla dont les Cipaya
dépendent. Ces Indiens sont totalement ignorants de toute doctrine rel
igieuse, car ils ne reçoivent qu'une fois par an, au mois de juin, la visite
de leur pasteur spirituel qui n'a rien de plus pressé que dé quitter cette
région désolée et ses ouailles misérables. Les Cipaya tiennent néanmoins
à célébrer leurs mariages ou la naissance de leurs enfants à l'église ; ils
entreprennent en chacune de ces circonstances le voyage jusqu'à Huachac
alla.
La religion des Cipaya est essentiellement païenne comme on pourra
s'en convaincre à la lecture dos chapitres suivants. L'isolement relatif
de cette tribu uro, l'œuvre souvent superficielle des premiers mission
naires espagnols, l'indignité et le peu de zèle du clergé bolivien moderne
ont contribué, à des degrés divers, à maintenir dans ce village perdu
les croyances et les pratiques de l'époque précolombienne. Tant de causes
ont dû favoriser la persistance du passé que l'on s'explique difficilement
1. Cf. Journal de la Société des Américanistes, t. XXVII, 1935, p. 111. 326 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTËS
le nombre d'éléments chrétiens qui se sont mêlés aux rites anciens.
Tout le mode de vie de ce peuple fossilisé aurait dû faire croire à une
ignorance plus complète des formes extérieures du catholicisme. Or, il est
rare que dans les prières adressées aux vieilles divinités andines ou aux
démons l'on ne fasse aussi mention de la Vierge et des Saints. Parfois
même ceux-ci seuls sont invoqués au cours de cérémonies qui n'ont rien
de chrétien.
Il s'en faudrait de peu pour que certaines fêtes, telles que celles de
San Jerónimo et de la Chandeleur, reçussent l'approbation de l'ecclé
siastique le plus scrupuleux sur le chapitre des rites. La procession
qu'ils organisent lors de cette dernière fête est une simple parodie de
celles qu'ils font sous la conduite de leur curé.
A l'église, ils prient devant les autels, brûlent des cierges en l'honneur
des saints et chaque jour sonnent des cloches aux heures prescrites. Un
fonctionnaire spécial, le mayordomo, est chargé de l'entretien de l'église, de
la fabrication des cierges et doit en plus sonner les cloches.
Plusieurs fêtes sont célébrées sous le patronage d'un saint et coïn
cident avec celles du calendrier catholique.
A cette influence catholique, il faut en joindre une autre de caractère
profane. Les salutations cérémonieuses qui forment un des intermèdes
obligatoires de toute fête sont nettement des réminiscences de l'ancienne
embrassade castillane. Les vœuxde suma-hora, « en bonne heure », qui sont
prononcés en même temps, constituent un indice certain de l'origine
espagnole de plusieurs règles de courtoisie čipaya. Le président et orga
nisateur de la fête porte le nom ď n If ere%_, «porte-bannière », et sa dignité
est symbolisée par un étendard (wandera). Titre et insignes sont espa
gnols, mais cette fonction par plusieurs de ses aspects semble être net
tement dans la tradition indienne.
A moins d'admettre que jadis les Cipaya aient été en étroite relation
avec un village de métis boliviens, ce qui n'est peut-être pas exclu, tout
semble indiquer que ces influences étrangères leur sont venues par les
Aymara. Lorsque je ferai l'étude du vocabulaire cipaya, j'aurai à chaque
instant l'occasion de signaler cette imprégnation de l'aymara dans la
langue et la mentalité čipaya. Une grande partie de leur trésor lexico-
graphique est nettementd origine aymara et cet oubli de leur langue primi
tive n'a pas seulement affecté les mots rares, mais ceux d'emploi le plus
courant comme « frère », « sœur », « bon », « mauvais », « bonjour »
etc. Tous les Cipaya, sans exception, sont bilingues et même entre eux
ils n'utilisent pas toujours leur vieux dialecte uro. L'invasion de mots
et de tournures aymara a entraîné celle de mots espagnols et même
Kičua. Les prières, qui, à peu de choses près, sont toutes en aymara, sont LES INDIENS URO-ČIPAYA DE CARANGAS 327
en outre farcies d'expressions espagnoles que l'on trouve jusque dans les
invocations ou les formules les plus brèves. Si jadis les Cipaya ont pos
sédé un ensemble de rites oraux qui leur ont été propres, ceux-ci ont com
plètement disparu pour faire place au rituel aymara. Cette pénétration n'a
dû d'ailleurs s'effectuer qu'au cours de ces derniers siècles, comme le
prouve le nombre de mots et de formules espagnols qui, comme je viens
de le dire, forment partie intégrante de ces textes religieux.
La musique čipaya a un caractère purement aymara et il n'est pas
impossible qu'elle ait aussi subi une lointaine influence hispanique. Les
instruments qui servent à son exécution sont identiques à ceux que l'on
rencontre sur tout le haut-plateau. Cette action des Aymara dans le
domaine musical se continue jusqu'à nos jours et j'ai été témoin de véri
tables leçons de musique données à des Indiens Cipaya par des Aymara
ou des métis aymara. Les meilleurs musiciens čipaya avaient fait leur
apprentissage hors de leur village.
Les cérémonies païennes dont j'ai été le témoin à Chipaya rappellent
beaucoup les pratiques idolâtriques dont les Inquisiteurs espagnols dénonç
aient la survivance dans le Pérou du xvne siècle. Elles ont également
d'étroites affinités avec les cultes secrets des aymara. Ces similitudes,
qui souvent s'étendent aux détails les plus infimes, attestent l'uniformité
des croyances et des rites populaires dans toute la région andine soumise
à l'influence incasique. Sur ce fond commun se sont développées les rel
igions plus complexes des grands empires disparus. Les affinités entre
Cipaya et Aymara, principalement dans le domaine religieux sont si
étroites que nous pouvons considérer les Uro du désert de Carangas
comme les derniers représentants de la vieille civilisation de la puna
bolivienne telle qu'elle s'est prolongée jusqu'au xvne siècle. A en juger
par leur ethnographie moderne, rien, si ce n'est la langue, ne devait dis
tinguer jadis un Indien Aymara d'un Cipaya. Si les « superstitions » des
Aymara et des Cipaya sont les mêmes, elles se sont conservées chez ces
derniers plus pures et sous une forme plus complète.
Les divinités et les Objets sacrés. — Les principales divinités aux
quelles les Cipaya rendent un culte sont différents saints (San Felipe, San
Jerónimo, Santiago, Santa Ana, la patronne du village, la Terre-mère
(Раса-тата) assimilée à la Vierge, des démons faiblement individualisés
(Cunkirini-mal'ku, Estewan-mal'ku, Kemperani-mal'ku, etc.), les montagnes
de leur horizon, en particulier le Samaja, le rio Llauca et la tour de leur
église (Turi-maï ku) .
Les maisons sont protégées par un esprit, le patio mal'ku, et par des
animaux empaillés (chat

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