Les nationalistes hindous aux prises avec le développement : de l homme nouveau au consommateur frustré - article ; n°160 ; vol.40, pg 729-750
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Les nationalistes hindous aux prises avec le développement : de l'homme nouveau au consommateur frustré - article ; n°160 ; vol.40, pg 729-750

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Tiers-Monde - Année 1999 - Volume 40 - Numéro 160 - Pages 729-750
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gérard Heuzé
Les nationalistes hindous aux prises avec le développement : de
l'homme nouveau au consommateur frustré
In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°160. pp. 729-750.
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Heuzé Gérard. Les nationalistes hindous aux prises avec le développement : de l'homme nouveau au consommateur frustré. In:
Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°160. pp. 729-750.
doi : 10.3406/tiers.1999.5342
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1999_num_40_160_5342LES NATIONALISTES HINDOUS
AUX PRISES AVEC LE DÉVELOPPEMENT:
DE L'HOMME NOUVEAU
AU CONSOMMATEUR FRUSTRÉ
par Gérard Heuzé*
Un stéréotype très en vogue fait des nationalistes hindous, au pouvoir
à la Nouvelle Delhi, des personnages peu soucieux de développement éco
nomique. Ils sont plus souvent décrits encore comme des adversaires
acharnés des mesures d'ouverture économique. En examinant les presta
tions récentes des responsables de ce courant religieux et politique, long
temps centré sur des problématiques culturelles, l'article tend à mettre en
cause ces clichés. Le développement mobilise beaucoup les nouveaux res
ponsables. Le nationalisme économique n'occupe pas une place essent
ielle dans les pratiques actuelles du courant. Quand il s'affirme, la pres
sion des employeurs compte bien plus que les raisons doctrinales. La
pression des milieux de recrutement du nationalisme hindou semble se
combiner au poids des institutions et à des affinités idéologiques insoup
çonnées pour faire de ce dernier l'agent de ce que ses fondateurs ont pré
tendu mettre en cause.
Les pays du Sud sont de plus en plus concernés par l'irruption de
la religion en politique. Nous commençons à connaître le paradigme,
d'ailleurs vaste, de ce symptôme de l'évolution des mentalités dans un
monde « globalisé ». Si la tendance s'affirmait, elle pourrait avoir
d'importantes conséquences dans le champ des pratiques de dévelop
pement et des politiques économiques. L'islamisme est le mieux connu
de ces mouvements. L'Arabie Saoudite méritant une place à part, et
vu l'état des économies afghane et soudanaise, le cas iranien était seul
pour nous apporter des indications en la matière. L'arrivée au pouvoir
* CNRS, ehess, Centre d'étude de l'Inde et de l'Asie du Sud.
Revue Tiers Monde, t. XL, n° 160, septembre-décembre 1999 Gérard Heuzé 730
d'une coalition dirigée par des nationalistes hindous à la tête de la
« plus grande démocratie du monde » pourrait nous permettre
d'élargir les perspectives. L'événement est important à plusieurs titres.
C'est la première fois que les nationalistes hindous dirigent durable
ment un gouvernement central. Ils se retrouvent à la tête d'un pays où
des politiques « d'ouverture » économiques sont à la mode depuis près
d'une décennie. Il sera par ailleurs intéressant de voir si les facteurs
culturels, puisque ce ne sont pas des islamistes qui sont en cause, sont
pertinents en la matière.
I. LES NATIONALISTES HINDOUS AU POUVOIR
Un gouvernement dirigé par Atul Behari Vajpayee (Parti populaire
indien, bjp) s'est installé à la Nouvelle Delhi depuis le mois de
mars 1998. Près du tiers des États de l'Union indienne, dont le plus
peuplé (Uttar Pradesh) et les plus industrialisés (Goujarat et Mahar
ashtra) ont par ailleurs été le cadre d'expériences de gestion de ce
courant politique depuis 1991. L'arrivée des nationalistes hindous au
Rashtrapati Bhavan1 s'est faite dans le calme et de manière légale2.
