Les « Noms-numéros » chez les Guidar - article ; n°3 ; vol.13, pg 45-59
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Les « Noms-numéros » chez les Guidar - article ; n°3 ; vol.13, pg 45-59

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Description

L'Homme - Année 1973 - Volume 13 - Numéro 3 - Pages 45-59
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Chantal Collard
Les « Noms-numéros » chez les Guidar
In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 45-59.
Citer ce document / Cite this document :
Collard Chantal. Les « Noms-numéros » chez les Guidar. In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 45-59.
doi : 10.3406/hom.1973.367358
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1973_num_13_3_367358« NOMS-NUMÉROS » CHEZ LES GUIDAR LES
par
CHANTAL COLLARD
Les Guidar, au nombre de 44 000 environ, occupent dans le Nord-Cameroun
la partie est de l'arrondissement de Guider dans le département de la Bénoué.
Dans la typologie des quelque vingt-trois tribus du Nord-Cameroun, les Guidar
sont classés comme « païens de plaine », au même titre que leurs voisins Guiziga
ou Moundang. Pour les caractériser brièvement, disons que les Guidar forment
une société acéphale, fortement patrilinéaire, où les fonctions politiques et rel
igieuses sont actuellement distribuées entre les différents segments lignagers.
La coutume guidar qui nous retiendra dans cet article est celle qui fait nommer
les enfants d'après leur ordre de naissance. Tout Guidar reçoit en effet au cours
de son existence deux noms : à sa naissance d'abord, un nom qui indique son rang
de naissance ; puis, trois ou quatre mois plus tard, un « surnom » qui le désigne
de façon plus personnelle, puisqu'il est librement choisi et n'indique pas une
position généalogique. Mais les humains ne sont pas les seuls à avoir des surnoms,
puisqu'on surnomme aussi les chiens, et il arrive d'ailleurs qu'enfants et chiens
reçoivent le même surnom...1 Ce sont donc bien les noms indiquant l'ordre de nais
sance qui désignent l'individu comme être social. Ce sont, si l'on veut, des numér
os2. Mais, en tant que noms, ils sont en outre chargés d'une signification qui
renvoie à un système symbolique ; ce sont donc plus que des numéros : des
« noms-numéros ».
Nous nous proposons de donner une première analyse de ce système d'appella
tion et de le soumettre à deux types d'interprétation différents. Nous l'envisage-
1. On surnomme les chiens parce que ces animaux, comme les enfants, restent toujours
à la maison. Leurs surnoms sont cependant souvent plus péjoratifs que ceux donnés aux
enfants ; leur signification implique aussi plus les voisins.
2. Les Guidar ne sont pas les seuls dans le Nord-Cameroun à avoir une coutume de ce
genre : les Kapsiki, Hina et Daba ont en effet des systèmes d'appellation des enfants qui nous
paraissent remarquablement similaires et qui sont probablement parents. Nous nous limi
terons au système guidar, car c'est le seul sur lequel nous possédons des informations directes,
mais nous donnerons cependant en annexe {cf. infra, p. 59) un tableau comparatif des systèmes
d'appellation guidar, daba, hina et kapsiki. CHANTAL COLLARD 46
rons d'abord comme un système de parenté, ou du moins, un sous-système puis
qu'il porte sur la génération d'Ego, et nous considérerons donc de façon classique
le système d'appellation (les règles d'attribution des noms) et le système des
attitudes correspondant. Puis, nous l'envisagerons en tant que système signifiant
et comme renvoyant à un discours à valeur mythique que nous essaierons de
déchiffrer.
L'attribution des noms
Règles de base
Les noms (zloum) des enfants sont déterminés d'après l'ordre de naissance et,
jusqu'au quatrième inclus, d'après le sexe. A compter du cinquième et jusqu'au
dixième, garçons et filles portent le même nom ; on ajoute éventuellement la
marque féminine ke ou a s'il s'agit d'une fille.
Tableau i
Ordre de Nom des enfants naissance
GARÇONS FILLES
i Tizi ou Keza
2 Zourmba ou Miste
Toumba Tongou ou 3
Vondou ou Naïke 4
Madi 5
6 Todou
Dawaï 7
8 Damba
Tourmba 9
IO Baïma
Ce système d'appellation est cyclique : après le dixième enfant on recom
