Les surveillants de prison : un corporatisme sans issue ? - article ; n°2 ; vol.1, pg 209-218
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Description

Déviance et société - Année 1977 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 209-218
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 51
Langue Français

Extrait

Antoine Lazarus
Les surveillants de prison : un corporatisme sans issue ?
In: Déviance et société. 1977 - Vol. 1 - N°2. pp. 209-218.
Citer ce document / Cite this document :
Lazarus Antoine. Les surveillants de prison : un corporatisme sans issue ?. In: Déviance et société. 1977 - Vol. 1 - N°2. pp. 209-
218.
doi : 10.3406/ds.1977.948
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1977_num_1_2_948et Société, Genève, 1977, vol. 1, No 2, p. 209-218 Déviance
LES SURVEILLANTS DE PRISON :
UN CORPORATISME SANS ISSUE ?
Par Antoine LAZARUS * '
Les Surveillants de Prison : un corporatisme sans issue ?
Cette fonction née de l'ancien projet pénitentiaire qui était de
garder pour punir, pour faire subir une pénitence est aujourd'hui
confrontée aux nouveaux objectifs de la prison tels qu'ils sont définis
par le code de procédure pénale :
"le régime des prisons établies pour peine est institué pour favoriser
l'amendement des condamnés et préparer leur reclassement social"
(article 728 du C.P.P.).
"A l'égard de tous les détenus dont elle a la charge à quelque titre que ce soit,
l'administration pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la
personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur
réintégration dans la société", (article D 189 du C.P.P.).
L'optimisme de cet exposé d'intention, pourrait laisser croire qu'à
code moderne, à loi progressiste, correspondent des pratiques qui le
sont aussi. Les faits viennent lourdement démentir les intentions.
Les personnels doivent appliquer un régime "établi pour peine"
comme ailleurs on dirait : un régime établi pour éduquer ou pour
soigner ou pour distraire. Ce établi pour peine doit cependant
"favoriser l'amendement"; nous sommes dans la continuité des grandes
missions de redressement moral du XIXème. Les personnels devront
également préparer le "reclassement social" des condamnés et "prendre
toutes les mesures destinées à faciliter leur réintégration dans la
société". Voilà définis les objectifs. La peine, la réinsertion. Dans quel
contexte : "dans le respect et la dignité inhérente à la personne
humaine".
Mission complexe dont on se demande si la prison peut assurer le
deuxième terme. En effet, de l'avis de tous les praticiens des choses de
la justice, de l'éducation, de la prévention sociale ou de la réinsertion, la
prison échoue dans ses objectifs officiels.
* Université Pierre et Mark CURIE, Paris
209 En 1973, les résultats d'une enquête faite par l'administration
pénitentiaire en France sur la récidive des condamnés libérés fait
apparaître un taux de récidive de :
— 55 à 60% pour les courtes peines (jusqu'à un an);
— 50 à 55% les peines de 1 à 3 ans;
— 30 à 50% pour les de 3 à 5 ans;
— 30% pour les peines supérieures à 5 ans.
Cependant, pour la tranche d'âge située entre 16 et 18 ans, on
compte 72% de récidive et 63% pour celle de 18 à 25 ans (1).
Inutile de reprendre le traditionnel lamento sur l'échec des
prétentions éducatives du système pénitentiaire. La prison répond en
fait parfaitement à la commande sociale qui l'a instituée (2). Son rôle
apparaît essentiellement de nature idéologique. Elle est la menace
explicite et toujours présente pesant sur ceux qui sortent du jeu de
soumission sociale. Elle participe au réseau de qualification "exclusion"
(stigmatisation et marginalisation socio-économique). Et produit ainsi
des boucs-émissaires idéaux, canalisant la réprobation morale de la
classe ouvrière et de la petite bourgeoisie salariée vers des individus issus
de leurs rangs. Avec un taux de récidive de l'ordre de 50%, le soit-disant
échec du traitement pénitentiaire apparaît plutôt comme une réussite :