Elle n'en a pas moins suscité des réactions très vives. Les partisans de
la gauche ont évoqué des politiques « antisociales », « antipauvres » et
« hostiles aux minorités ». C'est cependant la possibilité de remise en
cause de la politique d'ouverture économique illustrée par Manmohan
Singh qui a le plus inspiré les commentateurs. Les partisans de la
« globalisation » ont agité le spectre d'une fermeture du pays, accom
pagnée d'une perte dramatique de compétitivité3. Des économistes ont
parlé du retour du « taux de croissance hindou », ces 4 à 5 % oblitérés
de récessions régulières qui placeraient le sous-continent « loin der
rière » le rival chinois. Toutes les voix critiques ont suspecté la volonté
de développement des nouveaux venus, les plus acharnés de leurs
opposants les décrivant comme les hommes de la stagnation garantie
voire de la régression, des fanatiques « ignorants de la modernité »
1. Siège du gouvernement à la Nouvelle Delhi.
2. Le bjp a obtenu 25,9 % des suffrages exprimés et 179 sièges, se plaçant devant le Congrès (25,8 %
des voix et 141 sièges), le Front uni des partis de centre gauche et les partis communistes. La Shiv Sena,
qui ne participe pas au gouvernement central, apporte moins de 2 % de voix supplémentaires. L'extrême
dispersion du vote indien, les partis régionalistes étant par ailleurs nombreux et puissants, explique la vic
toire fragile des nationalistes hindous.
3. S. Dalal (1997), The saffron view of economic reforms, The Times of India, 15 décembre. Le dra
peau safran est un emblème nationaliste hindou. De l'homme nouveau au consommateur frustré 731
prêchant alternativement le renoncement aux biens de ce monde et la
guerre sainte1.
Les nationalistes hindous sont les héritiers d'un courant séculaire
dont les précurseurs les plus connus sont B. G. Tilak et V. D. Savar-
kar. Revendiquant l'adhésion de personnalités aussi populaires parmi
les élites de haute caste que Swami Vivekanand, D. Sarasvati et
В. С Chatterjee, il s'est cristallisé à la fin du XIXe siècle sur deux thè
mes premiers : le refus de la décadence et la défiance vis-à-vis de la
forte minorité musulmane (30 % des habitants de l'Empire)2. À la
quête de puissance et à la recomposition culturelle de l'hindouisme
comme « anté-islam » sont venues s'agréger peu à peu d'autres problé
matiques, comme la théorie de Г « hindouité », plaçant en relation
intime culture, religion et nation (1924) ou l'hostilité au communisme.
Ce courant politico-religieux s'est originellement reconnu des affinités
avec les extrêmes droites européennes. Centré sur un recrutement de
haute caste, plus instruit et urbanisé que la moyenne, touchant
d'abord des milieux de petite aisance menacée, le courant est long
temps apparu divisé entre une aile « politique » (Hindu Mahasabha) et
une aile « sectaire » représentée par l'Organisation nationale des
volontaires (rss ou Sangh : l'Organisation) fondée en 19253. Aucune
de ces tendances, la seconde éclipsant lentement la première, n'élabora
de pensée économique propre avant les années 1960. Le penseur Din-
dayal Upadhyay (rss) élabora alors une doctrine du Swadeshi. Le
mouvement swadeshi, expression militante de nationalisme écono
mique, est né au début du siècle (1905-1908). Il s'est d'abord incarné
dans le refus des marchandises importées, surtout britanniques, avant
d'inspirer diverses théories de l'autosuffisance. Upadhyay reprit, en les
intégrant à sa vision de Г « homme nouveau » dans une patrie « régé
nérée », certains idéaux de Gandhi et une partie des discours du natio
nalisme économique progressiste. La méfiance vis-à-vis de l'État
l'oppose cependant à ce dernier. La création par des cadres du rss
d'un parti politique {Bharatya Jan Sangh, 1951-1977), puis d'un syndi
cat d'employés Mazdoor 1955 à aujourd'hui) avait
placé l'Organisation face aux problèmes que son « renoncement dans
le monde »4 la portait jusqu'alors à éluder. Dans Bunch of Thoughts,
publié en 19665, Golwalkar, alors autorité suprême du rss, n'accorda
1. M. D. Nalapat (1998), India's Talibans, The Times of India, 22 mai.
2. С. Jaffrelot (1993), Les nationalistes hindous, Paris, Presses de la FNSP.
3. W. K. Andersen et S. D. Damle (1987), The brotherhood in saffron. New Delhi, Vistaar
Publications.
4. Un terme utilisé aussi pour M. K. Gandhi, voir JafTrelot, 1993, op. cit.
5. M. S. Golwakar, (1980), Bunch of thoughts, Bangalore, Jagaran Prakashan. 732 Gérard

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