Majakovskij vu par les zaumniki du 41° - article ; n°2 ; vol.68, pg 251-261
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Description

Revue des études slaves - Année 1996 - Volume 68 - Numéro 2 - Pages 251-261
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Régis Gayraud
Majakovskij vu par les zaumniki du 41°
In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 2, 1996. pp. 251-261.
Citer ce document / Cite this document :
Gayraud Régis. Majakovskij vu par les zaumniki du 41°. In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 2, 1996. pp. 251-261.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1996_num_68_2_6328MAJAKOVSKÚ
VU PAR LES ZAUMNIKI DU 41
PAR
RÉGIS GAYRAUD
Nous sommes en 1918. La Géorgie vient d'accéder à une fragile indépen
dance qui durera jusqu'en 1921. À l'abri derrière le Caucase, le pays est relat
ivement paisible et bien nourri. À Tiflis déferlent alors dans l'attente de jours
meilleurs de nombreux intellectuels, peintres, poètes, musiciens, acteurs qui,
rejoignant les artistes locaux, vont faire de la ville une véritable oasis de création
en y développant une vie artistique sans précédent.
Parmi eux, le peintre tiflissien Kirill Zdanevič et le poète Aleksej Kručenyx
ont créé au printemps 1917 un « Syndicat des futuristes », qui va se renforcer
avec le retour ď Iľja Zdanevič — frère de Kirill — en novembre1 et se transfor
mer en « Université du 41° » (Vseučbišče 41 °)2 à partir de mars 1918, après le
ralliement d'Igor' Terent'ev. Pendant un peu plus de deux ans, jusqu'en octobre
1920, le 41°, à côté d'autres groupes poétiques comme Golubye rogi (les Cornes
bleues), AIJa-lira (Alpha- Lyra), le nouveau Cex poètov (la Guilde des poètes)
ou Koľčuga (la Cotte de mailles)3, va animer la vie de Tiflis. Sous le label du
1. De la mi-mai à octobre 1917, 1. Zdanevič participe a l'expédition archéologique
organisée par le professeur E. Takaišvili dans les anciennes régions géorgiennes se trouvant
en territoire turc et rendues accessibles a la suite de l'avance des armées russes lors de la
Première Guerre mondiale.
2. I. Zdanevič, qui trouva le nom du groupe, en donne plusieurs interpré tarions : un
degré de plus que le titrage de l'eau-de-vie, un idiot [sic] de plus que les Académiciens, un
jour de plus que la traversée du désert et, plus simplement, la latitude de grandes villes
comme Constantinople, New York... et Tiflis. Le terme de Vseučbišče provient du néologisme
de Xlebnikov dans Vnučka Maluši, où il surnomme les cours Bestužev Dont zenskogo
vseučbišča.
3. Le groupe des symbolistes géorgiens (G. Robakidze, P. Jašvili, T. Tabidze,
V. Gaprindašvili, etc.) fait paraître le premier almanach de Golubye rogi en avril 1916. Aľfa-
lira, groupe éclectique tirant son inspiration de l'histoire géorgienne, apparaît à la fin de 1917
sous l'impulsion de la poétesse Taťjana Večorka avec G. Evangulov, S. Mixailova (Marr),
N. Vasiľjeva, L. Rejxštadt, etc. et disparaît à la naissance de Kol 'čuga (voir plus loin). Le
Tiflisskij cex poètov, animé par S. Gorodeckij réunit les « acméistes tiflissiens » (S. Rafalovič,
Rev. Étud. slaves, Paris, LXVIII/2, 1996, p. 251-261. REGIS GAYRAUD 252
Syndicat des futuristes ou du 41° vont paraître plus de cinquante petits livres qui
prolongent la tradition futuriste, essentiellement des recueils de Krucënyx,
Terenťev et Iľja Zdanevič. Une quarantaine de conférences ont lieu, sans
compter les soirées, les expositions et les cours donnés par l'Université.
Hors des frontières de la Russie, dans des conditions privilégiées voisines
de celles qui avaient présidé à la naissance de Dada dans la Suisse neutre de la
Première Guerre mondiale4, le 41° parvenait à maintenir avec une intensité
maximale la pression avant-gardiste. Des hommes nouveaux, d'autres qui
avaient commencé leur carrière poétique dans les soirées tumultueuses de
Moscou ou de Saint-Pétersbourg, comme Krucënyx ou Zdanevič, trouvaient la
possibilité de développer leurs théories sur un terrain à peu près vierge et où
l'utopie, qu'elle fût poétique ou politique avec les multiples discussions autour
de la fondation du nouveau pays, enthousiasmait les foules.