"La prison, en "échouant" apparemment, ne manque pas son but; elle atteint
au contraire dans la mesure où elle suscite au milieu des autres une forme
particulière d 'illégalisme ... Elle contribue à mettre en place un illégalisme
voyant, marqué, irréductible à un certain niveau et secrètement utile ... elle
dessine, isole et souligne une forme d'illégalisme qui semble résumer
symboliquement toutes les autres, mais qui permet de laisser dans l'ombre
celles qu'on veut ou qu'on doit tolérer". (3).
De tous les objectifs assignés à la prison par le discours officiel,
celui d'instituer un régime pour peine — c'est-à-dire pour punition (4) —
est le seul à sa portée. Et ceci se lit dans les pratiques mêmes de
l'institution.
En effet, l'homme délinquant est vécu par l'institution comme un
sujet dont la personnalité déviante doit être régénérée. C'est sur les
ruines de la volonté "mauvaise", sur ces fragments malaxés que l'ordre
moral pourra construire. Les termes de "je le ferai fléchir, je le casserai,
il cédera, il verra qui est le plus fort" — si fréquents — sont ceux du
conflit ouvert entre l'administration et le détenu qui se révolte. Si au
contraire écrasé, triste, désemparé, le se déprime, pleure
sagement et poliment, un consensus se fait pour le soutenir, l'aider,
l'aimer bien. Pour assurer sa fonction, l'administration pénitentiaire a
autant besoin du détenu qui se révolte que de celui qui se soumet.
Face à ces objectifs contradictoires, punir/réinsérer, apparait
l*ambivalence de la fonction des personnels de surveillance. D'un côté
210 un rôle de sécurité, répressif, agents directs de l'enfermement, de l'autre
un rôle éducatif hypothétique. La réalité de la fonction dans les moins
mauvais cas se situe entre les deux. L'image sociale véhiculée autant à
l'extérieur des prisons que dans les mentalités des détenus montre un
surveillant et son administration, butés, sadiques, hypercompensant par
l'arrogance et la mesquinerie le médiocre de la fonction. Ce constat
empirique vécu se retrouve dans différentes recherches (5). Cette image
n'est pas sans fondement. Toutefois le "désir" exprimé par les
surveillants est d'une tout autre nature (6). Encore faut-il faire là la part
d'une aspiration réelle à une révalorisation professionnelle et celle d'une
idéologie professionnelle compensatrice mais aussi nécessaire à l'ordre
carcéral. Entretenir l'illusion d'une visée éducative est un moyen
extrêmement sûr pour maintenir le statu-quo chez le personnel de
surveillance.
L'administration profite de cette ambivalence en jouant très
habilement sur les deux tableaux (7).
Dans la pratique, priorité est donnée à la sécurité, devenue une
obsession sous le ministère FOYER. Dans le même temps, la référence à
la mission éducative des gardiens se présente sous la forme d'un
leitmotiv, destiné à masquer la réalité des pratiques effectivement
demandées à cette catégorie de personnel. La meilleure preuve en est
que le temps de formation ne saurait permettre ne serait-ce qu'une
initiation aux pratiques éducatives.
L'entrée dans l'administration pénitentiaire correspond la plupart
du temps à un échec dans un processus antérieur d'intégration
professionnelle. En effet, vu le très faible niveau de qualification (79%
ont un niveau scolaire inférieur ou égal au C.E.P. ou à celui d'un C.A.P.)
:
i Niveau d'étude des élèves surveillants
Aucun diplôme 11 %
' t Certificat ou C.A.P. ou d'études C.F.P.A priaaires M %
: Entre C.E.P. et B.E.P.C. 1O %
' B.E.P.C. et BAC 10 « (8)
t
: AGE et situation de f anil le des élèves surveillai*
s 19-25 ans 52 % Célibataires i 33 %
! 25-30 ans 25 % * 12 % Mariés
: 3O-35 ans 17 % avec 1 ou 2 enfants : 40 %
* Plus de 35 ans 6 % Avec 3 enfants et plus [ 15 X
211 entre relativement tard à l'administration pénitentiaire (48% ont on
plus de 25 ans et 55% d'entre eux sont mariés avec au moins un enfant),
ainsi que le montre les tableaux suivants, concernant les 5 249 élèves
surveillants des 44 promotions recrutées e

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