mence1 ; le onzième enfant est appelé comme le premier, Tizi pour un garçon,
Keza pour une fille et ainsi de suite2. On peut préciser : Tizi ou Keza medigabe,
Tizi ou Keza « de nouveau ».
C'est la mère qui donne le nom à l'enfant d'après le nombre d'enfants qu'elle
a déjà mis au monde. En conséquence, un chef de famille polygame peut très
1. Il est rare qu'une femme ait plus de dix enfants ; d'après le démographe A. Podlewski,
en effet, le nombre moyen d'enfants qu'une femme guidar met au monde est de six.
2. Ce onzième enfant peut cependant être appelé Maïabou (origine foulbé). LES « NOMS-NUMEROS » 47
bien avoir plusieurs enfants du même nom ; pour préciser, s'il le veut, il dira
simplement « Tizi na... » « Tizi de telle femme m1. Le cas n'est pas rare. Disons
donc que : i) c'est la mère qui « numérote » ses enfants ; 2) selon un système déci
mal et cyclique ; 3) où la distinction sexuelle est marquée pour les quatre premiers
seulement.
Exceptions
Comme tout système, celui-ci comporte des exceptions : pour des raisons que
nous allons indiquer, certains enfants reçoivent non pas des noms-numéros, mais
des noms particuliers, imposés par la coutume. Les noms-numéros qu'ils auraient
dû porter ne sont pas attribués, et les enfants qui naissent ensuite portent les
numéros subséquents ; ainsi, lorsque le cinquième enfant ne peut être nommé
Madi, son cadet est appelé Todou.
Les enfants qui ne reçoivent pas de noms-numéros sont ceux « qui ont dévié
la route » : les jumeaux, les deux enfants nés dans la concession après les jumeaux,
l'enfant né avec le placenta, l'enfant qui suit un enfant mort, l'enfant posthume
et les enfants qui n'ont pas pu naître à la place habituelle dans la concession.
1) Les jumeaux apportent dans le système le plus grand bouleversement,
puisque la simultanéité de leur naissance contredit le principe de la numérotat
ion2. Leurs noms sont choisis, par un procédé divinatoire, dans une liste finie3.
2) Les deux enfants nés dans la concession après les jumeaux ne reçoivent pas
non plus de noms-numéros parce qu'ils prennent la place des jumeaux dans le
ventre de la mère4, que les jumeaux ont brouillé la succession, et que par consé
quent on ne sait pas dans quel ordre ils auraient dû naître. Ces enfants sont appelés,
le premier Doubla, ou Douboulke si c'est une fille, le second Gandaf.
Dans le cas de naissance gémellaire, quatre numéros ne sont donc pas attribués ;
c'est en cette occurrence que l'attribution de noms-numéros est le plus long
temps suspendue.
1. Une femme ayant déjà eu des enfants d'un précédent mariage et qui donne des enfants
à un homme n'en jamais eu auparavant reprend son « numérotage » à zéro. Elle ne le
reprend pas si l'homme a déjà eu des enfants, même si ceux-ci sont morts. En conséquence,
dans le premier cas, une femme peut, elle aussi, avoir plusieurs enfants du même nom ; si
elle veut préciser, elle dira « Tizi na... » « Tizi de tel homme ». En fait, l'usage est souvent
plus complexe : par exemple, le père appellera l'enfant Tizi (premier enfant garçon), signifiant
par là qu'il est son héritier, et la mère l'appellera (mais en l'absence du père seulement) par
exemple Toumba, signifiant par là que pour elle il est le troisième.
2. Le premier-né est cependant considéré comme l'aîné.
3. Pour les garçons : Messengue « jumeau », Malay, Aloua, Gelva, Massay, Gesere, Boloï.
Pour les filles : Mossonkou « jumelle », Malya, Alouke, Gerfe, Dimle, Gilian. Les noms de
jumeaux sont les seuls à être déterminés par divination.
4. Ces enfants peuvent être de mères différentes si les femmes sont enceintes en même
temps dans la concession. CHANTAL COLLARD 48
3) L'enfant suivant un enfant mort est appelé Monglo « cendre », ou Mongoul-
kou si c'est une fille, car à sa naissance il est posé sur la cendre. Il n'est pas
« numéroté », car on pense qu'il est peut-être la réincarnation de l'enfant mort1.
4) L'enfant né avec le placenta est appelé Dougzloum « avec le placenta ».
C'est le seul cas de naissance reconnue comme anormale qui suspende l'attribu
tion du nom-numéro2.

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