Le 41°, dans les textes théoriques de Krucënyx et de Terenťev, ou plus
tard, dans les conférences parisiennes de Zdanevič qui, pour l'essentiel, repren
nent les données des travaux effectués à Tiflis, a le souci constant d'évoquer
l'histoire de la poésie russe. Il peut s'agir de s'établir dans une lignée, et alors,
celle-ci, partant de Puškin, passant par Gogoľ, Fet, Tjutčev, les symbolistes, a
comme dernier chaînon avant le 41° les budetljane. Il peut s'agir d'affirmer son
originalité, et alors, les budetljane font cette fois office de repoussoir. Dans les
deux cas, le nom de Majakovskij est de loin le plus souvent cité, loin même
devant Xlebnikov (auquel est cependant consacré un article dans le journal
41 °5), très loin devant Burljuk. Quel regard projettent les zaumniki du 41° sur le
plus célèbre des futuristes russes6 ? En quoi l'activité du 41° correspond (ou ne
correspond pas), dans les deux aspects (poétique et politique) de l'utopie futu
riste à une certaine activité maïakovskienne ?
1. SUR LE PLAN POÉTIQUE
Remarquons tout d'abord que si Majakovskij est objet de raillerie, de sa
rcasmes de la part des zaumniki du 41°, il l'est somme toute dans une bien
moindre mesure que D. Burljuk, auquel est consacrée le 26 mars 1918 une
conférence semi-bouffonne, Lornet Lodi Burljuka (le Lorgnon de Dodia
Bourliouk), et qui, ça et là, apparaît sous les traits d'un personnage balbutiant et
ridicule. Majakovskij, lui, trouve en quelque sorte une place dans le panthéon du
41°. Mais c'est une place controversée et fragile. Pour Krucënyx, il y entre par
une porte dérobée, celle du sdvig, du déplacement de sens qui permet aux
zaumniki de s'approprier une œuvre en y trouvant la justification de leur théorie.
A. Antonovskaja, etc.) à partir d'avril 1918. Cex poètov Koľčuga, groupe scissionnaire du
précédent après août 1918, est dirigé par le poète Ju. Degen, admirateur de M. Kuzmin et
réunit autour de la revue Feniks A. Cačikov, N. Semejko, V. Katanjan, etc. ainsi que les
membres ďAľfa-lira. L'activité de Golubye rogi et des deux « guildes » rivales déclinera à
partir de 1920 et s'arrêtera l'année suivante après l'arrivée des troupes bolcheviques.
4. Le mot Dada est trouvé par R. Huelsenbeck en février 1916 à Zurich. Les pre
mières réunions au cabaret Voltaire ont lieu en mai.
5. Azef-Iuda-Xlebnikov, par A. Krucënyx, 41 °, n° 1 (et unique), 14 juil. 1919.
6. Remarquons que les zaumniki de Tiflis n'emploient le terme de « futurisme »
(pour désigner leur propre création) que dans un but pratique de simplification théorique.
Zdanevič, qui avait critiqué le futurisme en fondant le vsëcestvo (toutisme) en 1914, ne l'uti
lise d'ailleurs pas davantage à Tiflis. VU PAR LES ZAUMNIKI DU 41° 253 MAJAKOVSKÚ
En 1918, Krucënyx publie Malaxolija v kapote (Melancholie en capote), recueil
dont le titre comporte une allusion claire à Oblako v štanax (Nuage en pantalon).
Dans ce recueil qui se veut scandaleux, Krucënyx, pour illustrer la théorie du
sdvig, cite plusieurs fois des vers de Majakovskij, que ce soit dans le passage
intitulé Istorija как. АпаГпаја erotika (Histoire de « как ». Erotique anale),
dans Y Jamudii (Histoire de la Je-Sagie) ou dans Istorija bukvy « JU »
(Histoire de la lettre « Iou »). Krucënyx présente Majakovskij comme un élève
qui, sur la voie de la zaum ', aurait encore beaucoup de travail à fournir pour
réussir l'examen de passage futuriste. Mais c'est dans un autre recueil, Ozirenie
roz (l'Engraissement des rosés, 1918), que Krucënyx l'exprime le plus
nettement. Opposant Terent'ev à Majakovskij, il déclare que le premier est déjà
devenu futuriste parce qu'il s'est engagé nettement sur la voie du transrationnel
— ego poezija uže « zafuturela » — alors que Majakovskij, s'est arrêté en
chemin :
A вот Маяковского еще надо футурнуть. С одной стороны дописался до
«пожара в сердце» [...] а с другой до влажного Хлебникова: « Любенки —
любята — небье лицо» и с третьей погружается в горшок анальной эротики:
думающие лучше нажраться КАК ! О, бессмертный К. Прутков со своим: annus
anni. [...] О надо его футурнуть!
Majakovskij n'est pas assez futuriste — ce verdict, ainsi que la comparaison
avec Terent'ev, nouveau venu dans le monde futu

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